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Le diamant du sang

Publie le dimanche 30 juillet 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Depuis plusieurs décennies, l’Afrique est éclaboussée par une kyrielle presque non-discontinue de conflits armés, locaux et régionaux. Mais, ce continent, recelant dans ses tréfonds des ressources naturelles d’une valeur inestimable, a vu se délocaliser sur son propre terrain des conflits extra-africains. L’exemple le plus palpable est celui du bras de fer entre Israéliens et Libanais dans la région des Grands Lacs. Enquête.

Le conflit opposant l’Etat hébreu au pays du Cèdre depuis la seconde moitié du XXème siècle n’est pas uniquement militaire, mais il est aussi, et dans d’énormes proportions, économique, les deux pays ayant de grandes traditions dans le commerce du diamant.

En décembre 2003, un rapport publié par les Nations Unies (1) montre que les seigneurs de la contrebande des pierres rares, telles que le diamant, financent les têtes pensantes de la guerre en République Démocratique du Congo ( ex-Zaïre ).

En dépit de la fin des hostilités, suite à l’envoi d’une force multinationale (2) , le pillage des ressources naturelles se poursuit, continuant à alimenter les violences.

Le rapport onusien montre du doigt certaines multinationales libanaises et
israéliennes en leur imputant l’usage du commerce du diamant dans l’armement des différents belligérants de la guerre en ex-Zaïre.

Le système légal d’acquisition de diamants est simple. Chaque opérateur dispose de comptoirs dans le pays producteur. Chaque comptoir doit racheter sa marchandise aux négociants congolais, seuls autorisés à aller en brousse à la rencontre des « creuseurs artisanaux ». Ces diamants sont ensuite transférés à Kinshasa, la porte de sortie officielle, d’où ils sont exportés en toute légalité.

Mais, dans la pratique, ces règles sont le plus souvent violées, l’essentiel de la production négociée filant en contrebande par-delà le fleuve du Congo, vers Brazzaville.

Le leader mondial De Beers est impliqué, de manière indirecte, dans ce trafic. Steinmetz, gros négociant basé en Israël et présent en Afrique du Sud, en Belgique et aux Etats-Unis, est très lié aux Oppenheimer, la famille sud-africaine qui contrôle De Beers. En 2003, plusieurs informations assuraient déjà que le mastodonte de Johannesburg utiliserait Steinmetz pour s’approvisionner en diamants provenant de « zones à problèmes ». Pourtant, De Beers annonça publiquement la cessation de ses activités en RDC.

Outre Steinmetz, figure sur la longue liste des diamantaires aux activités suspicieuses Schmuel Schnitzer, résident-fondateur de la Bourse de Tel-Aviv. L’arrestation, fin 2003, de son associé et vice-Président pour trafic de pierres russes en Hongrie ont renforcé l’hypothèse selon laquelle il aurait des activités illégales, même s’il a été blanchi par une commission d’enquête onusienne (3) .

Quant à son neveu, Dan Gertler, il est au cœur de la guerre du diamant en République démocratique du Congo. En 2000, sa société, IDI Diamonds, avait obtenu de Laurent-Désiré Kabila l’exclusivité des exportations de l’ensemble des diamants congolais. Le contrat avait été suspendu, un an plus tard, en raison d’un problème de sous-évaluation de la production.

Aujourd’hui, via une société-écran canadienne, Examon, immatriculée au Panama, Dan Gertler est de retour en force. En compagnie de son associé américain, Chaim Leibowitz, il détient le monopole de la commercialisation de la production de la Minière de Bakwanga (Miba). Cette société nationale est la principale source de revenus du Congo. En effet, après la chute dramatique de la production de cuivre, de cobalt et d’or, le diamant fournit les trois quarts des revenus d’exportation du pays. Bailleur de fonds du Parti républicain aux Etats-Unis, Chaim Leibowitz agit également comme relais du président congolais, Joseph Kabila, auprès de l’administration Bush.

Les liens étroits entre les opérateurs israéliens et le régime Kabila, Père et fils, suscita le mécontentement des rivaux libanais, bien présents dans la région.

La Sierra Gem Diamonds et Triple A Diamonds, toutes deux appartenant à la famille libanaise Ahmad, sont dans le collimateur des Nations Unies depuis quelques années.

En septembre 2003, Nazem Saïd Ahmad, dirigeant de la Sierra Gem Diamonds fut arrêté à Anvers ( Belgique ) dans le cadre d’une enquête sur les « diamants de la guerre » en provenance de l’ex-Zaïre.

