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La hantise de l’embrasement en France

Publie le mercredi 28 novembre 2007 par Open-Publishing
1 commentaire

La hantise de l’embrasement en France (le soir quotidien belge)
JOELLE MESKENS

mardi 27 novembre 2007, 23:02

PRUDENTISSIME. Le gouvernement veut éviter les erreurs de 2005. Mais son plan « banlieues », qui doit être présenté dans un mois, est attendu au tournant. Mardi soir, le calme semblait régner à Villiers-le-Bel, en banlieue parisienne, où des centaines de membres des forces de l’ordre ont été déployés en renfort afin d’éviter une troisième nuit d’affrontements entre jeunes et forces de l’ordre.
AP

ANALYSE

PARIS

DE NOTRE ENVOYÉE PERMANENTE

Eviter le moindre mot, la moindre image, qui pourrait attiser l’incendie. Et, bien sûr, empêcher à tout prix que les émeutes fassent des morts. Le gouvernement est à nouveau confronté à une équation éminemment délicate. Pire encore, peut-être, qu’il y a deux ans. C’est en tout cas ce que disent les élus des cités et les syndicats policiers après les violences du Val d’Oise. Les incendiaires n’épargnent rien : ni les écoles ni les bibliothèques. Et les émeutiers tirent avec des fusils de chasse sur les forces de l’ordre.

Le gouvernement a pris dès dimanche soir la mesure de la crise. Au plus haut niveau. De Chine, Nicolas Sarkozy a appelé à l’apaisement. A ses côtés, Rachida Dati, la ministre de la Justice, a recommandé la fermeté aux parquets. Et tous les ministres concernés sont mobilisés. Après Michèle Alliot-Marie lundi, le chef du gouvernement François Fillon et sa secrétaire d’Etat à la ville Fadela Amara se sont rendus à Villiers-le-Bel, hier. Et dès ce mercredi, de retour en France, le Président tiendra une réunion de crise sur les événements. Objectif : éteindre le plus rapidement possible l’incendie avant qu’il se propage.

La leçon de 2005 a été retenue. Surtout pas de précipitation. Il y a deux ans, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait conclu dès les premières heures des émeutes de Clichy- sous-Bois que Ziad et Bouna, électrocutés dans un transformateur EDF, étaient des délinquants. L’enquête avait ensuite démontré le contraire mais l’empressement du ministre à stigmatiser les jeunes, succédant à ses propos sur la « racaille » et le « Kärcher » n’avait fait que renforcer la colère dans les banlieues. Cette fois, la prudence est spectaculaire. Alors que les premiers éléments de l’enquête accréditent la thèse d’un accident de la circulation banal et dédouanent les policiers, les autorités se gardent encore de toute conclusion et multiplient les gestes en direction des familles des jeunes décédés. « Si elles le souhaitent, je les rencontrerai », disait MAM lundi. Tant de sollicitude pour un accident ?

L’inquiétude est en réalité très vive. « Pour l’instant, nos collègues ne ripostent pas aux tirs, dit un syndicaliste policier. Mais combien de temps vont-ils pouvoir tenir ? »

L’urgence est au retour à l’ordre. Mais comment procéder ? Instaurer l’état d’exception ? En 2005, déjà, Nicolas Sarkozy n’était pas favorable à cette idée de Dominique de Villepin. La ministre de l’Intérieur parle d’une « montée en puissance » des effectifs pour neutraliser les casseurs et demande l’aide de la population pour les interpeller.

Un cauchemar, déjà, se profile. Que la crise des banlieues se prolonge et que le pays soit à nouveau paralysé par les grèves. Les cheminots n’ont fait que suspendre leur préavis aux négociations sur la réforme des régimes de retraites. Et les fonctionnaires pourraient remettre le couvert pour protester contre les réductions d’effectifs.

Le chef de l’Etat avait prévu de s’exprimer dès son retour de Chine sur le pouvoir d’achat. Il devra intégrer un autre sujet… Son entourage annonce « un message fort » sur la sécurité.

Rien n’incite à l’optimisme. Car quand bien même le calme reviendrait rapidement dans les banlieues, le gouvernement devrait encore convaincre sur le fond de sa politique. « Rien n’a été fait », critique déjà le parti socialiste, en évoquant un « désengagement de l’Etat ». Seule Ségolène Royal se distingue de la ligne traditionnelle de la gauche, en appelant à une « mobilisation nationale » sur les banlieues, toutes tendances politiques confondues. Un souhait qui rejoint l’appel à l’« union nationale » du chef du groupe UMP à l’Assemblée, Jean-François Copé.

Messages

  • « blog paris, bernard delattre, correspondant libre belgique paris

    28.11.2007
    Un grand classique
    La nuit a donc été plutôt calme en banlieue. Les innombrables appels à la raison lancés par les familles des victimes et les élus locaux commenceraient-ils à porter leur fruit ? A moins que les fauteurs de troubles n’aient été impressionnés par la promptitude de la réaction judiciaire ? Hier, quatre casseurs ont été condamnés à des peines de prison ferme allant jusqu’à dix mois de réclusion et quatre autres ont été placés en détention provisoire. Peut-être est-ce aussi l’impact du désormais très impressionnant dispositif policier : pas facile de continuer à faire le malin quand un millier de policiers et de CRS sont déployés (y compris le groupe d’élite du Raid, avec leurs fusils à lunettes de visée nocturne) et que les hélicos tournoient pendant toute la nuit dans le ciel.

    En même temps, un autre facteur a peut-être aussi contribué au maintien hier soir d’un calme relatif dans le Val d’Oise. C’est un grand classique. Les forces de l’ordre connaissent bien ce facteur, et depuis très longtemps. Ce vieux principe ne vaut pas seulement pour la France, mais s’applique aux autres pays également. Il peut paraître à première vue complètement débile. Mais, lors notamment de la grande crise des banlieues d’il y a deux ans, il s’est appliqué avec une rigueur et une régularité impressionnantes.

    Quoi cela ? Dans une crise entraînant des mouvements de foules et des manifestations de rue, l’ampleur des troubles est généralement proportionnelle… à la clémence de la météo et à l’intérêt des programmes de télé. En clair, il n’y aura jamais autant de trublions dans les rues que les soirs où le climat est doux et où il n’y a rien à la télé. Or hier soir, il y avait un grand match foot. Et la température a brutalement chuté en grande couronne parisienne en début de nuit, pour plonger à l’aube jusqu’à -2 degrés. Deux conditions donc étaient réunies pour préférer rester chez soi.

    Et ce soir ? D’un côté, d’après la météo, il va faire un peu moins froid qu’hier soir. Plutôt donc de quoi donner envie de sortir. Mais de l’autre côté, il y a l’OM et « Les Experts » à la télé. Pas trop facile, dès lors, sur base de ce seul critère, de faire des pronostics. Ce serait trop beau, pour les journalistes notamment, si on pouvait aussi aisément prévoir l’actualité.