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La mobilisation « aura peut-être le mérite de faire sauter Rachida Dati »

Publie le vendredi 30 novembre 2007 par Open-Publishing
1 commentaire

Emmanuel Pierrat, avocat à la cour et auteur de « La Justice pour les nuls », explique pourquoi il était en grève contre la réforme de la carte judiciaire ce jeudi...

Vous avez séché une audience aujourd’hui. Etait-ce pour défendre les avocats concernés par des suppressions de tribunal ?

Je ne suis pas corporatiste. J’étais en grève pour défendre la mission d’intérêt général de la justice française, bafouée par cette réforme. J’étais en grève pour tous les professionnels de la justice mais aussi et surtout pour les justiciables. Ce sont eux les premiers touchés, qui devront faire 100 km de route et prendre un jour de congé sans solde pour assister à une audience ou tout simplement se pacser, divorcer ou recevoir leur certificat de nationalité française.

Qu’aurait-il fallu faire pour réformer cette carte judiciaire vieille de 1958 ?

Transférer des activités plutôt que de supprimer physiquement des tribunaux, qui venaient pour certains d’être tout juste rénovés. Exemple : l’un des contentieux les plus fréquents en France est le divorce. Il est prononcé par un juge aux affaires familiales dans les tribunaux de grande instance (TGI). Pourquoi ne pas avoir transféré cette activité, au moins pour les divorces par consentement mutuel, dans les tribunaux d’instance (TI) qui manquaient d’affaires ? Cela aurait évité de balader le personnel judiciaire. L’esprit de la décentralisation est complètement remis en cause.

L’argument de la Chancellerie est en partie économique...

Mais cette réforme va coûter plusieurs centaines de millions d’euros ! Et qui va racheter les tribunaux mis en vente ? Une salle d’audience, ce n’est pas très réutilisable. Vous imaginez le bureau d’une secrétaire dans une ancienne cellule ? C’est un peu comme l’armée qui a du mal à revendre ses forts... Cette réforme est vraiment ratée, sur le fond comme sur la forme. Au lieu de concerter, de prendre en compte les observations des présidents de cour d’appel (chargés de rendre un rapport à la Rachida Dati), la ministre est arrivée dans les régions pour annoncer des décisions déjà prises par une poignée de conseillers coupés de la réalité. Sur quel critère ? Le nombre de jugements. Mais il y a beaucoup d’autres actes dans un tribunal (pacs, mise sous tutelle etc.).

Pensez-vous que la mobilisation qui dure depuis plusieurs mois va peser sur la réforme ?

Elle aura peut-être le mérite de faire sauter Rachida Dati. Sa politique judiciaire est dangereuse : peines plancher, franchises pour l’aide juridictionnelle, dépénalisation du droit des affaires, maintien en rétention pour les agresseurs d’enfants alors mêmes qu’ils ont purgé leur peine... Les réformes ou les projets de réforme à l’actif de la ministre sont contraires aux principes juridiques essentiels. Encore heureux qu’elle ait renoncé à l’idée de faire juger les fous.

http://www.20minutes.fr/article/197...

Messages

  • France libre belgique

    Tous unis contre Rachida Dati
    BERNARD DELATTRE

    Mis en ligne le 30/11/2007
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    Jamais en si peu de temps un Garde des Sceaux, qui plus est juge de formation, ne s’était mis autant de monde à dos.
    La fronde contre la ministre préférée de Sarkozy prend une ampleur historique.
    Simple passage à vide ou grosse erreur de casting ?

    AP
    CORRESPONDANT PERMANENT à PARIS

    Des magistrats qui s’enchaînent aux grilles de leurs palais. Des greffiers en grève de la faim. Des procureurs qui se rebellent. Des avocats roués de coups dans des manifestations. Des fonctionnaires de justice qui, par milliers depuis des semaines, chahutent chaque déplacement du Garde des Sceaux. Jusqu’à cette spectaculaire opération "Justice morte" organisée jeudi, qui a paralysé le fonctionnement de l’institution judiciaire dans toute la France. Décidément, le monde judiciaire fait en ce moment l’objet d’une fronde d’une ampleur sans précédent depuis des décennies.

    C’est la réforme de la carte judiciaire, à savoir de l’implantation des tribunaux, qui focalise les passions. "Qualité, rapidité et lisibilité" du fonctionnement judiciaire sont les objectifs affichés. Cette réforme découle du fiasco de l’"affaire d’Outreau", qui avait montré la nécessité de regrouper, de mieux organiser et de spécialiser les moyens de la justice afin d’éviter d’en arriver à des magistrats isolés, débordés et peu contrôlés par leurs pairs. Nul dans le monde judiciaire ne remettait en cause ce constat. Pourtant, cet accord généralisé sur le principe de la réforme a explosé sur la façon de procéder.

    A terme, 300 juridictions seront rayées de la carte : 40 pc des tribunaux d’instance, 25 pc des tribunaux des prud’hommes et 15 pc des tribunaux de grande instance. Au total, plus de 12 millions de Français verront d’ici à 2011 le tribunal le plus proche de chez eux disparaître ou perdre nombre de ses compétences. Au risque de créer "des déserts judiciaires". Au risque aussi, avant les économies d’échelle espérées par cette rationalisation, d’entraîner des dépenses faramineuses (entre 500 et 900 millions d’euros). En frais de déménagement et d’aménagement de centaines de fonctionnaires, par exemple. Ou en coûts de construction de dizaines de bâtiments - jusqu’à l’absurde : "On va devoir construire des nouveaux bâtiments pour des tribunaux d’instance aujourd’hui hébergés gratuitement dans des mairies", s’effarait jeudi le président de l’USM, le plus grand syndicat de magistrats.

    "Une politique du mépris"

    Les reproches adressés à Rachida Dati dans ce dossier sont innombrables. "Autoritarisme", "brutalité" disait-on même jeudi au Conseil national des barreaux (qui représente les 46 000 avocats français), "simulacre de concertation", "opacité" des critères retenus, "clientélisme" dans les amendements négociés en coulisses. Et globalement "une politique du mépris" (dixit l’USM) envers ses opposants, dont les critiques sont systématiquement rabaissées à de l’immobilisme corporatiste. Le "dogmatisme" et la "raideur" de la garde des Sceaux ont d’ailleurs fait des vagues y compris à l’UMP, dont quinze parlementaires ont menacé il y a peu de ne pas voter le budget de la Justice. Parmi eux, le député François Guéant, le propre fils du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant.

    Cette fronde s’accompagne d’une révolte plus globale du monde judiciaire contre la "reprise en main de la justice par le pouvoir politique", qui serait opérée par la ministre préférée d’un Président lui-même entré dans l’Histoire pour ses tirades contre des juges. Rachida Dati ramène nombre d’attaques à du racisme et/ou du sexisme. Il n’empêche, son avidité médiatique et son image désormais "pipolisée" agacent jusqu’au sein du gouvernement. Et les maladresses de cette novice en politique, tout comme son mépris des usages, désarçonnent jusqu’à ses plus chauds partisans. Quant à sa cote de popularité : hier reine des sondages, elle commence à décliner. Dangereusement.

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