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Le con existe, je l’ai rencontré ! N°2

Publie le mercredi 12 mars 2008 par Open-Publishing
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de Mengneau Michel

Ce n’était peut-être pas lui, ce devait être probablement un autreSuite

Comme il faut bien aider son prochain, ma main était restée en suspend. Elle va y rester longtemps. Effectivement, pendant cet intermède une nouvelle catastrophe était en préparation.

Vous savez, les gens sont curieux. Seulement il n’y a pas que les humains, les animaux aussi. Eux, ce n’est pas par malice ni méchanceté, c’est comme ça, ça les amuse, ça les change des spectacles habituels.

Tournoyait à ce moment là au-dessus de nos têtes un couple de corbeaux.

Interloqués par le spectacle que nous leur offrions, ils se posaient des questions. Qu’est-ce ce tas grisâtre qui gesticule ? Et en plus, ça pue !

Ce n’était pas particulièrement de la curiosité de leur part, mais il faut bien comprendre une chose : la vie de corbeau n’est pas toujours folichonne ! En effet, si on les voit parfois voler sur le dos, c’est qu’ils en ont marre de regarder d’en haut la misère de ce bas monde. Non pas pour ne pas la voir, mais, comme ils sont pleins de délicatesse, ils tournent discrètement la tête devant l’affligeant spectacle que nous leur offrons.

A ce propos, il faut se souvenir aussi des chimères et écrites dans la genèse de la bible.

Comme il y a un peu tout et n’importe quoi dans ce mauvais roman de gare, j’ai pour ma part une version différente et plus réelle de certains faits.

Cela faisait environ quarante jours que le père Noé buvait de la flotte. Un peu longuet pour un homme presque seul et isolé ; n’est-ce pas ? Même pas de journaux télévisés ! Alors pour être informé de ce qui se passait sur cette satanée terre, il décida d’y envoyer un observateur. Allez savoir pourquoi, il choisit un corbeau. C’eût pu être un représentant de l’ONU, mais vu leur efficacité dans certains cas on comprend qu’il se soit tourné vers une solution plus réaliste. Libéré par l’une des écoutilles de l’arche, le volatile s’envola vers une destination inconnue. Le problème est que, ce foutu animal n’est jamais revenu ! On peut le comprendre, la liberté est un bien trop précieux pour ne pas en jouir jusqu’à l’extrême. L’ancêtre chercha alors une autre solution. Il lui restait une colombe, en sorte, une sorte de pigeon voyageur. C’était une bonne idée puisque cet oiseau avait pris l’habitude de revenir à son point de départ. Il ouvrit donc une nouvelle fois une écoutille de sa barcasse et expédia le gentil zoziaux vers sa destinée.

S’il avait su ! A peine l’éclat blanc de la colombe ce détacha sous le ciel plombé, qu’elle ramassa une volée de plomb. Puis un peu secouée, poursuivant son vol vers le nord du Caucase, elle fut assourdie par le concert des orgues de Staline. Rebutée par ce genre de musique, elle changea d’itinéraire et se dirigea vers le sud en direction du Moyen-Orient. Pas en ligne droite, car elle dut faire un écart pour éviter un missile tomawak américain parti en croisade pour aller pourfendre le turban d’un mec à mobylette, un certain Omar. Malheureusement pour elle, la journée n’était pas finie. Aux abords d’Israël, ou peut-être vers l’Irak, elle n’a jamais très exactement su où, son « Galileo » expérimental ayant été déboussolé par l’incompréhension des hommes, elle essuya quelques rafales intempestives de Kalachnikov. Mais elle n’était pas encore au bout de ses peines ! Car sur la fin de son périple, elle fut éclaboussée par les débris d’un gus qui s’était fait éclater la tronche, le reste et les quidams des alentours, et qui avait pensé : avec cette façon désespérée de communiquer, je vais peut-être faire comprendre à mon voisin qu’il n’a pas forcément toujours raison. Faut vraiment pas s’aimer !

