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La technique Overton, ou comment transformer l’opinion publique

par Aspaar

Publie le mercredi 8 octobre 2014 par Aspaar - Open-Publishing
4 commentaires

Comment les politiques et les journalistes manipulent-ils l’opinion publique ?
Nous sommes souvent sceptiques envers les idées politiques nées dans les bureaux des différents groupes de réflexion. Mais ces technologies sont un jeu d’enfant par rapport à la méthode appelée à faire accepter par la société même ce qui était auparavant absolument inacceptable et inconcevable.

Il s’agit du modèle d’ingénierie sociale baptisé Fenêtre Overton (The Overton Window). Le modèle a été développé dans les années 1990 par Joseph P. Overton (1960-2003), ancien vice-président du centre analytique américain Mackinac Center for Public Policy. Selon sa théorie, une fenêtre est l’intervalle d’idées qui peuvent être acceptées par la société à un moment donné et qui sont exprimées ouvertement pas les politiques sans être considérés comme des extrémistes.
Les idées évoluent selon les stades suivants :

1/ inconcevables (inacceptable, défendu) ;
2/ radicales (défendu mais avec des réserves) ;
3/ acceptables ;
4/ utiles (raisonnable, rationnel) ;
5/ populaires (socialement acceptable) ;
6/ légalisation (dans la politique d’Etat).

L’utilisation de la fenêtre Overton est à la base de la technologie de manipulation de la conscience publique en vue de faire accepter par la société des idées qui lui étaient précédemment étrangères telles que la levée des tabous. L’essence de la technologie réside dans le fait que le changement d’opinion recherché se divise en plusieurs pas dont chacun déplace la perception à un stade nouveau et la norme universellement admise à son extrême limite. Cela provoque un déplacement de la fenêtre même, de sorte que la situation obtenue se retrouve de nouveau en son centre, ce qui permet de faire un pas suivant à l’intérieur de la fenêtre.

Les groupes de réflexion produisent et diffusent des opinions à l’extérieur de la Fenêtre Overton en vue de rendre la société plus perceptible envers diverses idées et vis-à-vis de d’une politique. Quand un groupe de réflexion veut imposer une idée considérée comme inacceptable par l’opinion publique, il utilise par étapes la Fenêtre.

Pour montrer comment l’opinion publique peut être modifiée graduellement, prenons l’exemple du mariage homosexuel. Dans le système de la Fenêtre Overton, l’idée du mariage homosexuel restait pendant de longues années dans la zone défendue : la société ne pouvait pas accepter l’idée d’un mariage entre des personnes du même sexe. Pourtant les médias ne cessaient d’exercer un impact sur l’opinion publique en soutenant les minorités sexuelles. Peu à peu, le mariage pour tous est devenu défendu mais avec des réserves, ensuite acceptable et, enfin, rationnel. A l’heure actuelle, il est « socialement acceptable » et bientôt, il sera évidemment complètement légalisé.

Le fonctionnement de la Fenêtre Overton est assuré par une multitude de spécialistes de la manipulation de l’opinion publique : consultants politiques, chercheurs, journalistes, conseillers en communications, célébrités, instituteurs. Quoi qu’on en pense, les thèmes comme le mariage homosexuel ou l’euthanasie ne nous semblent plus étranges. Ils ont subi l’ensemble du processus « technologique » de transformation, depuis le stade d’inconcevable jusqu’à celui de légalisation.

Dans son blog vidéo Besogon.TV (Exorciste.TV), le réalisateur russe Nikita Mikhalkov expose le schéma de ce processus à l’exemple du cannibalisme qui est jusqu’à présent un phénomène inconcevable pour la société. Le déplacement de la Fenêtre Overton vers un changement d’attitude envers le cannibalisme peut passer par les stades suivants :

Stade 0 : c’est l’état actuel où le problème est inacceptable, n’est pas discuté dans la presse et n’est pas admis par les gens.

Stade 1 : le thème évolue de « tout à fait inacceptable » vers « défendu mais avec des réserves ». Il est affirmé qu’il ne doit avoir aucun tabou, le thème commence à être discuté lors de petites conférences pendant lesquelles des chercheurs renommés font des déclarations sous forme de débats « scientifiques ». Parallèlement à ces débats pseudo-scientifiques, une Société des cannibales radicaux est créée, dont les déclarations sont parfois citées dans les médias. Le sujet cesse d’être tabou et est introduit dans l’espace médiatique. En résultat, le sujet inacceptable est mis en circulation, le tabou est désacralisé, le problème ne suscite plus la même réaction, ses différents degrés apparaissent.

