Accueil > Le dernier échec d’une mauvaise Europe

de Astrit Dakli traduit de l’italien par Karl&Rosa
Encore une fois l’Union Européenne se trouve face à un échec, l’énième de son histoire récente. Non pas l’échec de grands projets politiques ou de grands idéaux, désormais déjà passés : sur les rives de la Volga, son plus grand fleuve, l’Europe s’est ensablée sur de pures, questions de commerce, très banales, qui devraient être – celles-là au moins – le top de son répertoire.
Et il faut constater encore une fois que l’échec est le fruit direct de la myopie avec laquelle, dans les années 90, l’Union a poursuivi l’annexion économique pure et simple de ce qui était l’Europe réal socialiste et soviétique : en ne faisant aucun cas des différences sociales et politiques qui par cette annexion allaient être « importées » et en ne pensant nullement à adapter, d’abord, ses propres structures et ses propres méthodes de fonctionnement. C’est-à-dire sans réfléchir au fait élémentaire que décider à vingt sept est toujours et en tout cas beaucoup plus compliqué que décider à six – et les mécanismes de l’Europe communautaire ont été conçus pour une Union à six, non pas à vingt sept.
Au contraire, les seigneurs de l’Europe de l’après Mur ont pensé que leur énorme supériorité économique allait automatiquement entraîner leur plein contrôle politique sur les nouveaux membres fraîchement accueillis. C’est à cause de cette illusion absurde que le nationalisme extrême et souvent obtus qui caractérise depuis le premier jour nombre de gouvernements (et de sociétés) de l’ancien « camp socialiste » - avec lequel maintenant doivent forcément « solidariser » aussi les grands pays de la « vieille Europe » qui auraient toute autre attitude et tous autres intérêts – a entraîné d’abord la paralysie politique (en donnant de l’espace et des raisons aux eurosceptiques et en offrant une aide inespérée aux adversaires de l’Europe de l’administration USA) et maintenant aussi une grave impasse économique.
L’allure des relations avec Moscou est exemplaire. La plus grande partie de l’Europe communautaire – y compris, au fond, même les pays de l’Est – aurait un fort intérêt à signer un accord global avec la Russie garantissant non seulement les approvisionnements énergétiques mais aussi l’accès aux réserves, au marché et au réseau de distribution de l’énergie sur le territoire russe – en offrant en échange un meilleur accès des capitaux russes à l’économie européenne et une plus grande liberté dans le trafic des marchandises et la circulation des personnes, mais cet accord est bloqué sine die par de stupides conflits bilatéraux qui ne sont dictés que par une fierté nationale mal comprise et par la volonté de se montrer « indépendants » vis-à-vis des anciens dominateurs. Ainsi tout le monde y perd – et les Européens plus que les Russes.
Si les choses vont si mal quand on parle argent, nous pouvons imaginer quelles sont les perspectives pour les discours sur la politique et les idéaux, la constitution et les droits. La chancelière Angela Merkel voulait conclure le semestre de leadership européenne de l’Allemagne par des pas en avant dans cette direction : elle l’achève par des pas en arrière sur tout.