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Le droit au Revenu Inconditionnel

Publie le mardi 29 janvier 2008 par Open-Publishing
6 commentaires

Le droit au Revenu Inconditionnel

Reçu de MARINA

lundi 28 janvier 2008.

C’est dans le contexte d’une immense crise structurelle du travail et de l’emploi et d’une montée incessante du chômage et de la précarité que le cynique principe « celui qui ne travaille pas ne mange pas » revient de manière désespérément archaïque, révélant une puissance totalitaire et marquant une régression civilisationnelle sans précédent.

Mieux vaut n’importe quel travail que pas de travail du tout est devenu la profession de foi exigée de tous. Cirer des godasses, déverser des pesticides, vendre des hamburgers contaminés, effectuer toutes sortes de travaux nuisibles c’est-à-dire contraire à l’intérêt général au nom du profit à court terme de quelques uns, travaux abrutissants rapportant à peine de quoi survivre, management par le stress, par la peur, lutte de tous contre tous, tel est le prix à payer pour conserver ou acquérir une place « digne » dans le corps social.

Et tant pis si pour cela on endommage gravement l’environnement, si l’on se détruit la santé, si l’on doit sacrifier sa famille, se bourrer d’anti-dépresseurs et autres drogues, renoncer à ses valeurs et à tout autre projet de développement personnel en compromettant la vie des générations futures.
Tout vaut mieux que l’oisiveté « mère de tous les vices »

Et c’est bien dans cette optique, malgré ses postures humanitaro-caritatives que s’inscrit Martin Hirsch avec son revenu actif de solidarité.

Curieuse conception de la solidarité que la socialisation par le travail obligatoire qui transforme le chômage de masse en pauvreté de masse, en légitimant le phénomène des travailleurs pauvres et en naturalisant la précarité.

Totalement différente est l’approche proposée par le Revenu Inconditionnel :
Ses origines sont diverses, son histoire est longue et mouvementée, car de tous temps, dans diverses aires géographiques et culturelles les sociétés humaines civilisées se sont interrogé sur les moyens concrets d’éradiquer la pauvreté, sur la place à donner aux personnes économiquement non rentables (artistes, religieux, sans emploi) ainsi que sur la façon la plus humaine de traiter les plus fragiles et les plus vulnérables (vieillards, malades, handicapés, fous).

Si ses appellations sont multiples (revenu de base, allocation universelle, revenu garanti, revenu de citoyenneté) le principe fondateur est toujours le même : il n’y a pas d’humains surnuméraires, tous les êtres humains ont un droit inconditionnel à la vie et le travail n’est pas le fondement de la dignité humaine

Il repose sur 4 socles intangibles :
 
L’Inconditionnalité, totalement déconnectée de toutes formes d’emploi et de travail
 
L’Universalité, versé à tous du berceau au tombeau
 
L’Individualité totalement déconnectée de la notion de couple de « ménage » ou de famille il s’adresse à la Personne
 
La Liberté, pas de devoir déclaratif donc pas de contrôle social

Beaucoup de maux sociaux disparaîtraient avec l’instauration d’un Revenu Inconditionnel et en premier lieu bien sur une misère archaïque et déshumanisante, intolérable dans nos sociétés globalement de plus en plus riches, mais il constituerait aussi un puissant outil d’émancipation et d’extension de la liberté individuelle, aucune personne ne serait plus économiquement dépendante d’une autre ( patron, mari , père ) et ne serait obligée de se plier au chantage de la misère et de se soumettre au travail contraint.

Outil de transformation des rapports sociaux : il libérerait aussi de la soumission à une bureaucratie de contrôle social, avec tous les gaspillages, humiliations, et atteintes aux droits humains que cela comporte favoriserait l’expérimentation et le développement de pratiques alternatives, sociales, écologiques, culturelles, artistiques décolonisées de la tyrannie de la rentabilité, pouvant être profitables à l’ensemble de la société transformerait les rapports de sexe et de genre en permettant aux femmes de s’émanciper de la domination masculine de maniére plus efficace que l’illusoire indépendance économique liée au salariat : les femmes au travail c’est 85% des emplois partiels contraints et précaires avec des revenus au dessous du seuil de pauvreté et une double voire triple journée de travail domestique avec pour récompense la perspective d’une retraite au minimum vieillesse 85% aussi ).

Sans compter que cela libérerait les hommes de l’aliénante représentation du male pourvoyeur des revenus du ménage.

Et sans doute est ce au nom de la construction personnelle et du principe d’individuation que de nombreux acteurs du mouvement psychanalytique ont défendu ce concept.

L’Idée de Revenu Inconditionnel doit ouvrir un champ de réflexion sur deux notions qui en sont inséparables : la notion de gratuité et la notion de décence.

