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La société qui peut rendre la politique meilleure

Publie le lundi 11 juillet 2005 par Open-Publishing

PRESIDENCE NATIONALE ARCI [Association Récréative et Culturelle Italienne, Ndt] Traduit de l’italien par karl&rosa

Nous sommes en train de traverser des mois cruciaux, décisifs pour l’avenir de l’Italie. Si le vote aux élections régionales du printemps dernier a rallumé l’espoir que la saison désastreuse du gouvernement Berlusconi soit en passe de se terminer, les difficultés des mois suivants et l’issue du référendum (sur la loi 40, qui concerne la fécondation médicalement assistée, NdT) ont remis en évidence le malaise d’une société cherchant péniblement à se racheter.

La situation est grave. Une crise profonde s’empare de l’économie, de la société, de la politique, dans un pays qui se découvre en guerre sans le savoir ni le vouloir, qui se retrouve plus pauvre et moins sûr, qui ressent de plus en plus fortement le poids d’injustices et d’inégalités.

C’est aussi une crise morale, qui frappe l’éthique publique, le sens même de la communauté et des institutions. Cette situation est le miroir de l’échec de la droite, mais elle ne signifie pas que les conditions d’une alternative soient déjà chose faite, ni à portée de main. (...) Nous pensons qu’un programme de gouvernement qui renoncerait à mettre radicalement en discussion les politiques de ces dernières années, dans la tentative de concilier un modèle de développement encore interne aux stratégies libérales avec un cadre de soutien possible et d’équité sociale, serait fatalement destiné à échouer. Un projet d’assainissement du pays qui pèserait encore sur le dos se ceux qui sont déjà appauvris et qui renoncerait à faire payer ceux qui, ces dernières années, se sont, au contraire, enrichis, serait voué non seulement à l’échec mais aussi à créer de fortes tensions sociales.

Il faut un changement de cap décidé dans la programmation économique, dans le rapport entre la production et le travail, la consommation et l’environnement, un profond changement démocratique se recentrant sur l’universalité des droits, réalisant un nouvel équilibre entre les libertés individuelles et les responsabilités collectives. (...)

Ces dernières années, les anticorps à la culture de la droite se sont développés dans la société bien avant que dans les sièges politiques, dans les mille expériences du mouvement global "pour un autre monde possible", dans le nouveau pacifisme, dans les luttes pour la défense des biens communs, de l’environnement, des droits sociaux et du travail, dans les mobilisations pour les droits de citoyenneté, en défense de la démocratie et de la Constitution. Il s’agit d’expériences, d’énergies humaines et civiles, d’idées et de projets qui ces dernières années ont fait beaucoup de chemin. En marchant sur de nombreuses et différentes jambes. Ce chemin n’est pas du tout terminé, n’en déplaise à ceux qui pensent le refouler, maintenant que le temps est venu où la politique revient prendre les rênes.

Nous pensons que la saison des mouvements n’est pas finie, parce que nous voyons s’enraciner dans les territoires et dans les villes un nouveau mouvement social diffus qui promeut la participation et cherche les instruments pour créer des réseaux, construit des campagnes et des luttes, se confronte avec les institutions locales, fait de la politique. Et nous croyons que c’est là le terrain fertile sur lequel construire le champ de forces le plus ample en mesure d’offrir une alternative au pays, avec le concours et l’effort commun de partis, de syndicats, d’associations, de mouvements, de groupes de citoyens. Si les forces politiques ne saisissent pas cette opportunité, la distance entre le centre gauche et une partie importante de ses électeurs risque de s’aggraver, laissant sans représentation politique une vaste aire sociale, hétérogène et riche, qui peut avoir un rôle déterminant pour faciliter les conditions du changement de cap. En réalité, en ce moment décisif pour la gauche italienne, pèse le nœud irrésolu du rapport entre la politique et les mouvements sociaux, une question sur laquelle on a même, ces dernières années, trop parlé mais fait peu de choses (...)

Il faut avant tout mettre en discussion la tentation de l’autosuffisance de la part des partis, reconnaître pleine dignité politique à l’initiative sociale, donner droit de cité à l’engagement politique qui s’exprime hors de ses lieux traditionnels.

