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La "mère" et la "putain"

Publie le dimanche 11 juin 2006 par Open-Publishing
11 commentaires

La "mère" et la "putain" : A propos du renforcement d’une représentation

Le titre peut choquer. Pour ma part je n’utilise que très rarement ce vocabulaire. Je sais que certains hommes et même certaines femmes l’emploient relativement couramment, alors que d’autres hommes jamais, sauf parfois quand ils sont dans l’intimité. Mon propos n’est pas ici d’étudier qui dit quoi et pourquoi ?

Ce qui m’interpelle, c’est la représentation de la femme sous forme d’une division morale "lourde", historique de cette représentation entre les unes et les autres. Elle fait problème pour les femmes et pour les hommes. On sait qu’une association est née pour faire valoir une perspective qui ne soit "ni pute ni soumise".

Reste que l’idèe qui prévaut, chez les hommes comme hélas chez beaucoup de femmes, c’est que pour les femmes le respect n’est du qu’aux "mères" pas aux autres. On sait aussi que les croyants des religions sont plus rigoristes que les autres en la matière. J’ai publié ici un extrait de texte de S Brouard et V Tiberj faisant le point sur les intolérances et les permissivités en la matière. cf "Moeurs des "nouveaux français"
http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=28498

Tout d’abord, quel contenu sous l’expression ?

La mère représente la personne non sexuée, sans aucune conotation de sexualisation corporelle, sans aucun érotisme vestimentaire. La mère représente donc la neutralité. La mère est aussi celle qui est respectée.

La putain, ici, n’est pas la prostituée mais la femme dont on voit qu’elle est femme, mieux la femme séduisante, non seulement libérée des préceptes religieux mais aussi affranchie du stigmate de la "fashion victim". Il s’agit de la femme qui assume une certaine érotisation des rapports humains, qui sait que la sexualisation du corps ou d’une partie du corps est normale . Normal n’est pas ici pris au sens de à prescrire mais au sens de "parfaitement acceptable" et donc à ne pas stigmatiser ou réprimer ainsi que le pensait un certain freudisme répressif pour "entrer en civilisation".

Les facteurs aggravants de cette division.

On trouve ici une certaine défense du voile comme nécessaire à la respectabilité de la femme. Les autres femmes, non voilées, sont conçues comme non respectable et responsable des "moeurs dépravés" et pire de la violence subie. Rien moins. Cette division accentuée produit un "triangle dramatique" de trois personnes modèles - la femme respectable - la femme méprisable - l’homme concupiscent et dangereux incapable de se maitriser. Ce triangle est aliénant tant pour les hommes que pour les femmes. Cependant dans ce surcroît de contrainte, les hommes demeurent les oppresseurs et les femmes opprimées, limitées.

Une autre facteur consiste à rapprocher l’érotisme de la femme sexy de la pornographie et de la publicité sous forme de la porno-pub. Combattre la marchandisation des corps et des représentations est nécessaire, l’étendre aux rapports réels est une confusion dommageable et une pudibonderie injustifiable.

Une autre vision plus progressiste participe de cette division valorisant la "mère" et stigmatisant la femme. Je veux faire état de deux photos de femmes mises côte à côte dans un article du Monde diplomatique, il y quelques années. D’un côté, une photo en noir et blanc d’un femme plutôt baba cool et aux seins nus, de l’autre une photo couleur, d’une femme portant un soutien-gorge push-up. Je ne me souviens plus du sous-titre exact mais il laissait entendre clairement que la femme libérée était celle seins nus - ce qui ne pose pas de problème - mais pas l’autre - ce qui aujourd’hui pose problème. Vu aujourd’hui sous l’angle de "la mère et de la putain", ces deux photos prennent un autre sens : la photo seins nus représente la mère (car bien que seins nus aucun élément de sexualisation n’émerge de la photo) et la "putain" c’est l’autre.

Un autre regard combinant respect et acceptation de l’attirance.

Un monde sans oppression de genre ne suppose pas un monde asexué dans l’apparence. Ce qu’il faut modifier dans les représentations ce n’est pas d’annuler le sexe, d’effacer l’érotisme, de le confondre avec sa version marchandisée publicitaire ou pornographique, en somme de stigmatiser la "putain". Non, au contraire, c’est bien sur cette femme sur laquelle il convient de porter un autre regard ; et ce tant pour les hommes que pour les femmes.

Pour les hommes il s’agira d’un regard qui combine tout à la fois le respect et l’attirance. Si le regard ne suffit pas les mots sont là pour lever les ambiguïtés.

Cela est possible.

