Accueil > La musique, prélude à la paix
LE MONDE | 18.08.06 | 14h20 • Mis à jour le 18.08.06 | 14h20
Le West-Eastern Divan Orchestra est une idée humanitaire, qui avait pris une importance centrale dans la vie d’Edward Saïd, comme dans la mienne. Grâce à cet orchestre, notre idéal commun reste vivant. Notre action ne transformera peut-être pas le monde, mais elle constitue un pas en avant. C’est un dialogue permanent dans lequel le langage universel, physique et métaphysique de la musique rejoint le dialogue incessant que nous avons avec la jeunesse, et que les jeunes ont entre eux.
Nous ne nous considérons pas comme un projet politique, mais plutôt comme un forum où des jeunes gens d’Israël, de Palestine et des pays arabes peuvent s’exprimer librement et ouvertement tout en écoutant le récit de l’autre. Il ne s’agit pas obligatoirement d’accepter le récit de l’autre, sans même parler de l’approuver, il s’agit de reconnaître sa légitimité. Nous ne croyons qu’en deux idées politiques absolument nécessaires :
– Il n’y a pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien.
– Les destinées des peuples israélien et palestinien sont inextricablement liées et la terre que certains appellent Grand Israël et les autres Palestine doit accueillir deux peuples.
La musique rend possible le West-Eastern Divan parce que, à la différence du langage des mots, elle n’est pas limitée dans ses associations. La musique nous enseigne qu’il n’existe rien qui ne contienne son parallèle ou son contraire ; par conséquent aucun élément n’est tout à fait indépendant parce que la relation est par définition interdépendante. Je crois profondément que même si la musique est incapable de régler le moindre problème, n’étant, comme l’a dit Ferruccio Busoni, que de l’"air sonore", elle peut nous apprendre à réfléchir, elle est une école de vie. Dans la musique, nous connaissons et acceptons la hiérarchie du sujet principal, nous acceptons la présence permanente d’un contraire, parfois même de rythmes subversifs.
La "République indépendante et souveraine du West-Eastern Divan", comme j’aime l’appeler, pense que pour qu’il y ait des avancées dans le différend israélo-palestinien, les deux parties devront à la fois tenir un discours sensible et prêter une oreille douloureuse à l’autre. Beaucoup de ses citoyens entendent pour la première fois la douleur de l’autre partie, et le choc inévitable qu’ils en ressentent les oblige à réfléchir au passé et à cette souffrance qui perdure depuis tant d’années.
J’en suis venu à penser que moralité et stratégie, loin de s’exclure mutuellement, marchent en réalité main dans la main dans ce conflit. Si les deux récits sont légitimes, si les destinées des deux peuples sont inséparables et qu’il n’existe pas de solution militaire, alors l’acceptation du récit de l’autre doit inévitablement conduire à la conclusion logique que ce qui est bon pour l’un est, sur le long terme, également bon pour l’autre. Est-ce là une conclusion morale ou une conclusion stratégique ? Je suis convaincu que c’est les deux.
Israël a incontestablement le droit d’exister. Le peuple palestinien a incontestablement droit à un Etat souverain et légitime. Israël a besoin d’assurer sa sécurité. Les Palestiniens ont besoin d’égalité et de dignité. Or il n’y a que les Israéliens et les Palestiniens qui puissent se garantir mutuellement ces besoins. L’armée israélienne est très puissante, mais elle est incapable d’assurer aux Israéliens la sécurité qu’ils souhaiteraient. La sécurité d’Israël ne pourra résulter, à long terme, que de l’acceptation de son existence par les Palestiniens et ses autres voisins. Pour l’instant, l’égalité et la dignité des Palestiniens ne peuvent être assurées que par Israël. L’occupation des terres est un obstacle qui aurait dû prendre fin il y a longtemps.
Les décisions unilatérales se sont révélées désastreuses. Seules des négociations honnêtes et courageuses entre les parties directement ou indirectement impliquées peuvent accoucher de conditions qui seront vivables à la fois par les Israéliens et par les Palestiniens.
Le repli des uns et des autres ne fera qu’aggraver le problème, l’ouverture réciproque permettra une solution. J’ai souvent été admiré pour certaines de mes initiatives, même si l’on manquait rarement d’évoquer la naïveté dont je ferais preuve. Mais n’est-il pas plus naïf encore de continuer à compter sur une solution militaire qui n’a pas fonctionné durant soixante ans ?
Cette année, le West-Eastern Divan Orchestra se dresse plus que jamais contre la cruauté et la sauvagerie qui ont empêché tant de civils innocents de continuer à vivre et à réaliser leurs idées et leurs rêves. Que de leçons du passé ont été oubliées, ou incomprises ! Le temps ne contribue pas seulement à définir le contenu, il l’influence directement. Combien de temps faudra-t-il aux peuples de la région pour accepter ce fait et se souvenir que le passé n’est qu’une transition vers le présent, et le présent une transition vers le futur ? Aussi un présent violent et cruel conduira-t-il inévitablement à un futur encore plus cruel et violent.
Les membres de cet orchestre, quelles que soient leurs origines, font preuve d’un courage, d’une compréhension et d’une vision remarquables.
J’aimerais les considérer comme les pionniers d’une nouvelle façon de penser pour le Moyen-Orient.
Daniel Barenboïm est chef d’orchestre. Traduit de l’anglais par Gilles Berton. Concert unique à Paris au Théâtre du Châtelet, le 23 août à 20h30.
Article paru dans l’édition du 19.08.06
Messages
1. > La musique, prélude à la paix, 18 août 2006, 20:29
– Il y a eu, il y a quelque temps, un excellent reportage télévisé sur Daniel Barenboïm et "son" orchestre multinational et multiculturel. C’était attachant et passionnant.
– Les initiatives de Barenboîm (et de tous les juifs qui refusent de tomber dans l’ultra nationalisme guerrier) sauvent l’honneur de tous les juifs.
– Barenboîm n’est pas un "militant" (il l’a dit plusieurs fois car...on lui demande souvent), mais une chose est sûre, c’est que son action, c’est un sacré boulot !
– Je lui tire mon chapeau.
Bastien
1. > La musique, prélude à la paix, 19 août 2006, 03:55
ca ne m’étonne pas j’ai toujours été un grand admirateur de Daniel Barenboïm grand pianiste s’il en ai et bon chef d’orchestre,etant moi meme un étudiant au conservatoir je sais que la musique n’a pas de frontiere,et pourtant j’aimerais rappeler une anecdote, il y a 3ou4 ans mr Daniel Barenboïm etait invité a diriger un oshestre en Israel ,il lui etait demandé par les autotités politiqus de ne pas jouer du Wagner,puice que celui ci etait le musicien préferé de Hitler,Daniel Barenboïm a quand meme donné du Wagner a ce concert,vous voyez ou ce situe le niveau le sioniste.