La reconnaissance de la décence comme critére de la citoyenneté implique que le Revenu Inconditionnel soit suffisamment élevé pour permettre de mener une vie décente.
Il ne peut consister en un Revenu Minimum, qui ne dispensera pas d’accepter n’importe quel travail de complément à n’importe quelles conditions, et restera dans la logique d’incitation à l’emploi.
Dans ces conditions un revenu minimum ne permettra pas une réelle autonomie et constitue une demi mesure qui en fin de compte ne résoudra rien.( sans compter de nombreux effets pervers ).
Il est en effet possible d’élucubrer à l’infini sur ce qui constitue une vie décente , il n’en reste pas moins vrai qu’en dessous d’un certain seuil de revenu, l’existence n’est tout simplement pas possible...et pour étre réellement porteur d’émancipation sociale la Revenu Inconditionnel doit représenter l’équivalent du SMIC.

La forme de distribution reste à déterminer soit elle est intégralement monétaire, soit elle est monétaire avec un droit d’accès gratuit à des services publics et des bien communs ( eau, énergies, transports).

À l’association PAG nous ne pouvons nier que le Revenu Inconditionnel suscite souvent une opposition de principe parfois virulente et passionnée, tant à gauche qu’à droite et crée un malaise chez tous ceux qui ont peine à penser hors des repères de la politique traditionnelle.

C’est une proposition exigeante qui sollicite un grand effort de dépassement moral et intellectuel et qui éclaire d’un jour nouveau les idéaux de justice, De solidarité et de liberté.

L’histoire du Revenu Inconditionnel c’est la quête obstinée du Droit contre l’arbitraire et l’aléatoire de la charité.

Allons nous rester longtemps, bien au chaud dans nos pantoufles et dans notre bonne conscience, au nom d’un idéal de « gauche » de plein emploi complètement obsolète refuser d’envisager cette utopie concrète ???

Marina CASALEGNO

http://www.pag69.org/article.php3?id_article=739

 

Messages

  • Il est grand temps de se rendre compte que tout cela est récent (un peu plus d’un siècle) et par conséquent qu’il est tout-à-fait possible de voir les choses autrement.
    Lisez et méditez le texte suivant. Tout est dit !

    Loisir et oisiveté.

    Il y a une barbarie propre au sang « peau-rouge » dans la soif de l’or chez les Américains : et leur hâte sans répit au travail, ‑ le vice proprement dit du Nouveau Monde ‑ déjà commence à barbariser par contamination la vieille Europe et à y répandre une stérilité de l’esprit tout à fait extraordinaire.

    Dès maintenant on y a honte du repos : la longue méditation provoque presque des remords. On ne pense plus autrement que montre en main, comme on déjeune, le regard fixé sur les bulletins de la Bourse ‑ on vit comme quelqu’un qui sans cesse « pourrait rater » quelque chose.

    « Faire n’importe quoi plutôt que rien » ‑ ce principe aussi est une corde propre à étrangler toute culture et tout goût supérieurs. Et de même que visiblement toutes les formes périssent à cette hâte des gens qui travaillent, de même aussi périssent le sentiment de la forme en soi, l’ouïe et le regard pour la mélodie du mouvement.
    La preuve en est cette grossière précision, que l’on exige partout à présent dans toutes les situations où l’homme pour une fois voudrait être probe avec les hommes, dans les contacts avec les amis, les femmes, les parents, les enfants, les maîtres, les élèves, les chefs et les princes ‑ on n’a plus de temps ni de force pour des manières cérémonieuses, pour de la courtoisie avec des détours, pour tout l’esprit de la conversation et pour tout otium* en général.

    Car la vie à la chasse du gain contraint sans cesse à dépenser son esprit jusqu’à épuisement alors que l’on est constamment préoccupé de dissimuler, de ruser ou de prendre l’avantage : la véritable vertu, à présent, c’est d’exécuter quelque chose en moins de temps que ne le ferait un autre.
    Et de la sorte, il ne reste que rarement des heures où la probité serait permise : mais à pareilles heures on se trouve las et l’on désire non seulement pouvoir se « laisser aller », mais aussi s’étendre largement et lourdement.

    C’est conformément à cette pente que l’on rédige maintenant ses lettres : le style et l’esprit des lettres seront toujours le « signe du temps ».
    S’il est encore quelque plaisir à la vie de société et aux arts, ils sont du genre de ceux que se réservent des esclaves abrutis par les corvées.
    Quelle affliction que cette modestie de la « joie » chez nos gens cultivés et incultes ! Quelle affliction que cette suspicion croissante à l’égard de toute joie !

    Le travail est désormais assuré d’avoir la bonne conscience de son côté : la propension à la joie se nomme déjà « besoin de repos » et commence à se ressentir comme un sujet de honte.

    « Il faut bien songer à sa santé » ‑ ainsi s’excuse-t-on lorsqu’on est pris en flagrant délit de partie de campagne.
    Oui, il se pourrait bien qu’on en vînt à ne point céder à un penchant pour la vita contemplativa (c’est-à-dire pour aller se promener avec ses pensées et ses amis) sans mauvaise conscience et mépris de soi-même.
    ‑ Eh bien ! autrefois, c’était tout le contraire : c’était le travail qui portait le poids de la mauvaise conscience. Un homme de noble origine cachait son travail, quand la nécessité le contraignait à travailler. L’esclave travaillait obsédé par le sentiment de faire quelque chose de méprisable en soi : ‑ le « faire » lui-même était quelque chose de méprisable. « La noblesse et l’honneur sont seuls admis à l’otium et au bellum » : voilà ce que proclamait la voix du préjugé antique !

