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La drôle de guerre climatique
Publie le mercredi 29 novembre 2006 par Open-Publishing5 commentaires
La drôle de guerre climatique
On se souvient avec une certaine confusion de la drôle de guerre qui prépara la guerre véritable. Cet "entre-deux" qui suivit la paix mal appréciée et précéda la prévisible déflagration. Nous sommes désormais en train de le revivre avec tout autant d’insouciance qu’à l’époque de la piteuse rencontre de Munich. C’est ce malaise-là que l’on ressent en premier lieu au sortir de la projection du film d’Albert Gore. "Une vérité qui dérange", certes oui, mais qui dérange tellement qu’elle pourrait rester lettre morte jusqu’au point d’irréversibilité.
Nous avons dix ans pour éviter la catastrophe climatique, pour balayer les Daladier et les Chamberlain. Une tâche incommensurable qui dépasse tout ce que l’Homme a eu à connaître jusqu’ici.
La grande majorité des scientifiques admet désormais que les observations alarmantes réalisées à la surface du Globe sont essentiellement dues à l’exponentiel développement des activités humaines entamé au début de l’ère industrielle voilà deux siècles et demi. La réduction de la banquise arctique représente chaque année plus de 35 000 km ?, soit plus que la superficie de la Belgique. Au-dessus de l’Antarctique, le trou dans la couche d’ozone a battu en septembre dernier un nouveau record avec 29,5 millions de km ? de surface et 40 millions de tonnes en volume.
Les conséquences concrètes du réchauffement climatique sont déjà là, avec l’extension des zones tropicales ou désertiques, ou programmées à brève échéance comme avec la disparition des forêts de hêtres dans le bassin parisien. L’inventeur de l’hypothèse Gaia, James Lovelock, est, lui, sans illusion : l’augmentation de la température terrestre sera de huit degrés centigrade d’ici 2050 . Dans son dernier livre, "La revanche de Gaia" (1), il défend la thèse selon laquelle Gaia, la terre-mère dans la mythologie, est un système dont l’ancestrale régulation est irréversiblement perturbée. Il faudrait inverser la courbe de l’impact des activités prédatrices et rompre avec l’économisme mais ce vieil homme lucide pense que les hommes seront incapables d’engager cet ultime combat. Ce n’est pas seulement la planète qui est menacée ; la Civilisation l’est tout autant.
1,3 milliard de réfugiés climatiques
L’une des conséquences majeures d’un réchauffement climatique de l’ampleur annoncée tient à la montée du niveau des océans. Selon les hypothèses crédibles de l’élévation des températures, présentées notamment dans la conférence filmée d’Albert Gore, 1,3 milliard d’individus devront à terme abandonner des terres dramatiquement menacées d’immersion. D’ores et déjà, le nombre des éco-réfugiés augmente d’année en année en raisons de divers facteurs climatiques. Le monde n’est en rien préparé à ces déplacements de population qui prendront demain une allure vertigineuse. Il n’est pas déraisonnable d’imaginer que des guerres pourront alors être déclenchées pour l’accaparement des territoires encore viables.
Face à la prédiction apocalyptique, la prise de conscience est lente et les actions d’envergure fort timides. Le "développement durable" ne suffira pas à calmer - et encore moins à dompter - le cyclone que les hommes nourrissent depuis trop longtemps. On parle de substituer au productivisme débridé un productivisme raisonné. On confond ainsi l’attribut avec la substance coupable : c’est bien le productivisme qui est condamnable en soi. Les promoteurs de l’A380 sont fiers de proclamer que le nouvel aéronef consommera moins de kérosène par passager que son rival Boeing, 3 litres pour 100 km contre 3,4 litres. Ce minime avantage occulte honteusement que le trafic aérien pourrait tripler dans les dix années à venir et est ridicule quand on le compare au rythme avec lequel les traumatismes climatiques nous submergent. Une autre illusion nous aveugle : le progrès issu des sciences et de la technique nous sauvera. Le technocentrisme est un piège mortel qui, sous couvert d’incontestables améliorations potentielles dans l’utilisation plus économe des ressources de la planète ou pour le traitement des rejets toxiques dans l’environnement, nous autorise à poursuivre notre fuite en avant consumériste. La technique n’aura de sens que dans l’appui qu’elle apportera à la remise en cause des modes de vie destructeurs des pays du Nord.
