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La fille du Che s’exprime sur les réformes à Cuba, entre espoirs et inquiétude

par Solidarité-Internationale-PCF

Publie le mardi 25 octobre 2011 par Solidarité-Internationale-PCF - Open-Publishing
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La fille du Che, Aleida Guevara, « simple militante communiste » s’exprime sur les réformes économiques entreprises à Cuba entre espoirs et inquiétudes

Interview pour le journal brésilien A folha (extraits)

Traduction MA pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

Elle dit qu’elle est juste une militante de base du Parti communiste cubain, mais elle porte le nom d’un mythe de la gauche. A 50 ans, la pédiatre Aleida Guevara s’occupe de faire vivre la mémoire de son père et propose une défense passionnée du modèle de l’île. Dans cette interview, elle exprime ses craintes personnelles que les réformes en cours sur l’île, qui ont permis la vente de biens immobiliers et de véhicules, n’affectent la conscience sociale de la population, et puisse aboutir à une montée de l’individualisme.

Comment vont les choses à Cuba ?

Nous sommes dans une situation où il nous faut trouver des solutions à des problèmes réels qui existent depuis longtemps. Et il y a les problèmes actuels que le pays subit en raison de la crise économique, qui touche tous les pays du monde. Nous sommes en train de discuter de ces problèmes avec l’ensemble du peuple, en les analysant sur les lieux de travail, dans les quartiers. Le congrès du parti a analysé tout ce qui est sorti de ces réunions populaires et est arrivé à un consensus sur le fait que nous devrons opérer quelques changements dans l’économie domestique. Résoudre le problème de familles, de personnes qui sont sans emploi en ce moment car l’État ne peut pas continuer à payer des personnes qui travaillent sans produire. Lorsque nous avons perdu le camp socialiste européen, Cuba a subi une crise brutale et l’État a garanti la sécurité de l’emploi à tout le monde sur toute la période. Aujourd’hui, la situation de notre économie s’est améliorée. Par conséquent, des possibilités réelles s’ouvrent à ces personnes pour qu’elles travaillent de façon indépendante. C’est pourquoi on en arrive à cette possibilité de travail individuel. Pour ce qui est de la Constitution, il nous faudra analyser quels sont les articles de la Constitution actuelle qui entrent en contradiction avec ces changements. Voilà pourquoi il nous faut cette analyse populaire, profonde, et s’il est nécessaire de changer un article de la Constitution, que le peuple sache ce qui se trame et pourquoi. Et le référendum qui devrait être organisé le sera plus rapidement et plus facilement.


Qu’est-ce qu’il faudrait changer dans la Constitution ?

Il a été convenu dans la Constitution que Cuba est une société socialiste. Dans cette société socialiste, il y a des normes, des règles. Quand on dit aujourd’hui qu’il y a des personnes qui vont travailler pour leur propre compte, cela peut supposer louer sa maison, ce qui n’existait pas auparavant. Ces personnes qui travaillent actuellement pour leur propre compte, si elles veulent embaucher d’autres personnes, doivent payer un salaire juste, garanti par la loi. Par exemple, si vous voulez louer une pièce de votre maison et embaucher quelqu’un pour faire le ménage. Avant cette personne n’était protégée par aucune loi. Désormais, avec ces changements, cette personne sera protégée également par les lois de l’État cubain. Ces lois doivent être introduites dans la Constitution.

Le dernier congrès du parti a ouvert la possibilité d’une appropriation privée des bâtiments et des voitures...

Disons que ce n’est pas de la propriété privée. Moi avant, par exemple, si je me payais une voiture, c’était la mienne. Le problème, c’est que je n’avais pas le droit de la vendre. Aujourd’hui, j’ai ce droit. Ce qui a changé, c’est que le citoyen qui est propriétaire de sa voiture puisse la vendre légalement. C’est sa propriété, c’est son droit. C’est la même chose pour les maisons. Si une maison est légalement la tienne, tu peux la vendre.

Mais c’est reconnaître la propriété privée

Dans ce qui existait déjà, dans la propriété individuelle. Que tu peux appeler privée, si tu veux. C’est la tienne. Le problème, c’est de légaliser cette propriété de façon à ce que tu puisse en user comme tu le désires.

Vous ne trouvez pas que cela rentre en conflit avec le principe socialiste ?

Non. Cela ne pose aucun type de problème avec les principes socialistes. Le problème, ce n’est pas de vendre ta maison ou ta voiture ou de l’échanger. Cela me paraît une très bonne chose que nous puissions le faire librement, sans aucune entrave. Le problème, c’est qu’il existe aujourd’hui des travailleurs qui travaillent pour leur propre compte. Ces travailleurs vont rechercher leur bénéfice personnel. Ma crainte personnelle – comme simple citoyenne, je n’ai rien à voir avec la direction du gouvernement cubain, je suis une médecin cubaine – ma crainte est que les personnes qui travaillent pour elles-mêmes perdent un peu de vue la question sociale, perdent leur conscience sociale. En vivant dans une société socialiste, nous travaillons pour tout un peuple. Quand tu commences à travailler pour remplir ton porte-feuille, pour ton bien-être personnel, il y a le risque de perdre ce lien social que nous avons toujours maintenu. C’est ma préoccupation personnelle. L’État socialiste continue d’être socialiste car il n’y a pas privatisation des grands moyens de production. Ce n’a pas eu lieu et cela n’aura pas lieu. Le peuple cubain continue d’être le propriétaire de tout ce qui se produit dans le pays. Tu peux être le propriétaire de ce que tu produis dans ta maison, dans un restaurant, un salon de beauté, des services produits. Mais les grands moyens de production, tout est entre les mains de l’État, donc, du peuple. Dans cette perspective, il n’y a aucun changement.

Les réformes ont été faites pour libérer quelque peu l’Etat du poids de personnes qui...

Exactement. De personnes qui seront laissés sans travail par l’État, car l’État ne peut pas continuer à soutenir cette situation. Nous avons connu des améliorations économiques. Ces personnes restent libres de travailler pour l’État et d’avoir leur propre travail. Et l’État se libère de cette situation difficile où il faudrait garder ceux qui ne produisent pas.

Votre crainte, c’est que cette réforme, qui peut être lue comme plus privatisante, affecte la conscience sociale ?

L’homme pense comme il vit. C’est ma préoccupation, tout simplement. Si tu vis juste en étant intéressé par la rénovation de ta maison, par l’accroissement de la quantité d’argent que tu as dans ton porte-feuille, par l’amélioration de ta garde-robe, tu oublies que l’école du coin, où tes enfants et tes petit-enfants étudient, aura besoin d’un petit coup de peinture. Tu serais capable de donner un peu de ton argent à cette école ? Si tu en es capable, je ferme ma bouche et me voilà satisfaite. C’est ma préoccupation, que l’on perde cette perspective, que l’on ne soit plus concerné par la perspective de la communauté sociale, qui est ce que nous sommes et continue d’être notre raison d’être.

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