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Le 8 août 1974, le président Nixon, emporté par l’affaire du Watergate, annonce sa démission...
Publie le dimanche 8 août 2004 par Open-Publishing
de CHARLES
PHILIPONA
La démission de Richard Nixon
Bonsoir, c’est la trente-septième fois que je vous parle de ce bureau, où tant de décisions ont été prises qui façonnèrent l’histoire de cette nation... Durant la longue et difficile période du Watergate, j’ai estimé de mon devoir de persévérer... Mais depuis quelques jours, je ne bénéficie plus d’un soutien politique suffisamment fort au Congrès pour justifier la poursuite de ces efforts... En conséquence, je démissionnerai de la présidence demain à midi. »
Le Watergate
C’est avec les accents de la tragédie que s’achève ainsi en direct, pour cent millions de téléspectateurs américains, une affaire qui avait commencé deux ans plus tôt comme une farce. Dans la nuit du 17 juin 1972, cinq cambrioleurs sont arrêtés dans l’immeuble du Watergate à Washington, où se trouve le quartier général du Parti démocrate. « Tout cela avait l’air absurde », écrira le président démissionnaire dans une de ses tentatives de justification : « Des Cubains avec des gants de chirurgiens en train de truffer le comité démocrate de microphones ! Je n’y attachai pas plus d’importance qu’à une farce. »
Mais, très vite, le président et ses conseillers devront prendre le problème au sérieux et il finira par accaparer toute leur énergie. Deux journalistes du « Washington Post », Carl Bernstein et Bob Woodward, vont mener durant deux ans une enquête opiniâtre. D’autant plus que, dès le début, ils rencontrent des éléments troublants : les « cambrioleurs » possédaient près de 5000 dollars en billets de cent dont les numéros se suivent ; le seul des cinq à n’être pas Cubain fait partie du comité pour la réélection du président, on trouve dans son agenda le numéro de téléphone d’un conseiller de la Maison-Blanche.
Pourtant, en novembre 1972, Nixon est réélu confortablement. Mais poussé par la presse, le Sénat décide de créer une commission d’enquête dont les audiences sont télévisées. Les dessous sordides de la politique quotidienne envahissent les foyers américains. L’affaire montera de plusieurs crans en juillet 1973, quand un ancien conseiller révèle que toutes les conversations présidentielles sont enregistrées. Dès ce moment, la question des bandes va dominer la vie politique américaine et l’activité de la Maison-Blanche. Nixon, ses conseillers, ses avocats et une armée de secrétaires passent des centaines d’heures à écouter ces enregistrements, à choisir ce qui peut être livré à la commission ou ce qui sera transcrit.
« La presse, c’est l’ennemi »
En avril 1974, 1300 pages de transcription sont remises aux membres de la commission, puis livrées au public. C’est un succès immédiat de librairie. Toute l’Amérique découvre la face cachée de son président, la grossièreté du Nixon intime, ses appréciations ordurières sur des collaborateurs ou sur les journalistes. Pour lui, « la presse, c’est l’ennemi ! ». Nixon apparaît comme un chef de bande qui organise le camouflage de l’affaire. Pire : dix-huit minutes ont été effacées d’un des enregistrements les plus importants. On apprend aussi qu’il paye des impôts ridiculement bas. De plus en plus, il semble mériter le surnom de Tricky Dick, Dick le Tricheur, que ses adversaires lui ont donné depuis des années.
Un mot envahit le débat public et les titres dans la presse : impeachment. C’est le nom de la procédure prévue pour la destitution du chef de l’Etat. Lorsque la Commission judiciaire vote les chefs d’accusation qui lui reprochent d’avoir fait obstacle à la justice, Nixon prend les devants et annonce sa démission avec une certaine dignité et en se présentant comme une victime de politiciens jaloux. Mais non sans avoir assuré ses arrières : amnistié par le président Ford, il est assuré de l’impunité.
A relire les témoignages de l’époque, on reste confondu en voyant cet homme d’Etat pragmatique, qui a su mener des négociations serrées avec Brejnev, imposer la reconnaissance de la République populaire de Chine et signer les accords de paix avec le Vietnam, s’enferrer dans des demi-mensonges et des faux-fuyants autour d’une affaire minable d’espionnage politique. Richard Nixon s’est littéralement pris les pieds dans les bandes magnétiques où il enregistrait toutes ses conversations, et qui ont fait de lui le principal témoin contre lui-même. (CP / Le Courrier)