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Le Code du travail au Karcher

Publie le jeudi 11 août 2005 par Open-Publishing

de Magali Prugnard

Quand on veut passer en force, il vaut mieux le faire vite... Tel est l’adage choisi par Dominique de Villepin pour faire adopter ses très controversées mesures pour l’emploi. Avec une petite touche bassement politique en plus : tout régler durant l’été, histoire d’éviter ceux qui protestent un peu fort et de montrer combien, bien sûr, le gouvernement travaille pendant les vacances. Cette semaine, la mise en oeuvre du fameux « plan d’urgence » pour l’emploi annoncé il y a deux mois s’est accélérée. Le 4 août, soit le surlendemain de l’examen en Conseil des ministres des ordonnances pour l’emploi, le contrat nouvelles embauches (CNE) est entré en vigueur.

Le CNE, réservé pour l’instant aux entreprises de moins de 20 salariés, est un contrat à durée indéterminée (CDI) que l’employeur peut rompre à tout moment pendant deux ans sans avoir à motiver sa décision. Le salarié, lui, n’a de fait aucun moyen de savoir s’il conserve son emploi d’un mois sur l’autre, alors que même un CDD, emploi à durée déterminée, est garanti jusqu’au bout. Maigres « consolations » pour l’employé en cas de renvoi : l’employeur doit lui verser deux primes de 8 % et de 2 % (la prime de précarité est de 10 % en CDD) et les CNE, renouvelables sans limitation dans une même entreprise, doivent toutefois être espacés de deux mois. Quant aux allocations chômage, elles sont inexistantes si l’employé a travaillé moins de 4 mois, de 16,40 euros par jour (mais pour un mois seulement) si le salarié a travaillé entre 4 et 6 mois et de 57,4 % du salaire au-delà.

Une précarisation de l’emploi qui a visiblement enthousiasmé Laurence Parisot, présidente du MEDEF : « Je pense que le CNE est aujourd’hui une première occasion pour la France d’enclencher, à partir de ses plus petites entreprises, le mouvement de croissance dont nous avons tous besoin », a-t-elle déclaré mardi. Une réaction proche de celle de la CGPME, qui dit avoir accueilli avec « satisfaction » cette mesure. Pourtant, le CNE a déclenché une véritable bronca. L’ensemble des partis d’opposition et des syndicats de gauche sont montés au créneau pour dénoncer cette précarité par ordonnance. Le PS a fustigé un dispositif dont « les conséquences pour les salariés seront lourdes : accès au logement freiné, difficultés accrues d’accès au crédit et précarité aggravée ». Pour le PCF, le gouvernement « vient de saborder le Code du travail », la LCR parle de véritable « casse ». Selon FO, le CNE y introduit « une nouvelle notion, celle de précarité durable ». La CGT, quant à elle, estime que ce projet ne vise pas la croissance et la création d’emplois mais « répond aux exigences sempiternelles du MEDEF ». Il « autorise le fait du prince », clame la CFTC. D’ailleurs il s’agit « d’une mesurette qui n’intéresse pas forcément les très petites entreprises », ajoute la CGC.

Le gouvernement a fait adopter à la va-vite d’autres « mesures d’urgence » pour l’emploi qui devraient entrer en vigueur le 1er septembre. Il prévoit de recalculer les seuils sociaux, comme le nombre minimum de salariés à partir duquel une entreprise paie certaines cotisations, notamment en supprimant les salariés de moins de vingt-six ans dans ces calculs. Des « mesures qui portent atteinte à la représentation des salariés », comme le souligne entre autres la CFDT. Le reste des ordonnances adoptées concerne : la création d’un chèque servant de contrat d’embauche pour les entreprises de moins de cinq salariés, l’octroi d’un crédit d’impôts pour les jeunes travaillant dans des professions qui peinent à recruter, un dispositif d’insertion pour les jeunes calqués sur le service militaire et la suppression des limites d’âge dans la fonction publique. Mais là encore, l’opposition reste sceptique quant à la portée réelle de ces mesures.

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