Stade 2 : le thème du cannibalisme passe du stade de radical (défendu, mais avec des réserves) au stade d’acceptable. Des chercheurs continuent d’être cités et des termes élégants sont créés : il n’y a plus de cannibalisme, mais il y a, disons, l’anthropophilie et ses dérivés : anthropophiles, par exemple. L’objectif est de déconnecter la forme du mot de son contenu dans la conscience sociale. Dans le même temps, un précédent historique est créé (réel ou inventé) en vue d’enlever à l’anthropophilie son illégalité, au moins à un moment historique donné.

Stade 3 : la Fenêtre Overton se déplace ; en transférant le thème du domaine de l’acceptable à celui du raisonnable/rationnel, ce qui est argumenté par la « nécessité biologique ». Il est affirmé que le désir de manger de la chair humaine est génétiquement prédéterminé. En plus, en cas de famine (« circonstance insurmontable ») l’homme doit avoir le droit de faire un choix. Il ne faut pas cacher l’information selon laquelle chacun peut choisir entre l’anthropophilie et l’anthropophobie.

Stade 4 : de l’utile au populaire (socialement acceptable). Le débat est mené non seulement à l’exemple des personnages historiques ou mythiques, mais aussi à l’exemple des personnages médiatiques réels. L’anthropophilie commence à être largement discutée dans les programmes d’information, dans des débats télévisés, dans les films, la musique populaire et dans les clips. Pour populariser le thème, on cite souvent en exemple une célébrité disant qu’elle est un anthropophile.

Stade 5 : du socialement acceptable à la légalisation. Le sujet est lancé dans le top des actualités, est reproduit automatiquement dans les médias, dans le show-biz et reçoit une importance politique. A cette étape, « l’humanisation » des adeptes du cannibalisme est utilisée pour justifier la légalisation. Comme quoi, ils sont les victimes d’une mauvaise éducation, et pouvons-nous les juger ?

Stade 6 : du thème populaire, le cannibalisme passe dans le domaine de la légalisation dans la politique d’Etat. Une base législative est créée, des lobbies apparaissent, des études sociologiques sont publiées en faveur des partisans de la légalisation du cannibalisme. Un dogme nouveau voit le jour : « il ne faut pas interdire l’anthropophilie ». La loi est adoptée, le sujet pénètre dans les écoles et les jardins d’enfants et la génération nouvelle ne sait pas comment on a pu penser autrement.

Certes, cet exemple cité par Nikita Mikhalkov est hypothétique. Cependant de nombreuses idées contemporaines semblaient être absolument inconcevables il y a plusieurs dizaines d’années, pour devenir complètement acceptables par la loi et aux yeux de la société. Ne croyez-vous pas que leur évolution a suivi le scénario ci-dessus ?

http://french.ruvr.ru/2014_10_03/Overton-comment-accepter-linacceptable-8835/?slide-1

Portfolio

Messages

  • Très bon article.
    Dans le même esprit, je conseille le livre "Gouverner par le chaos, ingénierie sociale et mondialisation", éditions Max Milo, décembre 2013, 94 pages, 9,90 €.
    L’intégralité de l’ouvrage est aussi accessible en format PDF sur Internet.
    Il s’agit d’un ouvrage collectif du Comité invisible qui nous a déjà gratifiés de "L’Insurrection qui vient".
    Je pense qu’il s’agit d’un excellent travail qui démonte bien les mécanismes utilisées, dits de l’ingénierie sociale (plus simplement : la manipulation mentale), par les maîtres du monde pour faire de nous leurs pantins.
    L’article ci-dessus et le livre que je viens de citer sont de bons outils de légitime défense contre le Nouvel Ordre mondial.

    • "Nouvel Ordre Mondial" ?Ca fait un peu soralien,ça non ?Pourquoi ne pas parler tout simplement de l’oligarchie capitaliste ?

    • Soral ce n’est pas mon truc.
      Je ne le sentais pas vraiment ce Nouvel Ordre mondial.
      J’aurai dû faire attention, pour éviter de froisser les personnes exigeantes du vocabulaire.
      D’accord pour oligarchie capitaliste.
      Encore que oligarchie ... pourquoi pas tout simplement appeler un chat un chat, ou mieux un chien un chien en l’occurrence.
      Donc je corrige ma dernière phrase :
      L’article ci-dessus et le livre que je viens de citer sont de bons outils de légitime défense contre le capitalisme.
      Je consens aussi que l’exemple qui illustre de la méthode de manipulation présentée est douteux. Pour sûr que le remplacement des retraites par un coup de sifflet bref ou le zéro remboursement par la sécurité sociale jusqu’au retour improbable à l’équilibre du régime et au remboursement de la dette sociale auraient pu être des exemples plus didactiques. Surtout que pour le dernier exemple on sait parfaitement que si on confiait le désert à un ministre de l’UMPSFN on serait en manque de sable au bout d’une journée.

  • bon passons aux TP : faire accepter l’urgence du Socialisme...
    on s’adresse a quel think tank pour çà ?