Christian Delarue

Messages

  • La représentation féminine, au travers des époques, est liée aux normes et aux modes du moment influencée par les religions, les coutumes, les idées. Par exemple, à la Renaissance, les artistes-peintres représentaient Vénus nue symbolisant la pureté, la virginité, et Vénus habillée représentant la femme sexuée, érotique. Aujourd’hui c’est le contraire, les hommes ont peur de la nudité des femmes, et se rassurent en les couvrant.
    Mais rien n’est figé, et c’est tant mieux.

    • Certaines se couvrent aussi volontairement parce que la publicité profuse de nanas à poil... C’est plus compliqué que ça... Mais je suis complètement OK pour dénoncer cette socitété qui veut rendre la femme objet dans la maison comme sur la place publique !

      Une femme.

    • Le propos de l’article peut s’étendre aux "femmes faciles", celles qui aiment çà et qui sans être prostituées sont néanmoins proche de la pute dans l’imaginaire . Isabelle ALONSO en parle in "Et encore je m’retiens". La ou beaucoup d’ hommes sont hypocrites, notamment dans les pays ou ils préconisent le voilage partiel ou total, c’est qu’ils n’aiment pas les femmes difficiles.

      Dans la pub comme pour la prostitution, ce qui devrait choquer, ce n’est pas le nu et le cul , ni même d’être "objet" (quand c’est volontaire) mais la marchandisation. En réalité le cul garde un aspect sale pour beaucoup de gens, résidu de morale pudibonde et éclésiastique.

      JJL

    • Encore un ajout extrait de Lilian KANDEL in L’Humanité nov 2004

      Si l’on pose que le sexisme est, exactement comme le racisme du reste, l’assignation d’un groupe social à un certain nombre d’activités, de capacités, d’attitudes, de qualités (ou de défauts) uniquement en raison de son appartenance à un sexe (ou une « race »), alors il faut bien convenir que les images « positives » de mère et d’épouse épanouie, ou de superwoman, sont tout aussi sexistes (et bien plus contraignantes) que celles, négatives et insultantes, de la putain ou de Bécassine

    • Texte comme quoi on peut être l’une t l’autre selon...

      Je suis née femelle

      par Jocelyne D’Agostino,

      http://hermaphrodite.fr/article869

      Moi aussi un sexe j’en ai un. Fendu normalement. Bien banal. Un mont coussinet, des lèvres quadruples, une minuscule proéminence, un cône profond, un halo de poils frisoutés et roux. Mon sexe de femme. Oui et alors ?

      Alors moi je voudrais dire que ce machin-là j’en suis fîère. Que ce machin-là entre mes jambes est une étoile en mon milieu. Source de vie et de délice. Un lieu divin. Ma gloire.

      Femme je suis et femme je veux être. La vraie femme. Celle qui a un corps de guitare, un ventre doux et rond et fécondable. La femme nue. Le modèle et la muse. La mère et la compagne. La femme faible. Celle qui ouvre ses cuisses pour accoucher ou gémir de plaisir. Celle qui dans le lit peut dire « Défonce-moi car tu es le plus fort. » Elle. Celle qui habite son corps et sait en faire un refuge, un giron pour le guerrier. La femme-femme, la femelle de l’homme, écrasée et bienheureuse sous le poids de son amour. Moi pour lui je veux être tendre et câline mais qu’épuisé il s’endorme niché dans mon cou, mes seins sous son bras protecteur, et moi pour veiller sur son sommeil, le rassurer comme il me rassure. Oui, moi je veux bien être la femme au sexe de miel, à la gorge accueillante. Mais savante et polissonne aussi. La femme à jouir. La putain-femme avec des douceurs secrètes et des violences à découvrir. Etre féminine à en mourir de la petite mort, si fragile et si petite sous les coups de boutoir, être corps pour le désir et le plaisir et me souvenir que sans l’homme j’ai du vague à mon âme. Je me traîne cœur avide, vagin vide. Inutile.

    • Ce texte doit faire plaisir aux hommes.

    • Pas à tous les hommes, mais sans doute à beaucoup y compris à ceux qui ne parlent plus ainsi.
      CD

    • L’amivalence, forte chez les personnes soumises à l’influence répressive de la religion, fait que des hommes comme des femmes peuvent être attirés et en m^me temps ne pas le reconnaitre. Ils vont alors développer une haine de sexe et des relations sexuées.

    • Qu’est-ce qu’une sexualité épanouie ?

