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Le Monde Diplomatique d’Octobre 2008

Publie le jeudi 2 octobre 2008 par Open-Publishing
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Les médias français dans l’air du temps (la quasi totalité d’entre eux, donc), ceux qui sont inféodés au capitalisme financier, ceux qui en sont les complices passifs ou ceux qui le tolèrent, ont été surpris par la violence de la crise financière étatsunienne, puis mondiale.
Pas les lecteurs du Monde Diplomatique, prévenus depuis des années par des analyses de fond.
Le numéro d’octobre 2008 ne déroge pas à la règle.

Dans un long éditorial, Serge Halimi brosse un portrait saisissant de l’Ouest profond, après avoir posé la question qui résume tout : « Au moment où l’État américain socialise les pertes abyssales de ses banques, comment le Parti républicain pourrait-il se prévaloir de sa philosophie libérale ou de son action au pouvoir ? »

Dans “ Le jour où Wall Street est devenu socialiste ”, Frédéric Lordon résume tout les enjeux. « Il est question de risque systémique », prévient-il, « c’est-à-dire de la possibilité, du fait de la densité des engagements entre banques, que la défaillance d’un seul acteur déclenche, par ondes de cho successives, une cascade de faillites collatérales.
[…] Le New York Times rapporte que MM. Paulson et Bernanke, apparaissant le 16 septembre au soir pour annoncer leur plan ont l’air sombre. On les comprend : à côté d’eux, le président vénézuélien Hugo Chavez est un pantin libéral vendu au grand capital : lui paye quand il nationalise !
[…] La finance libéralisée est structurellement d’un instabilité explosive ; non seulement elle est certaine de déclencher des catastrophes à répétition, mais elle est incapable de les enrayer par elle-même.
[…] Standard & Poor’s [sic] estime à 10 points de PIB ce que la crise pourrait coûter au pays au total. Va-t-on sortir ces 10 points de la poche du contribuable américain – et torpiller ce qui reste de croissance ? Va-t-on les laisser gonfler le déficit et les dettes publics ?

Ibrahim Warde note que cette crise est « un désastre pour les salariés ». En particulier pour les 25000 employés de Lehman Brothers qui recevaient entre 40 et 60% de leur rémunération en actions de leur entreprise. Lors de l’affaire Maxwell en 1991, 32000 personnes découvrirent que leur fonds de retraite avait été presque entièrement pillé par l’homme d’affaires. Idem, 10 ans plus tard, pour les futurs retraités d’Enron.

[je me permets d’ajouter ici mon grain de sel et de suggérer que les grands responsables de cette crise scandaleuse sont en fait – le Président Sarkozy l’a judicieusement martelé – les 35 heures.]

Que se passe-t-il lorsque “ Fannie et Freddie tombent à l’eau ” ?
En 2004, explique Ibrahim Warde, Fannie se vit accusée de maquiller ses comptes afin de générer des bonus plus importants. Ses trois principaux dirigeants durent démissionner et acquitter une amande de 100 millions de dollars [à noter que, dans ces cas-là, la justice étatsunienne est beaucoup plus rapide et efficace que la justice française]. En 2006, Freddie était condamné à verser 3,8 millions de dollars pour lobbying illégal au profit des membres de la Chambre des représentants chargés de superviser ses activités. Les émoluments des patrons de ces deux sociétés étaient de l’ordre de 70 millions de dollars par an.

L’article “ Le monde vu de la (future) Maison Blanche ” m’est apparu un peu manichéen, avec un Obama en candidat éclairé et McCain « homme du passé ». Cela dit, il est vrai que McCain, âgé de 72 ans, « a vécu en pleine guerre froide, dans une famille de militaires, et voue une grande admiration à l’armée américaine et à ses valeurs. […] Obama a été élevé dans des conditiuons précaires par un e mère seule et a bueaucoup déménagé, vivant même en Indonésie avant de s’installer dans la région de Chicago. Il parle souvent de son expérience de coordinateurs de programmes sociaux dans les quartiers pauvres du sud de la ville, qui a profondément marqué sa vie de jeune adulte. »

À lire le très intéressant “ Ce que révèlent les données officielles sur les conflits sociaux ”. Sarkozy a pu oser dire que “désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit”, il n’en reste pas moins que, exceptées les grèves de plus de deux jours (en diminution), toutes les autres modalités d’action ont été à la hausse ces dernières années. Même s’ils passent inaperçus, les conflits existent, plus nombreux, plus durs, plus souvent impulsés par les syndicats qu’on ne le dit généralement. Il n’est pas anodin de remarquer que le type de conflit qui a le plus augmenté est le refus des heures supplémentaires.

À noter l’existence d’un « “ Guantanamo ” en Mauritanie » (Zoé Lamazou) pour lutter contre l’immigration clandestine, à Nouadhibou, installé conjointement par les autorités espagnoles et mauritaniennes.

Jacques Denis évoque longuement le « business de la “ forêt verte ” en Amazonie ». Le 1er août, le président Lula « a signé un décret créant le Fonds amazonien destiné à financer des mesures pour lutter contre la déforestation et promouvoir des activés forestières durables. De leur côté, des entreprises privées disent s’intéresser au “ sauvetage de la planète ”. Peut-on compter sur elle pour soustraire l’Amazonie à une destruction massive ? »

À lire d’urgence la double page sur « les filets du contre-terrorisme global ».
« Quels ont été les effets des attentats du 11 septembre 2001 dans les pays occidentaux ? Deux interprétations dominent le débat public. Pour la première, l’ampleur de la menace est telle qu’elle justifie le recours à des pratiques d’exception temporaires permettant seules de sauver les valeurs démocratiques. Pour la seconde, qui a tendance à simplement inverser le raisonnement, les mesures antiterroristes constituent une stratégie de long terme des gouvernements pour s’exonérer de la loi ordinaire et instaurer un climat de surveillance nous faisant sortir de la démocratie. »
Les auteurs décrivent l’arbitraire dans lequel nous vivons : « L’exemple des listes américaines des personnes qui ne sont pas autorisées à embarquer sur des vols intérieurs ou à destination des Etats-Unis […] ressemblent à des inventaires à la Prévert : un enfant de 11 mois peut y être considéré comme un terroriste international, un pilote de ligne peut être autorisé à piloter un avion mais à être interdit de vol en tant que passager. »
« Ces procédés ont été plus efficaces que la meilleure propagande d’Al-Qaida pour radicaliser des segments de population du monde musulman. »
Ne pas oublier que « les gouvernements de l’UE et leurs services de renseignement ont refusé de pratiquer la torture sur place, tout en étant complices d’enlèvement de personnes par les services américains sur le territoire européen, ainsi que d’autorisations de transit de leurs avions transportant des suspects. […] La France a collaboré à des interrogatoires conduits à Gantanamo par l’intermédiaire d’agents de la DST. »

Dans sa recension du livre d’Isabelle Bruno À vos marques, prêts … cherchez, Bernard Cassen rappelle que la recherche est devenue, depuis la stratégie de Lisbonne, ratifiée par L. Jospin, le terrain d’expérimentation privilégié de l’Europe SA. Généralisation du benchmarking qui met les universités en concurrence permanente comme s’il s’agissait d’entreprises, chercheurs-entrepreneurs, culte de la compétitivité.

J’ai gardé pour la bonne bouche « Payer les passagers pour voyager » d’Yves Kengen qui explique comment les compagnies à bas prix du style Ryanair ont mis a genoux leurs salariés, évidemment, mais aussi les collectivités locales et les aéroports qui se sont pliés à leurs exigences mais n’ont pas été payées en retour, bien au contraire.

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