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Le gouvernement Fillon « détricote » les 35 heures

Publie le jeudi 20 décembre 2007 par Open-Publishing
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Monde (tribune de genève)

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Le gouvernement Fillon « détricote » les 35 heures
FRANCE | 00h05 Faute de pouvoir agir sur la durée légale du travail, le pouvoir encourage les heures supplémentaires et le rachat des RTT. Au prix d’une certaine confusion.

Un « oui franc et massif », presque un plébiscite : une large majorité des 1300 salariés de l’usine lorraine de Continental a renoncé aux 35 heures de travail hebdomadaire. Entre dimanche dernier et mardi, les trois quarts d’entre eux ont voté en faveur du retour aux 40 heures et du rachat de deux à dix jours de RTT (Réduction du temps de travail).

Participation massive
Participation massive et réponse sans appel : le référendum a été salué comme une victoire par la direction du site, qui a annoncé la production de 200 000 pneus supplémentaires par an à partir du mois d’avril prochain. L’ajustement permettra à l’usine d’améliorer sa productivité et de mieux résister à la concurrence des pays émergents : « Nous n’avons pas le choix », a expliqué le directeur de l’établissement. Les salariés non plus. Refuser le plan de la direction, c’était prendre le risque d’une fermeture accélérée de l’usine.

Le scrutin annonce-t-il une évolution inéluctable ? L’exception française est-elle sur ce point en voie de disparition ? C’est ce que le pouvoir actuel souhaite faire savoir : « La France n’est plus le pays des 35 heures », assure le premier ministre François Fillon.

La réalité est plus complexe. Depuis plusieurs années, les gouvernements conservateurs se sont « livrés à un lent travail de sape », estime Denis Boissard, directeur des rédactions de Liaisons sociales. L’exercice consistait chaque fois à concevoir des assouplissements qui permettent aux entreprises de faire travailler les salariés plus longtemps. Telle est encore la logique qui sous-tend la loi votée au mois d’août dernier et le projet en cours de discussion à l’Assemblée nationale.

La stratégie arrêtée encourage le rachat des RTT et le recours aux heures supplémentaires. Problème : l’augmentation de la charge de travail ne se décrète pas. Pour l’opposition socialiste, le dispositif échafaudé tient plutôt d’une « usine à gaz » coûteuse et peu efficace.

La confusion qui en résulte tient à une réforme inachevée. Soucieux de préserver un « acquis social », le gouvernement n’a pas voulu remettre en cause la durée légale du travail. « Les 35 heures ont la vie dure », note Denis Boissard, en relevant -notamment l’attachement des cadres et celui des grosses entreprises, qui ont pu obtenir en contrepartie allégement de charges et flexibilité accrue des -horaires.

Or le bilan des lois Aubry est de plus en plus controversé. Le partage du travail repose sur une conception statique de l’économie que la croissance mondiale n’a cessé de démentir. Faute de relais européen, les 35 heures ont pesé à la fois sur les salaires et sur la compétitivité du pays. Leur mise en place a constitué « une erreur majeure de politique économique et sociale », écrit dans Libération Thomas Piketty, un économiste proche des socialistes.

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    INTERNATIONAL
    Le Temps I International I Article

    Sarkozy donne un coup de barre à gauche sur le terrain miné des réformes économiques

    FRANCE. Le président adopte un discours plus social et demande « une meilleure répartition des richesses ».

    Sylvain Besson, Paris
    Jeudi 20 décembre 2007

    Retour aux choses sérieuses pour Nicolas Sarkozy. Après une séquence marquée par un épisode embarrassant (la visite de Mouammar Kadhafi) et un autre plus léger (sa romance avec Carla Bruni), le président français a prononcé mercredi un discours présenté comme décisif : « Le moment d’explication des réformes, c’est maintenant », assurait-on à l’Elysée.

    C’est que l’impatience grandit, dans les milieux d’affaires, devant l’absence d’un « plan économique » - promis, mais jamais concrétisé - qui décrirait les mesures que le chef de l’Etat envisage pour rendre la France plus compétitive. « Peu de réformes ont pu, en moins de huit mois, être conduites à leur terme, écrit Philippe Manière, directeur de l’Institut Montaigne, un think tank libéral. C’est normal. Mais c’est dire combien les attentes, nos attentes sont importantes pour 2008... »

    Laurence Parisot, chef de file du patronat français, a exprimé ses craintes dans un style typiquement alambiqué : « Je crois que si la direction est bonne, si le rythme est celui qu’il faut avoir, je crois que le comment, et le comment dans la clarté, le comment dans la lisibilité, c’est quelque chose qu’il convient de travailler à tous les niveaux décisionnaires de notre pays. » Moins diplomate, le député de droite dissident François Goulard estime que Nicolas Sarkozy et son gouvernement n’ont réalisé « aucune réforme décisive » en sept mois de pouvoir.

    Face aux critiques, Nicolas Sarkozy revendique quelques succès : des baisses d’impôts, l’assouplissement des 35 heures, l’abolition des régimes spéciaux de retraite. Mercredi, il a dévoilé un nouveau paquet de mesures dont l’horizon temporel se limite aux prochains mois. La plus importante est la réforme du droit du travail. Compliqué et rigide, il est considéré par les économistes comme une cause majeure du taux de chômage élevé (7,9% aujourd’hui) que connaît la France depuis bientôt trente ans.

    Or, dans ce domaine crucial, le président n’a rien annoncé de concret : il laisse les syndicats et le patronat poursuivre leurs négociations jusqu’au 15 janvier. Si aucun accord ne se dessine, le gouvernement légiférera pour offrir « des sécurités nouvelles et plus de mobilité » aux salariés et aux entreprises. Mais le contour précis de la réforme reste à définir.

    Second sujet délicat : la modernisation des syndicats. Faiblement représentatifs, ils sont aujourd’hui régis par une loi de 1884 qui leur permet de conserver une totale opacité financière. Cinq organisations (CGT, FO, CFDT, CFTC et CGC) sont avantagées lors des élections professionnelles en raison de leur « attitude patriotique » durant l’occupation allemande. Ces règles « obsolètes » devront « évoluer » d’ici au mois de mars, après consultation des syndicats, demande Nicolas Sarkozy.

    Le président s’est aussi permis un coup de barre à gauche très inhabituel. Réclamant « une meilleure répartition des richesses », il a demandé aux entreprises d’offrir des contreparties aux allégements de charges (évalués à 20milliards d’euros) consentis chaque année par l’Etat sur les bas salaires. « Il faut que les entreprises se soucient des salaires de tous et pas seulement des stock-options de quelques-unes, a-t-il lancé. Il faut que les entreprises qui font plus de profits distribuent aussi plus de salaires. » Durant la campagne présidentielle, le thème de l’iniquité des allégements de charge avait été martelé avec succès par... Olivier Besancenot.

    Libéraux et milieux patronaux risquent de goûter modérément ce nouveau discours. Mais les conseillers de Nicolas Sarkozy pensent être sur la bonne voie. Cette semaine, les employés de l’usine de pneus Continental de Sarreguemines (nord-est) ont voté à 75% le retour aux 40 heures de travail hebdomadaire, une forme de plébiscite pour le slogan présidentiel « travailler plus pour gagner plus ». « Je trouve que ça va très vite », explique un proche du chef de l’Etat en parlant des réformes. Selon un sondage publié mardi, 79% des Français jugent leur rythme trop rapide ou convenable, contre seulement 19% qui le trouvent trop lent.