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La répression contre des fleuristes laisse un mort, des dizaines de blessés et plus de 200 personnes arrêtées

Publie le samedi 6 mai 2006 par Open-Publishing
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"Jusqu’à mourir, pour être précis", répéta le sous-commandant Marcos de l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale), le 1er Mai à la fin de la manifestation des travailleurs et travailleuses de la Otra campaña.

Il citait ainsi les nombreux témoignages de jeunes, ouvriers, ouvrières, artisans, artisanes, paysans, paysannes, indigènes, travailleurs et travailleuses de la ville et de la campagne, que l’on avait écoutés lors de ces quatre premiers mois de rencontres entre le sous-commandant Marcos, ou délégué zéro de la Otra, et les adhérents et adhérentes à la Otra campaña, et qui montraient la détermination de ceux et celles "d’en bas à gauche" à lutter, jusqu’à la mort, si il faut.

Deux jours après ce discours, les autorités mexicaines démontraient
qu’elles étaient prêtes à tuer pour rétablir « la paix sociale ». Prêtes à
tuer un adolescent de 14 ans.
Javier Cortes Santiago, c’est son nom, a été frappé par l’impact d’une
bombe de gaz lacrymogène en pleine poitrine, le 3 mai, vers 17 heures,
durant les affrontements entre la police et les habitants de San Salvador
Atenco (à peu près 40 kilomètres de Mexico), Etat du Mexique (1 des 32
Etats qui composent le Mexique).

Les affrontements avaient commencés tôt le matin, vers 7 heures, quand des
fleuristes de Texcoco, situé à quelques kilomètres de San Salvador Atenco,
s’installèrent sur la place du centre-ville alors que les autorités
municipales avaient pris la décision d’interdire aux fleuristes de vendre
leurs fleurs, et ce, depuis le 11 avril.
Selon le président municipal (appartenant au PRD, Parti de la Révolution
Démocratique, soi-disant de gauche), il s’agissait de les « rediriger vers
un lieu plus commode ». Mais, pendant qu’il est entrain d’expulser les
commerçants du centre-ville vers « un lieu plus commode », il donnait un
espace privilégié à un Wall-Mart (plus grande entreprise de supermarché au
monde, états-unienne) qui va détruire la vie des petits commerces, en
vendant tout ce que vendent ces commerçants locaux, mais moins cher (et de
moins bonne qualité).

Face à cela, 8 fleuristes de Texcoco avaient décidé de s’allier au FPDT
(Front des Villages en Défense de la Terre) de San Salvador Atenco. Ce
groupe de paysans est connu à travers le Mexique, et le monde, pour avoir
empêché la formation d’un complexe industriel et touristique, basé sur la
construction d’un aéroport, sur leurs terres. Cette lutte digne, pour la
défense de la terre et des ressources naturelles, mena les habitants les
habitants de ces villages à un rude combat contre les gouvernements de
l’Etat, du niveau local au national (qui provoqua notamment un mort du
côté d’Atenco), dont le symbole est la machette (principal outil du paysan
mexicain) qu’ils et elles amènent lors de chaque manifestation.
Lorsque la police municipale décide, le mercredi 3 mai, d’expulser les
fleuristes de leur lieu de travail, ceux-là se trouvent en compagnie d’un
groupe de personnes appartenant au FPDT. Commence alors un affrontement
entre la quarantaine de manifestants et la police. Vers 8 h 30 la police
fait reculer les fleuristes, accompagnés du groupe de « macheteros » (ceux
qui portent la machette), qui se réfugient dans une maison, non loin du
centre.

A partir de là, les autorités exigent, sans jamais vouloir négocier, que
les fleuristes se rendent et renoncent à vendre leurs produits sur la
place du centre. Vers 17 h 30, la police, après avoir littéralement
bombardé, à coup de gaz lacrymogènes, les assiégés qui se trouvaient dans
une maison dans le centre de Texcoco, commence à sortir un par un les
occupants, n’hésitant pas à frapper durement (certains sortiront
quasi-inconscient). Parmi eux, Ignacio Del Valle, considérés par les
autorités, comme le leader du FPDT.

Un peu avant cela, dans l’après-midi, Ignacio Del Valle avait appelé des
habitants de San Salvador Atenco à venir à Texcoco pour les aider. Ce
qu’ils firent.

