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La négociation sur les intermittents dans l’incertitude
Publie le lundi 12 décembre 2005 par Open-Publishingde Clarisse Fabre et Nathaniel Herzberg
À trois semaines de l’échéance du 31 décembre, au terme de laquelle
le régime actuel d’indemnisation des artistes et techniciens cessera
d’exister, le monde de la culture est dans le flou.
Confédérations syndicales et patronales devaient se retrouver, le 13
décembre, pour renégocier le protocole contesté de juin 2003. Or
après l’échec, mercredi 7 décembre, des négociations sur la
convention d’assurance-chômage (Le Monde du 9 décembre), les
partenaires sociaux ont décidé de poursuivre les discussions
concernant le régime général - celui qui concerne les 16 millions de
salariés - le... 13 décembre. Denis Gautier-Sauvagnac, président de
l’Unedic, a simplement déclaré que la négociation concernant les
quelque 110 000 intermittents aurait lieu "dans la foulée".
Pour Renaud Donnedieu de Vabres ministre de la culture et de la
communication, le compte à rebours est donc enclenché. Renaud
Donnedieu de Vabres s’est maintes fois engagé à ce qu’un nouveau
système voit le jour au 1er janvier 2006.
Aujourd’hui, beaucoup de protagonistes en doutent. Dans une lettre au
ministre, des parlementaires de tous bords, réunis au sein d’un
"comité de suivi", se sont dits "prêts à inscrire à l’ordre du jour
de l’Assemblée nationale, dès janvier 2006" une proposition de loi,
signée par "470 parlementaires", qui fixe les grands paramètres du
futur régime.
M. Donnedieu de Vabres avait également promis que des réunions
techniques auraient lieu "dès fin novembre" entre partenaires
sociaux. Elles n’ont pas eu lieu.
"PAS D’AIDES DIRECTES"
Devant la complexité des questions à traiter, certains acteurs
plaident... en faveur d’une solution transitoire. Plutôt que de
renégocier l’ensemble du protocole de 2003, Force ouvrière et la
CFTC, notamment, proposent d’en corriger simplement, dans l’immédiat,
les mesures les plus décriées, et de reporter à plus tard les
questions les plus épineuses. Ils pointent le fait qu’un vaste
chantier de refonte des conventions collectives est en cours, qui
devrait aboutir, fin 2006, à redéfinir le périmètre des annexes 8 et
10 (techniciens du spectacle et artistes).
Cette position est critiquée par la CFDT et vivement combattue par la
CGT, laquelle ne manque jamais de rappeler que M. Donnedieu de Vabres
a - encore - promis que le gouvernement "prendrait ses
responsabilités" en présentant un projet de loi devant le Parlement
si, d’aventure, les négociations échouaient.
Pour l’instant, les protagonistes discutent, en coulisses, du sort
des intermittents exclus. Depuis juillet 2004, l’Etat finance un
fonds "transitoire" qui permet d’indemniser les intermittents qui
n’arrivent pas à réaliser les 507 heures en dix mois pour les
techniciens, et en dix mois et demi pour les artistes, condition
requise pour avoir droit à l’assurance-chômage, mais y parviennent
sur douze mois.
Au dernier recensement, début décembre, 16 700 personnes avaient
bénéficié d’une aide d’une durée moyenne de deux mois ; selon les
derniers chiffres disponibles, l’Etat avait dépensé, fin septembre,
45 millions d’euros.
Une note confidentielle, que Le Monde s’est procurée, propose de
créer "un fonds permanent de soutien aux artistes et techniciens du
spectacle", qui prendrait "effet au 1er janvier 2006".
Daté du 6 décembre, le document émane de Michel Lagrave, expert qui
pilote le "fonds transitoire". Le fonds aurait tout d’abord un rôle
"d’anticipation et de repérage" - qui ne s’accompagnerait "pas
d’aides directes" - en direction des intermittents qui témoignent de
"cinq années de profession" et connaissent "depuis deux ans des
difficultés". Il s’agirait d’organiser des "entretiens" avec les
intéressés, afin de définir des "solutions appropriées" en faisant
appel à l’ANPE ou à des organismes de formation.
Une "aide financière régulière" pourrait être attribuée à des
artistes ou des techniciens justifiant de "cinq ans d’ancienneté au
moins" et seraient en fin de droits d’assurance-chômage. L’aide
serait "subordonnée et liée à l’élaboration d’un projet professionnel
ou de reconversion professionnelle volontaire, au sein du secteur ou
en dehors".
L’idée de conditionner l’aide à un projet de reconversion, même
"volontaire" - l’intermittent aura-t-il véritablement le choix ? -
fait grincer des dents. Une "allocation sociale temporaire" serait
prévue pour répondre à des "situations d’urgence" ; enfin, une
"allocation de solidarité" pourrait être versée, par exemple, à des
artistes ou à des techniciens en fin de droits "mais trop âgés pour
envisager une reprise d’activité".
Ce fonds permanent serait financé "par l’Etat, le cas échéant abondé
par la contribution des collectivités territoriales" ou par "d’autres
sources". Une "dotation annuelle" lui serait allouée, indique M.
Lagrave, sans plus de précision.
Beaucoup d’incertitudes demeurent, à trois semaines de la date butoir.
LE MONDE