Dégoûté, sur le chemin du retour, l’oiseau messager prit conscience qu’il avait failli à son devoir, qui était, somme toute, celui de nous rassurer en rapportant un témoignage de concorde.

Avait-il perdu son rameau d’olivier, secoué par la fureur des hommes ? L’avait-il lâché volontairement, refusant d’offrir un symbole de paix usurpé à la face du monde ?

Tant est si bien que cette pauvre colombe est rentrée au bercail atteinte de saturnisme, avec un coup dans l’aile, assourdie, ensanglantée, et ayant renoncé totalement à sa mission. Noé ne s’en est jamais remis.

Pour noyer son chagrin, il finira les trois cent cinquante dernières années de sa vie assis au milieu des vignes du seigneur, en les buvant grappe par grappe, et en criant à qui voulait l’entendre : « Y en a ras-le-bol de la flotte ! ». Il parait que la colombe au cours d’un second voyage aurait soi-disant ramené le fameux rameau. Avec les temps qui courent, ou ceux qui sont passés, cela demande sérieusement à être vérifié. (Traduction libre, par l’auteur, des chapitres VIII et IX de la genèse).

Quant au corbeau, devenu l’un des familiers de la géhenne, pour finir de détruire le moral du vieil homme lui avait envoyé quelques lettres anonymes dénonçant à juste titre l’incohérence et la détresse de notre monde ; peut-être aussi la suite de notre histoire. Pour conclure, les corbeaux, malgré toutes nos conneries, ne supputent pas encore le début imminent de l’apocalypse sur notre planète. A l’évidence ils doutent surtout de l’intelligence et de la conscience réaliste du genre humain.

Donc, nos corbeaux, las de ces spectacles déprimants, se rattrapent le dimanche. Le dimanche, ils investissent les clochers. Il ne faut pas le dire, pourtant ils rigolent sournoisement, c’est le jour de la messe. Ils n’ont pas besoin de voler sur le dos, il n’y a aucune misère ; flotte dans l’air un « séraphisme » bourbonien. Manque plus que la chaise à porteurs. Mais on l’a remplacée symboliquement par de gros quatre/quatre polluants pilotés par un chauffeur à casquette ; l’honneur est sauf.

Les trublions ont d’ailleurs aussi remarqué les toilettes de circonstance. Les doubles mentons. Le nouveau costard grisâtre plein à craquer de « rebondances » bedonnantes. Les manteaux de vraies fourrures. Les coiffures des dames, figées par la laque du figaro du samedi. Rehaussées souvent par des chapeaux ressemblant au pudding qui auréole le chef de la reine d’Angleterre. C’est l’opulence !

Les corbeaux s’amusent et volent sans arrière-pensée…

Ils se laissent aller à leurs extravagances, vont piquer la cerise sur le chapeau de la dame du seizième rang, font caca sur le bréviaire, ça c’est marrant - d’autant que, hormis les taches rigolotes de vin de messe renversé par un curé tremblotant, avec toutes les allégories racontées dans cet ersatz moraliste d’appel aux incantations leurs fientes ne risquent pas de le maculer encore plus. Bien mieux, ils sont nourris à leur faim, il suffit de surveiller le bénitier pour y voir barboter d’énormes grenouilles.

Nous n’étions pas dimanche, mais pour une fois que l’on s’amuse dans la semaine, pourquoi ne pas en rajouter !

Comme ces Anars avaient sans doute lu le poème de Jean Richepin « Les oiseaux de passages », ils s’en sont inspirés. Alors, ce qui devait arriver arrivât, des corbeaux au quidam s’opéra un trait d’union qui atterrira mollement entre les lunettes d’écailles.

C’était superbe et dramatique.

Se trémoussant par terre, le visage couvert de la même chose qu’il avait sur le cul, le quidam se mit à pleurer.

Pris de pitié, j’essaie de le consoler, craignant qu’il ne fasse un ulcère à l’estomac. Surtout, il me semblait le reconnaître ?

Petit costard gris, cravate grise, lunettes d’écailles, la tronche du premier de la classe...

à suivre...