Le défunt humoriste parlait d’or, lui qui proclamait qu’il est plus facile de changer le pansement que de penser le changement. Cette dernière posture par laquelle nous devrons passer est avant toute autre chose une affaire de mentalités. Et on le sait, les mentalités évoluent toujours plus lentement que la réalité du monde dans lequel vivent les hommes et que ceux-ci façonnent plus ou moins consciemment. Les "bobos à 4 x 4" n’aiment pas qu’on les stigmatise. Pourtant, leur égoïsme est peut-être le signe définitif de la défaite de l’intelligence humaine. Conjointement à la dénonciation d’un mode de production par essence orienté pour le profit immédiat nous devons combattre nos égoïsmes multiples et respectifs. Tels sont les défis de la prochaine décennie. Qui veut vraiment sauver Gaia ?
* Yann Fiévet est professeur d’économie et président du réseau local du Val d’Oise d’Attac
(1) - James Lovelock, The Revenge of Gaia, Penguin, 2006.
Messages
1. > La drôle de guerre climatique, 29 novembre 2006, 16:07
C’est un bon article.
1. > La drôle de guerre climatique, 29 novembre 2006, 17:15
Ce qui est très inquiétant c’est la façon dont la prise de conscience se réalise actuellement dans certains clubs d’économistes ; j’étais vraiment très en colère Lundi soir en écoutant sur France-culture l’émission "l’économie en questions". Pour tout ce petit monde l’écologie sera le prochain Grand Marché ou nous n’avons plus qu’à prendre des actions. Aucune remise en questions du système qui nous a amené à cette catastrophe. Pire on recommande la maladie qui nous détruit. Bien sur la seule chose qui n’est pas abordée c’est l’impérieuse nécessité du partage pour éviter les guerres d’accès aux ressources....mais ça c’est politique ! France
2. > La drôle de guerre climatique, 29 novembre 2006, 21:49
Merci.
C’est effectivement gravissime, non seulement le capitalisme est mortifère pour le social mais il va se détruire et nous détruire biologiquement.
Plus anecdotiquement...
Comme ça j’ai découvert cette revue intéressante que je ne connaissais pas.
Ca me rappelle de grands souvenirs, moi qui ai eu la chance d’avoir René Passet comme prof en maîtrise et qui ai pris une claque terrible en lisant l’économique et le vivant..
Jean-Michel (PCF)
1. > La drôle de guerre climatique, 30 novembre 2006, 00:59
Tenez,
Voila ce qui est vraiment inqietant.
Lu sur ce site :
http://www.total.com/
La présence de Total au Myanmar soulève de nombreuses controverses. Voici un pays dont le Parlement Européen dénonce « la situation politique désastreuse »* et que l’Organisation Internationale du Travail critique régulièrement pour sa pratique du travail forcé. Un certain nombre d’entreprises occidentales ont quitté la Birmanie sous la pression d’organisations militantes. Que va donc y faire Total, comment cette Compagnie s’y est-elle comportée et pourquoi y reste-t-elle ?
La carte des gisements d’hydrocarbures dans le monde ne coïncide pas avec celle des régimes démocratiques. Aussi les groupes pétroliers sont-ils souvent interpellés par la société civile qui les interroge sur leurs méthodes de travail dans des pays difficiles, sur leurs rapports avec les pouvoirs en place, sur les mesures de sécurité visant à protéger leurs installations et sur l’emploi fait par les états hôtes de leurs recettes pétrolières.
Partout où le Groupe est présent, il a pour objectif de réaliser des projets économiques rentables dans le respect des lois locales et internationales applicables, et en conformité avec son propre Code de Conduite. Total n’a pas attendu d’être associé depuis 2002 à l’initiative lancée par le Secrétaire Général de l’ONU, le Global Compact (Pacte Mondial), pour se comporter en citoyen du monde, et l’entreprise souhaite contribuer au développement économique et social et à la protection de l’environnement dans tous les pays où elle se trouve.
Diverses accusations ont été portées contre Total, mettant en cause la légitimité de sa présence au Myanmar et ses manières d’agir. Le site offre un historique de cette présence et décrit les différentes actions menées sur place. Son ambition n’est pas tant de répondre à des critiques injustes que de replacer le débat sur son véritable terrain : une entreprise multinationale responsable peut-elle contribuer de manière positive à l’évolution économique et sociale d’un pays soumis à de fortes tensions internes ?
Vous avez bien lu : Total admet qu’il gagne du fric dans une dictature.
Ce texte est vraiment superbe de cynisme.
Bravo Total...
Il parle même de "citoyen du monde"...
Et puis un lapsus : "Global Compact" au lieu de "Global Pact"
Compact, en anglais, se traduit en autre par "Poudrier", c’est à dire fabriquant d’explosif.
Marrant, non ???
Ne cherchez pas plus loin la raison de la lenteur des changements...
Tant que Total fait la loi en France et dans le monde, rien ne sera fait.
jyd.
2. > La drôle de guerre climatique, 30 novembre 2006, 07:49
Très instructif.
le site exact c’est http://birmanie.total.com/
Jean-Michel (PCF)