En effet, plusieurs milliers de personnes vinrent pour couper les routes
menant à Texcoco afin d’empêcher les policiers de l’Etat d’arriver à
Texcoco. De là commencèrent les affrontements violents entre la police
(celle de Texcoco, de l’Etat de Mexico et bientôt la PFP, Police fédéral
préventive, police nationale) et membres et sympathisants du FPDT. Les
premiers essayant d’ouvrir les routes en attaquant, avec matraques et gaz
lacrymogènes, et les seconds stoppant les premiers avec des pierres, des
bâtons, leurs machettes et des cocktails Molotov. Ces affrontements
durèrent du début de l’après-midi jusqu’à 21-22 heures, lorsque les
habitants de San Salvador Atenco se retirèrent à Atenco alors que la
police décidait de rester à quelques kilomètres d’Atenco, préparant
l’attaque du lendemain.

A la fin de la journée la police comptait une trentaine de blessés, dont
quelques-uns gravement et 11 personnes retenues à Atenco. De l’autre côté,
on comptait de nombreux blessés (il est toujours impossible de savoir
combien), une centaine de personnes détenues et un mort de 14 ans tué par
l’éclatement d’une grenade lacrymogène tirée par la police.
Le gouverneur de l’Etat du Mexique arriva alors pour dénoncer « ces
délinquants qui dépassent l’Etat de droit en utilisant la violence » et
les médias passaient en boucle, des images d’un policier frappé par un
groupe de manifestants. Ils ne mentionnaient, alors, la mort du jeune
manifestant que dans le but d’accuser Ignacio Del Valle de cette mort (à
l’aide d’un témoignage du père de l’adolescent qui accuse le leader du
FPDT de la mort de son fils).

Aucune mention n’était faite, de la raison de ces violences, et des
responsables de cela. Car les responsables sont bel et bien, premièrement,
les autorités municipales de Texcoco (du PRD) qui expulsèrent les
commerçants locaux du centre-ville, dans le but de favoriser un Wall-Mart,
la police de l’Etat (Etat au main du PRI, Parti révolutionnaire
institutionnel) qui intervint de manière brutale, sortant de manière très
violente les fleuristes et ceux qui les accompagnaient et tuant un
adolescent de 14 ans, et enfin le gouvernement fédéral (du président du
Mexique, Vicente Fox, du PAN, Parti d’action nationale) qui envoya des
centaines de membres de la PFP pour réprimer les habitants d’Atenco et
ceux qui étaient venus pour les aider, le 4 mai, au matin.
En effet, le jour suivant les affrontements, à peu près 3 000 policiers,
municipaux, de l’Etat et fédéraux, investirent les rues de San Salvador
Atenco pour effectuer une razzia des membres du FPDT et de ceux et celles
qui le soutiennent et récupérer les 11 policiers retenus à Atenco. Une
centaine de personnes furent prises durant cette matinée. Parmi eux des
personnes âgées pouvant à peine se déplacer, des enfants, des femmes, des
hommes, sans aucun ordre d’appréhension, dont certains furent frappés très
durement, malgré leurs volontés de ne pas opposer de résistance. On compte
une centaine de personnes détenues, en plus, de ceux et celles d’hier, ce
qui amène le tout à près de 200.
Les policiers retenus furent presque tous relâchés avant ou pendant
l’arrivée des policiers et mis à part deux ou trois amenés à l’hôpital,
les autres retrouvèrent la liberté sans blessures.

Le FPDT est une organisation adhérente à la Sixième Déclaration de la
forêt Lacandone et à la Otra campaña, initiative civil et pacifique de
l’EZLN au niveau national, dont le but est de joindre les personnes « d’en
bas à gauche » en dehors des partis politiques, afin de sortir les riches
du pays et de détruire le système capitaliste.
En tant que telle, cette organisation a demandé l’aide des autres
organisations, association, collectifs, groupes, individus adhérents à la
Otra campaña et présents dans tout le pays, pour ne pas rester seuls, car
« seul, on ne peut rien faire » (paroles de America Del Valle, fille
d’Ignacio Del Valle).

Hier, 4 mai, s’est donc effectuée une journée de protestation contre les
violences policières qu’ont subies les habitants de San Salvador Atenco,
dans, au moins, 25 villes du Mexique.
Quant à l’EZLN, elle s’est déclarée en alerte rouge, suite à ces
événements et a, par conséquent, fermé les caracoles (lieu ouvert faisant
le lien entre les bases d’appuis de l’EZLN et la société civile nationale
et internationale). De plus, le lieutenant-colonel Moises de l’EZLN a
appelé les adhérents et adhérentes à la Sixième Déclaration de la forêt
Lacandone du monde entier, à réaliser des actions contre les ambassades
mexicaines pour montrer leurs oppositions à la répression de l’Etat
mexicain.

Au Mexique se poursuivent les actions en soutien à toutes les victimes des
violences policières de ces deux derniers jours, et en soutien à la lutte
que mènent les habitants d’Atenco.

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