Accueil > La "realpolitik" de l’Elysée critiquée
La "realpolitik" de l’Elysée critiquée (libre belgique)
BERNARD DELATTRE
Mis en ligne le 05/12/2007
– - - - - - - - - - -
Les félicitations de Nicolas Sarkozy à Vladimir Poutine sèment le trouble.
Avant son élection, le premier s’était engagé à ne pas serrer la main du second.
EPA
CORRESPONDANT PERMANENT A PARIS
Les exportations françaises vers la Russie augmentent chaque année de 10 pc. Cette performance commerciale explique-t-elle le changement de ton de Nicolas Sarkozy envers Vladimir Poutine ? En tout cas, le fait que le Président français ait cru bon, lundi, de téléphoner à son homologue russe pour le féliciter de ses résultats électoraux fait des vagues en France.
Il faut dire qu’avant son arrivée à l’Elysée, le candidat Sarkozy avait publiquement raillé le Président Chirac (invité régulier de la datcha de Vladimir Poutine, à Sotchi) en indiquant que, lui, il ne se précipiterait pas forcément pour serrer la main du dirigeant russe. Nicolas Sarkozy avait aussi jugé "pas tenable" le silence occidental sur la Tchétchénie. Et avait trouvé "préoccupante" l’évolution de la Russie.
Mais lundi, le désormais Président Sarkozy a été parmi les très rares dirigeants du monde à féliciter son homologue russe. Et il l’a même félicité "chaleureusement" à en croire le Kremlin - ce que n’a pas confirmé l’Elysée.
Ces congratulations sont tombées le jour où le quai d’Orsay s’inquiétait des "allégations d’irrégularités" entachant le scrutin russe. Et quelques semaines après que la secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme, Rama Yade, eut qualifié de "dictatures" la Russie et la Chine, ce qui l’a privée du récent voyage présidentiel dans ce dernier pays.
"Obscène" et "cynique"
Sur la scène politique française, seul le Front National a également adressé ses félicitations au leader russe. Du coup, mardi, les organisations de défense des droits de l’Homme comme Amnesty et la FIDH ont jugé "incompréhensible et scandaleuse" la réaction "totalement esseulée" de Nicolas Sarkozy. Le PS a trouvé "très choquant" ce message de félicitations relevant de "la realpolitik" voire du "cynisme". Le député écologiste Noël Mamère a fustigé une "obscénité politique".
A droite, d’ailleurs, on a quelque peu cafouillé sur le sujet. Le porte-parole du gouvernement a prudemment laissé aux observateurs internationaux le soin de qualifier le scrutin russe. Mais le secrétaire d’Etat au Commerce s’est d’ores et déjà félicité de la "période de stabilité importante pour les acteurs économiques" que la "clarté des résultats" de ce scrutin ouvrait. Quant au leader de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée, il a tout à la fois qualifié le régime russe de "démocratie autoritaire en voie de démocratisation à l’occidentale", raillé les résultats staliniens du scrutin affichés en Tchétchénie, critiqué "l’emballement des critiques occidentales" à l’encontre de l’élection, et jugé que les Etats n’avaient pas à se "faire la leçon" sur les droits de l’Homme.