    Friedrich Nietzsche, Le gai savoir (1882) - § 329

    Notez bien la date : 1882 !

    *Otium : le loisir, dans le sens du développement de soi (ou quelque chose de ce genre). Le contraire c’est le negotium => le négoce !

    • Certes il ne s’agit pas de se soumettre pour produire n’importe quoi n’importe comment. Encore que pour vivre on n’a pas le choix ; on = ceux et celles qui n’ont que leur force de travail pour vivre.

      Par ailleurs chacun doit participer à la production sociale de l’existence. Nul n’en est exempt. Cette participation ne suppose pas de posséder une capacité supérieure en terme d’intensité . Elle suppose de produire sa part et donc de combattre le chômage, la smicardisation des salaires, pour la formation qualifiante. Elle suppose aussi une réduction drastique du temps de travail lié à la redistribution des richesses captées par le capital ( le capital financier mais pas seulement).

      CD

      Un lien ancien :
      Une allocation universelle garantirait-elle une meilleure justice sociale ? par Jean-Marie HARRIBEY
      http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/travail/alloc-univ.pdf

  • Ce texte exprime très bien l’ensemble des questions que soulève cet incontournable défi de savoir quelle réponse pertinente la gauche doit apporter à la pauvreté massive dont souffrent plusieurs millions de personnes en France, un des pays les plus riches du monde où des sommes colossales sont gaspillées chaque jour ( bulle immobilière et autres) et où on supporte malgré tout depuis 20 ans la généralisation de conditions de vie ignobles et de rapports sociaux moyennâgeux.

    Je trouve que la justesse de cet exposé a toutefois un point faible.

    Ce revenu n’a de sens que s’il est redistributif. Il doit être donné à ceux qui en ont besoin c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas du tout ou pas assez de revenus sans être lié à une recherche d’emploi, à des suivis humiliants s’ils sont obligatoires etc...et il ne doit ouvrir aucun droit d’ingérence de l’administration dans la vie des bénéficiaires qui doivent être libres de faire de leur vie ce que bon leur semble sans avoir aucun compte à rendre sauf à être, comme tous les autres citoyens, tenus de déclarer leurs revenus.

    Cette mesure est loin d’être fantaisiste ou irréaliste. L’argent gaspillé dans les suivis inefficaces et humiliants des allocataires du RMI qui coûtent plus cher que les allocations versées, suffirait à la financer.

    Il faut donc remarquer ceci : l’obstacle n’est pas d’ordre financier. Notre pays a les moyens de sortir immédiatement de la misère tous ses citoyens sans peser le moins du monde sur l’économie, bien au contraire car la détresse humaine a un coût social considérable.

    Il y a un terrible consensus droite-gauche qui s’oppose depuis 20 ans pour de très mauvaises raisons à cette mesure simple qui donnerait aux citoyens un moyen concret de se défendre contre la surexploitation capitaliste.

    Marie Azzaroni

    • "Il doit être donné à ceux qui en ont besoin c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas du tout ou pas assez de revenus"

      Mais il y a beaucoup plus simple : il suffit de le donner à tout le monde, qu’il soit imposable et que l’impôt soit progressif. Du coup, il s’ajoute aux revenus de ceux qui en ont déjà d’autres, et il est récupéré en tout ou partie par le biais de l’impôt. Quant à ceux qui ne disposent que de ce revenu, les calculs montreront qu’ils ne sont pas imposables...
      CQFD !

    • "Il doit être donné à ceux qui en ont besoin c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas du tout ou pas assez de revenus"

      Il serait bon de preciser a tous ceux qui en ont besoin :

      Chomeurs, precaires, intermittants, etudiants, retraités, familles monoparentales, paysans ; travailleurs independants ou a temps partiel, malades, handicapés,jeunes et meme lyceens etc

      et que ce revenu soit garanti, indexé et insaisissable

  • Il ne faut pas subordonner ce droit à une autre réforme qui reporterait sa création aux calendes grecques.

    Malgré son évidente nécessité, son coût modique, sa simplicité, ses détracteurs ont déjà assez de mauvais prétextes pour l’évincer du débat public.

    Il ne faut évidemment pas non plus qu’il serve à supprimer d’autres droits sociaux ou le code du travail.
    Au contraire, c’est un socle minimal garanti par notre (défunte) constitution.

    Le conditionner à une réforme des impôts, à une cotisation sociale, c’est déjà compliquer les choses.

    Il faut le faire tout de suite, avec l’argent qui sert à humilier les chômeurs et à leur faire accepter des emplois dans des conditions qui font baisser le coût du travail et le niveau de vie de tout le monde.

    Les stratégies qui devaient nous permettre de créer un rapport de force par la revendication du plein emploi nous ont menés à la débâcle actuelle.

    On pourrait peut-être essayer autre chose ?

    M.A