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Le juppéisme et Bordeaux

Publie le jeudi 31 août 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

par Arnaud Mouillard

Le successeur d’Alain Juppé à l’Hôtel de ville de Bordeaux, le député-maire UMP Hugues Martin, a annoncé la démission collective et unanime de son équipe (UMP-UDF), entraînant ainsi une élection municipale anticipée. Celle-ci ouvre la voie au retour sur la scène politique locale de l’ancien Premier ministre après son exil québécois.

Après sa condamnation en appel le 1er décembre 2004 à 14 de prison avec sursis et 1 an d’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs du RPR, Alain Juppé a donc la possibilité de retrouver son fauteuil de maire de Bordeaux et de député grâce à la démission De la majorité municipal.

Vive la démocratie !

Témoignage du Bordelais Adrien Dassance (PS) sur le juppéisme et Bordeaux :

Lorsque, parachuté face à un Jacques Valade dépité de ne pas être tête de liste RPR, Alain Juppé a succédé à Jacques Chaban-Delmas comme maire de Bordeaux, il lui fut aisé de contenter les Bordelais. Il lui suffisait en effet d’agir un minimum, par contraste avec Chaban. C’est ainsi qu’en 2001 - élections municipales dont la "vague bleue" préfigurait le désastre de 2002 -, Alain Juppé a été réélu dès le premier tour.

N’ayant emménagé à Bordeaux qu’en 2005, je ne peux pas "témoigner" de la politique juppéiste passée. Mais la situation actuelle, savamment entretenue par son fidèle successeur Hugues Martin, en découle directement.

Commençons par le tramway - une initiative louable, mais dont on oublie la face cachée. Ainsi le choix du tramway avec une alimentation par le sol : après plusieurs années, les pannes sont encore régulières. Pourquoi avoir fait de Bordeaux le cobaye d’une technologie imparfaite ? Pour sembler un maire novateur - ce qui relève à la fois du snobisme et du gaspillage budgétaire. Mais peu importe par rapport à l’exploitation informelle de sans-papiers roms pour accélérer l’avancement des travaux. Quand on sait à quel point est grande la misère de nombreuses personnes en situation régulière à Bordeaux (comme ailleurs), l’on se doute des conditions ignobles auxquelles ces gens étaient réduits.

Voilà justement un autre "sujet qui fâche" : le "village andalou" - bidonville loué par la mairie de Bordeaux à des familles gitanes. Ces dernières, qui payaient plusieurs milliers de francs par mois pour vivre dans cette ancienne décharge transformée en ghetto insalubre, souffraient de saturnisme.

Plus généralement, la politique immobilière d’Alain Juppé puis d’Hugues Martin a aggravé les inégalités. Ce dernier ose même qualifier les hôtels de marchands de sommeils de "logements sociaux de fait" ! - dans lesquels vivent 70% des allocataires bordelais du RMI. En vérité, la ville ne compte que 14,9% de logements sociaux réels (au lieu des 20% imposés par la loi SRU), majoritairement regroupés dans des quartiers "pour pauvres", notamment à Bordeaux-Nord (50% des habitations conventionnées). Lors d’un débat MJS-PS sur le logement social, un intervenant a souligné qu’il faudrait 30 ans pour rattraper le retard actuel - qui, si Juppé est réélu, se creusera sans doute. Sous prétexte "d’embellissement" et de "reconquête d’une zone de non-droit", la municipalité UMP cherche à expulser du centre-ville vers la périphérie les classes moyennes et ouvrières.

C’est ainsi que le quartier Saint-Michel se trouve dans le collimateur de la mairie, qui veut en faire "un quartier qui monte qui monte" (sic), et dont les habitants vivent souvent d’allocations et de petites combines - faute mieux. C’est dans ce contexte que le marché des Capucins, placé au cœur du quartier, a été concédé au Groupe Géraud : les tarifs d’occupation pour les commerçants, excessifs, ont conduit à l’abandon de nombreux étals.

Autre mesure de "chasse aux pauvres" : l’arrêté anti-bivouac de 2002 (définitivement annulé par la cour administrative d’appel en 2004), qui interdisait "sauf autorisation spéciale, toutes occupations abusées et prolongées des rues [...] accompagnées ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants, lorsqu’elles sont de nature à entraver la libre circulation des personnes ou à porter atteinte à la tranquillité et au bon ordre public, [ainsi que] la station assise ou allongée lorsqu’elle constitue une entrave à la circulation" - bref : interdiction d’être SDF dans le centre-ville ou d’être un groupe d’amis vaquant dans une rue...

L’on commémorait il y a quelques jours l’expulsion de l’église Saint-Bernard, occupée par des sans-papiers, sous le gouvernement Juppé. En revanche, Juppé a attribué l’église Saint-Eloi de Bordeaux à une association liée à la Fraternité Saint-Pie X, mouvement catholique si intégriste (fasciste selon certains) que le Pape l’a excommunié en 1988 ! Malgré une décision de justice en décembre 2002, puis enfin du Conseil Municipal en juillet 2004, Saint-Eloi est toujours occupée.

Achevons là cette litanie de casseroles... que l’on pourrait pourtant prolonger longuement. La politique bordelaise d’Alain Juppé et de ses collaborateurs tient en trois mots : réactionnaire, autoritaire et antisociale.
Pour plus de détails, l’on peut consulter avec profit les sites suivants :

http://bordeaux.juppe.free.fr

http://jacques-respaud-2006.over-bl... (pour les communiqués de presse notamment) http://www.cequilfautdetruire.org/article.php3?id_article=497]

http://www.mjs33.net (les rubriques "actualité" et "revue de presse")

http://membres-lycos.fr/bordeauxghetto

http://stelax.canalblog.com (attention : ce blog n’est pas signé et j’ignore s’il l’on peut s’y fier)

Messages

  • J’adhère complètement aux faits rapportés.
    Juppé, à l’inverse de Chaban, n’est pas le maire idéal pour Bordeaux. Il n’a jamais compris la particularité de cette ville, lié sans doute à son manque d’intuition, ou de sensibilité (ou les deux). Avant les travaux du tramway, les prix des maisons en pierre taillée étaient abordables, même pour des petits salaires. Aujourd’hui les prix ont tellement grimpé, que les ménages modestes sont refoulés à la périphérie, dans la banlieue bordelaise. Du coup Bordeaux ne sera plus qu’une affaire de riches et de commerces. Une autre particularité, si vous passez par la place de la Victoire aux nombreux bars, vous ne trouverez que des étudiants, les personnes âgées se faisant rares.
    On voit peu le mélange des générations. Tout l’équilibre qui existait depuis des siècles entre riches et pauvres, a été fichu par terre par les choix politiques de Juppé. La ville est en train d’être à son image, froide, sectaire et hautaine. Berk, berk.

    • A propos du tram : je trouve que les bordelais sont bien patients ; quand on voit la queue de taxis de voitures d’entrepruses et surtout de camions de livraisons sur le pont de pierre tous les jours. C’et bien la ou on retrouve le caractere autoritaire de ceux qui décident, dissuader les bordelais de prendre la voiture pourquoi pas , mais au moins faciliter le minimum de circulation vitale sans quoi c’est l’axphyxie. Avec la meme depense on aurait pu faire des echangeurs plus performants aux 2 bouts du pont de pierre il suffisait d’écouter les avis de tout le monde et surtout des bureaux d’études.