Réformer la politique veut dire changer la relation entre les représentants et les représentés, les institutions et les citoyens, construire une démocratie qui ne se borne pas aux institutions et aux partis. La clé pour le faire est l’autonomie politique du social. C’est un projet qui demande du temps et peut entraîner un arc de forces bien plus ample et pluriel que celui qu’il est possible d’organiser et de représenter aujourd’hui dans une subjectivité politique unique. La priorité n’est pas l’accélération des mouvements vers des formes d’organisation, mais la mise en sécurité de l’autonomie du mouvement social, pour garantir la continuité à un réseau pluriel de relations et de lieux de confrontation, avant et après la phase électorale. (...)

Il faut une mobilisation sociale constante et autonome des représentations politiques et institutionnelles, ayant une vie à elle, indépendante des échéances électorales, sans renoncer pour cela à les influencer activement. C’est sur ce versant et avec ces instruments que nous voulons faire notre part pour changer le pays. Avec les contenus et les propositions concrètes qui émergent de notre initiative sociale quotidienne nous voulons contribuer à la construction du projet pour battre la droite. Un projet qui ne soit pas subalterne aux pouvoirs forts, aux logiques de guerre et de profit, d’exploitation et d’injustice qui ces dernières années ont pris le dessus dans la planète et ont trouvé une application cohérente et fidèle dans les politiques du gouvernement Berlusconi.

Nous voulons avant tout que le centre gauche s’engage à bloquer la contre réforme constitutionnelle de la droite, à défendre sans hésitation et à donner pleine actuation aux valeurs de notre Constitution. Nous voulons l’abolition de la loi 30 et une nouvelle politique du travail pour contrecarrer la précarité, défendre et étendre les droits syndicaux. Et puis un système fiscal progressif, où ceux qui ont plus payent plus, avec des mesures efficaces pour combattre réellement l’évasion et la richesse spéculative. Nous voulons protéger les biens communs et les services publics, qui sont la garantie de l’égalité des citoyens et ne doivent par être soumis à l’intérêt privé et au profit.

Nous voulons défendre l’Etat laïc, la liberté de choix et de conscience, nous opposer à la tendance à un nouveau prohibitionnisme répressif. Nous voulons redonner de la dignité à l’école publique, à la valeur sociale du savoir, à la culture comme patrimoine collectif. Nous voulons que soient abolis les centres de rétention et une loi infâme comme la loi Bossi-Fini, mais nous voulons aussi une politique alternative sur l’immigration, qui se centre sur la plénitude des droits de citoyenneté, en commençant par le vote des immigrés dans les consultations administratives. Nous voulons un pays qui protège la liberté d’informer et d’être informés, et un système public garantissant l’accès de tous les citoyens aux instruments de la communication. Nous voulons une relation nouvelle entre les institutions, le territoire et la société, qui élargisse les espaces publics de participation des citoyens et d’autogouvernement. Nous voulons enfin un pays qui ne fasse plus de guerres et qui ne justifie plus de guerres humanitaires, qui travaille pour prévenir les conflits et construire des politiques de paix, réduisant les dépenses militaires et récupérant sous la souveraineté nationale les territoires aujourd’hui occupés par les bases étrangères.

Voilà des choix qui n’effaceront certes pas toutes les injustices du monde, mais qui peuvent contribuer à rendre ce pays meilleur, et les réaliser est absolument possible. Il s’agit des premiers pas nécessaires pour ouvrir un vrai projet d’alternative. Ce sont les indications unitaires sur lesquelles se sont construites ces dernières années les luttes et les pratiques de grandes alliances sociales, de réseaux, de mouvements italiens, européens et globaux.

Sur ces objectifs concrets, nous voulons donner aux citoyens la possibilité de se prononcer, pour prendre la parole et peser dans la discussion avec ceux qui se portent candidats à gouverner le pays dans les prochaines années. Nous comptons bien que les si nombreuses organisations et réseaux sociaux avec lesquels nous partageons ces objectifs auront la volonté de s’engager avec nous. Pour faire de la construction du programme de l’Union l’occasion d’une grande lutte démocratique qui libère les énergies à investir dans le projet d’un pays meilleur.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/07-Luglio-2005/art45.html