A la suite de l’assassinat du Président Laurent-Désiré Kabila, plusieurs médias, notamment belges, accusèrent les diamantaires libanais d’avoir fomenté un complot, le successeur du Général Mobuto ayant donné un chèque en blanc aux sociétés israéliennes pour qu’elles gèrent le diamant congolais (4) .

Les statistiques témoignent, en tout cas, d’une fraude massive : malgré la libéralisation du marché du diamant, décidée par Joseph Kabila, les chiffres publiés par l’Office du diamant d’Anvers révèlent qu’en août 2001 des circuits parallèles ont ramené 3.000.000 de carats, pour une valeur de 61 millions de dollars alors que le circuit officiel ne drainait que 24 millions de dollars. Dans la capitale voisine, Brazzaville, les prix offerts aux revendeurs sont encore plus attrayants qu’à Kinshasa, car le prix moyen du carat est de 43,48 dollars contre 28,27. D’aucuns assurent que ces prix ne peuvent s’expliquer que par le caractère bon marché - sale - des dollars proposés, argent de la drogue ou des armes.

L’existence de ces réseaux de blanchiment, déjà actifs dans les dernières années du régime Mobutu, a amené un journal local à franchir le pas. Le patriote Libéré explique les déboires de Laurent-Désiré Kabila, et peut-être son assassinat, par le fait qu’il aurait dépossédé les réseaux libanais de la place au profit de la société israélienne, IDI Diamond, dirigée par Dan Gertler.

Le président défunt espérait ainsi mieux contrôler les recettes du diamant, sinon mettre sur pied sa propre filière. Mais malgré son monopole, IDI Diamond ne parvint pas à conquérir le marché en proposant des prix compétitifs aux intermédiaires, qui se dirigèrent massivement vers Bangui ou Brazzaville. Le gouvernement lui-même enregistra des rentrées moindres que prévu. De plus, il est de notoriété publique que le privilège accordé à IDI Diamond mécontenta fortement les milieux libanais.

Ces connexions amènent "Le Patriote libéré" à déduire non seulement qu’à Kinshasa les sociétés-écrans spécialisées dans les importations de denrées alimentaires servent à blanchir l’argent sale, mais aussi que la monopolisation de la vente du diamant au profit des Israéliens d’IDI Diamond avait fortement ébranlé le profit d’Al Qaida, via une antenne libanaise.

En tout cas, il est clair qu’Israël œuvre de manière à s’assurer du soutien de certains pays africains qui auraient une grande influence sur le conflit israélo-arabe, à travers notamment le problème du Nil, tels que l’Ethiopie ou l’Ouganda. Pour les Libanais, la crise économique que traverse leur pays ne leur laisse pas le choix. Le diamant serait la meilleure source pour financer l’armement des différentes milices du pays.

Un conflit de plus sur le continent africain.

NOTES :

(1) Intitulé « Rapport des Nations Unies sur la contrebande des richesses minérales », ce document révèle pour la première fois l’implication de grands groupes économiques mondiaux dans l’armement de groupes terroristes, rébellions et autres structures susceptibles de déstabiliser plusieurs régions.

(2) La Mission d’Observation des Nations Unies au Congo ( MONUC ) aura pour tâche, outre la supervision du respect par tous les belligérants du cessez-le-feu, le commerce illégal de diamant.

(3) En 2000, des ONG déclenchent une campagne contre les « diamants de conflit ». L’ONU s’inspire cette initiative pour mettre sur pied une structure supervisant le commerce mondial de la pierre précieuse.

(4) Dans son édition du 22 octobre 2001, le quotidien belge Le Soir accuse Al Qaida d’avoir assassiné le Président L.D. Kabila, via une antenne libanaise à Kinshasa.

http://www.agoravox.fr/article.php3...

Messages

  • Meerci beaucoup pour l’info. La désinformation médiatique est devenu telle que l’on ne peut même plus trouver ce type d’information dans le monde diplomatique, l’Humanité ou le Canard Enchaîné.

    L’Afrique est toujours un continent colonisé et pillé. La seule manière de soritr du sous-développement colonial est de nationaliser de manière radicale toutes les ressources du pays, de négocier des accords d’échanges avec Cuba, Le Vénuzuéla, l’ex-URSS.

    Lumumba l’avait parfaitement compris et les néo-nazis de la CIA ne lui ont pas pardonné

  • Mesdames n’achetez plus de diamants, car voyez le résultat.
    Bon, il nous reste son succédané l’oxyde de zirconium, moins prestigieux certes.