      Les sexologues sont d’accord : il n’y a pas de norme. « Une sexualité réussie ne se mesure pas au nombre d’orgasmes » assure Xavier Boquet. Philippe Brenot renchérit : « Cela varie selon les individus. Certains s’épanouissent dans le couple monogame, d’autres dans des relations multiples. L’important réside dans la liberté d’exprimer ses désirs ou ses fantasmes sans qu’il soit forcément nécessaire de les réaliser. La non-contrainte de l’autre est essentielle à l’épanouissement sexuel. En clair, c’est très bien si tout est permis, mais à condition que les deux partenaires en aient autant envie » Selon Robert et Claire Gellman, une sexualité épanouie « est tout simplement une sexualité qui ne génère pas de frustration. Ce qui suppose de pouvoir établir avec le partenaire une bonne communication où chacun peut tenir compte des désirs et limites de l’autre en respectant ses propres désirs et limites. Cela suppose également de pouvoir se départir des a priori normatifs, et de s’intéresser plus à la qualité de la relation amoureuse qu’à la compétitivité, la réussite ou l’échec. »

      Monique AYOUN

    • LE SYSTEME PROSTITUTIONNEL EST FONDE SUR LE CONDITIONNEMENT MISERABILISTE DE LA SEXUALITE

      La religion mais aussi une certaine « science » a longtemps poussé à ce que les femmes soient sobres pudiques, n’excitent pas les hommes, n’est pas de sexualité affichée (*). Du coup face à la misère sexuelle, au peu d’envie des femmes, le patriarcat a crée la prostitution. Voilà pourquoi « pute » est au féminin au sens péjoratif comme au sens laudatif.

      DANS LA REALITE

      Il y a surtout de la prostitution féminine mais la prostitution masculine existe aussi. Il y a des « putes » homme. 1° Il faut abolir la prostitution 2° mais dans le même temps faire reculer la misère sexuelle sinon la prostitution reviendra.

      Le terme « pute » reste donc féminin à cause de l’histoire. Mais ce n’est pas tout : les conditionnements historiques perdurent, d’autant que les différentes morales religieuses continuent de peser de tout leur poids pour culpabiliser les femmes surtout et moindrement les hommes. L’écart de culpabilisation est énorme entre les deux sexes !

      C’est à cause de ce conditionnement sociohistorique que le sens du mot dépasse le cadre de la prostitution réelle, de la femme qui se fait payer pour sa prestation. Le mot est alors chargé de l’interdit refoulé « la femme séductrice » honnie des religieux et des hommes croyants, le tout soutenu un temps par la science.

      DANS L’IMAGINAIRE :

      Le terme pute est passé dans les fantasmes pour signifier « femme excitante » quelque soit son look d’ailleurs. Cela n’est pas nouveau. Ce qui l’est plus est qu’au plan de l’imaginaire, certains hommes (plutôt la jeune génération mais pas seulement) emploient le terme pute ou salope au sens « de se donner totalement ». Un homme qui dit à son amante « je suis ta pute » signifie qu’il entends se donner pleinement « âme et corps » à elle. Si l’on se trouve dans le cadre non seulement du consentement mais encore de l’égalité et de la réciprocité mais encore du cadre qui délimite le jeu il n’y a pas problème . On peut juger ne pas croire qu’il s’agit d’un jeu sexuel qui retourne le conditionnement historique qui veut que la femme ne séduise que par son intelligence et non par son corps ou par le souci de vouloir satisfaire les fantasmes de son amants… et réciproquement. Le jeu ne dure que le temps de la transgression, l’emploi du mot est ensuite interdit. La règle "moderne" est ainsi.

      On sait que les prostituées ne donnent pas leur âme mais seulement leur corps. Ce à quoi les féministes rétorquent que la sexualité est une psychosexualité et que l’on ne saurait opérer durablement pareille division sans s’aliéner.

      * SEDUCTION ET SOCIETE approches historiques ne met pas l’accent sur la religion mais montre bien le conditionnement sous diverses formes

    • L’usage des mots crus : salope, pute !

      1 - Par les hommes contre les femmes dans un sens insultant, humiliant.

      2 - Par des femmes contre d’autres femmes jugés trop "sexy" : "tu vas te faire un complément de salaire !", ou "t’aguiches un max et tu vas t’étonner des retours". Ces femmes ne sont pas toutes prudes ou pudibondes mais elle sont dans un cadre qui entérine le fait que les hommes "par nature" ne savent ou ne peuvent pas "se tenir" !

      3 - Par des hommes et des femmes dans un cadre de jeux amoureux privés et dans une position d’égalité, de réciprocité et de respect assuré. Le plaisir partagé en est le but.

      4 - Par des féministes contre des hommes du 1 sur le mode de l’affirmation positive du stigmate.