Accueil > "La pourriture et l’ange exterminateur", par P. FABRA

"La pourriture et l’ange exterminateur", par P. FABRA

Publie le mardi 3 février 2009 par Open-Publishing
1 commentaire

de PAUL FABRA

Cet article vise à prendre - très imparfaitement - la mesure de l’impact potentiellement énorme et explosif que la crise a sur l’évolution des esprits. Par cette dernière expression, j’entends d’une part l’opinion publique et, de l’autre, le degré de réflexion et de détermination des gouvernants mandatés pour formuler et organiser la riposte. Car c’est bien une agression à laquelle on a affaire.

Le déménagement du capital productif accumulé en Occident a été orchestré par le système bancaire. C’était une condition nécessaire pour imposer, contre toute logique économique, aux entreprises des pays développés une norme de profit, par construction beaucoup plus élevée, de pays en voie de développement.

Avec l’effondrement inévitable de la Bourse, la fête sélective et malsaine a pris fin avec fracas. Dans les ténèbres, cela ouvre à la pensée « un espace de liberté » comme l’a si bien dit Henri Guaino - que grâce lui en soit rendue au-delà de tous les clivages politiques ! - au récent colloque, très politique, organisé par le club N. S. (devinez le sens !) animé par le secrétaire d’Etat chargé de l’Outre-mer, Yves Jégo.

Sous le régime absolutiste du néocapitalisme financier, le vrai propriétaire d’une société rachetée (elles le sont presque toutes) est souvent presque aussi difficile à découvrir - lui-même ne peut pas le savoir - que le porteur ultime du risque de crédit sur feu les marchés de titrisation.

La notion même de propriété privée et l’« affectio societatis » qu’elle implique restent pourtant au coeur de la civilisation occidentale. Elle conditionnera son succès, ou son déclin définitif.

De la France, qu’est-ce que le gouvernement de la République populaire de Chine attend en priorité ?

La réponse mérite d’être méditée. Il ne s’agit pas d’une centrale atomique EPR (mais l’un n’empêcherait pas l’autre !), Pékin attend comme un bien de première nécessité que la France de toujours lui transmette la clef de l’art du notariat.

Les entités (« hedge funds »...) les plus actives jusqu’à la crise sur les marchés financiers sont enregistrées dans les îles Caïmans ou ailleurs.

Qu’est-ce à dire ?

Elles ont beau avoir pignon sur rue par exemple à Londres, leur conseil d’administration se réunit partout où cela lui chante, à condition que ce soit hors du territoire britannique. Cela les obligerait à communiquer le compte-rendu à l’équivalent du greffe du tribunal de commerce français, et, donc, d’être accessible aux tiers. Il n’en est pas question.

Les administrateurs (« directors » en anglais) sont des amis très proches ou des hommes de paille, grassement payés ou pas (la deuxième éventualité est encore plus suspecte). Naturellement, ils sont entièrement responsables sur leurs biens. La bonne foi (elle existe parfois) du manager est leur seule garantie.

Et la confiance ne revient pas sur les marchés !

Rien n’empêcherait donc le « plus grand « hedge fund » du monde », celui des frères Madoff, d’être un arrangement scabreux de famille entre deux frères (1).

Dès 2005, la SEC (organe suprême de régulation sur les activités de Wall Street) avait été prévenue, démonstration détaillée à l’appui.

Comment encore croire à l’efficacité d’une régulation exercée par les gentils régulateurs. Ils n’ont pas pressenti que les marchés actuels sentent mauvais parce qu’ils sont une invitation permanente à la corruption.

Dans ces circonstances, Barack Obama, au visage du chevalier Saint-Georges terrassant le dragon, prête serment sur la Bible et le surlendemain prononce, au sujet des bonus maudits, les paroles attendues de lui pour fustiger les hommes de Wall Street.

Parmi lesquels un certain John Thain, l’homme auquel un Jean-François Théodore a naguère vendu Euronext pour la plus grande satisfaction de la place de Paris !

Le président Sarkozy a été l’initiateur de la conférence dite du 2e Bretton Woods, tenue en décembre. Il s’en est pris publiquement au comportement des financiers. Ne préjugeons pas de la suite qui sera donnée à ce retour spectaculaire du politique. Mais la vision de la crise en est fortement changée.

Les citoyens, alors que la crise économique en est probablement à sa première phase, pensent déjà en termes d’« avant » et d’« après ».

(1) Voir l’enquête de notre correspondant à New York, Pierre de Gasquet : « Les rouages du « système » Madoff mis à nu », dans « Les Echos » du 7 janvier.

http://www.lesechos.fr/info/france/4826063-la-pourriture-et-l-ange-exterminateur.htm

Messages

  • Excellent article - décidément ,de nombreux capitalistes sont d’excellents marxistes - grâce leur soit rendue de faire ce que nous ne savons plus faire à gauche, ou en tout cas ce que nous sommes devenus trop peu nombreux à faire.

    bon bien sûr M. Fabra est totalement aveuglé par l’admiration qu’il porte à Sarkozy , donc, sur certains points, son article retombe comme un vieux soufflé.

    Notamment il déplore la vente d’Euronext aux USA .... et quelques lignes plus loin il met sarkozy et son soi disant 2è nwoods sur un piedestale, en ZAPPANT COMPLÈTEMENT le nom de qui a été u n des ministres des finances négociateurs, qui était un des premiers ministres du gouvernement quand on a vendu EURONEXT....et qui , pourtant pas avare de déclarations, sur TOUT et rien n’a jamais dit UN MOT CONTRE LE LIBÉRALISME, contre CETTE VENTE d’EURONEXT ???

    allez... Sarkozy bien sûr...

    Pfff l’amour rend aveugle ,l’adoration, n’en parlons pas...

    Or cela, bonne analyse donc. Et bon indice qu’à droite comme à gauche il y en a un paquet qui se font dessus....

    Le spectre du communisme hante à nouveau leurs esprits !!! C’ets BIEN . I l faut pousser en ce sens.

    Alors oui, M Fabra, à part votre "crise de foi" pou NS, la question centrale c’est bien celle (de la violence révolutionnaire pour permettre en effet) la fin de la propriété privée des moyens de production et des grands patrimoines immobiliers spéculatifs....

    LL