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Le ministre confisque le micro,la prise de parole des intermittents négligée par de Vabre
Publie le mardi 18 juillet 2006 par Open-Publishing1 commentaire
Mardi 18 juillet 2006 - 06:00
Et le ministère de la Culture inventa la délocalisation des
spectateurs... Il est 1 heure du matin dans le jardin des Doms, la
promenade qui surplombe le palais des Papes, et on patiente. Tous les
quarts d’heure, un petit groupe est invité à s’enfoncer dans les
bosquets. Arrêt quelques mètres plus loin ; une partie des précédents
spectateurs piétine encore sur place. Ça repart. « Pas plus de six
personnes à la fois », annonce une voix dans la pénombre. A ce petit
jeu, les resquilleurs professionnels ont l’avantage. D’autres
préfèrent arrêter les frais quand ils voient un nouveau groupe les
rejoindre.
Le parcours s’appelle Cinq minutes avant l’aube, et constitue la
première étape des « Vingt-Quatre heures pour célébrer soixante années
de décentralisation théâtrale » (sic), journée organisée par le
ministère de la Culture. De minuit à 5 heures du matin, trente
acteurs, couchés sur un lit, assis sur un banc ou cachés derrière un
arbre, ont livré autant de textes à un seul spectateur à la fois.
L’idée d’un spectacle en tête à tête n’est pas nouvelle. On citera,
ces dernières années à Avignon, les extravagants Champs d’expérience,
menés par la compagnie Ilotopie, ou l’épatant Embouteillage, conçu
par Anne-Laure Liégeois. Le spectacle du jardin des Doms est loin
d’avoir la même maîtrise dans la gestion des files. Surtout, il
semble manquer cruellement de sens. Textes inégaux et promiscuité mal
pensée, les trois arrêts théâtre dans le jardin n’enchantent guère
que les ravis des étoiles. On ressort sans regrets, vaguement mal à
l’aise. Et l’on se souvient : il s’agissait de fêter la
décentralisation théâtrale. Avec un spectacle qui tord le cou à
l’idée de public collectif et transforme les spectateurs en
consommateurs individuels : une ode au libéralisme aux allures
d’oraison funèbre. Cynisme ou naïveté ?
Gros bras. A 9 h 30, le soleil tape déjà dur sur le potager du palais
des Papes, au-dessus du Verger. A la seconde où Renaud Donnedieu de
Vabres prend la parole, une irréductible sonne la charge : « Monsieur
le ministre, je ne veux pas que vous parliez... » Aussitôt, des gros
bras la serrent de près, sans parvenir à la faire taire. Et les deux
orateurs poursuivent sans s’écouter un monologue où le politique a
l’avantage du micro, mais pas celui de la conviction. Cet incident
n’annonce pas l’irruption intempestive des intermittents. Tout est
déjà négocié : c’est à midi qu’ils viendront se faire entendre.
Stoïque sous les hommages, les ambiguïtés et la chaleur, Gabriel
Monnet, fondateur de la maison de la culture de Bourges sous Malraux
et parrain du rassemblement organisé par le ministère, ouvre les
festivités : une journée de tables rondes, de diffusions de films et
d’archives sonores, pour célébrer la nomination, en 1946 par Jeanne
Laurent, du premier directeur d’un centre dramatique. Monnet n’a rien
d’un nostalgique : passion des mots et rage intacte, il livre une
étourdissante leçon de jeunesse.
Pour le reste, la manif tient de l’embaumement soigné et du baiser du
cobra. Depuis des années, les crédits des centres dramatiques
stagnent, l’Etat abandonne le terrain aux élus locaux, et il y a
longtemps que les politiques ont délaissé les discours sur l’art et
les artistes pour un populisme plus ou moins déguisé.
Midi, rue de la République. Trois ans après, la grande colère de 2003
est en lambeaux. Contrairement aux promesses du ministre, rien n’est
pourtant réglé : pas de nouveau protocole d’assurance chômage. Mais
la réalité a imposé sa loi. Ceux qui travaillent régulièrement ont vu
leurs revenus progresser, alors que les plus fragiles ont été éjectés
du système. La société à deux vitesses s’est imposée au monde du
spectacle. « Moins de chômeurs ? Plus de pauvres », dit une pancarte.
500 personnes remontent la rue derrière les banderoles syndicales :
« RDDV, comme imposteur, tu restes le meilleur », ou « RDDV, tu nous
prends pour des cons, tu ressembles à Aillagon ».
« Tomates ». A l’entrée du Verger, un cordeau de policiers suffit à les
contenir. Le ministre a eu le temps de s’éclipser, quittant
précipitamment une table ronde. « Le ministre ne tient aucun de ses
engagements, lance alors Marc Slyper, l’un des responsables de la
fédération CGT du spectacle, qui avait appelé à la manifestation avec
FO et SUD. Le dossier devait être réglé au 1er janvier dernier, ce
n’est pas le cas. » Un orateur appelle à lui réserver, dans les
festivals, « des jets de tomates intempestifs ». Hier soir, quelques
compagnies devaient être en grève, mais la plupart avaient préféré
une prise de parole avant le spectacle.
« Une journée particulière » : c’est ainsi que le ministère avait
choisi d’intituler l’ensemble des cérémonies, en référence sans doute
au film d’Ettore Scola qui se déroule sur fond de défilé fasciste.
Humour noir
Messages
1. > Le ministre confisque le micro,la prise de parole des intermittents négligée par de Vabre, 18 juillet 2006, 18:32
Eva Joly :“... la France soit le seul pays au monde à avoir nommé ministre une personne condamnée pour blanchiment (le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres...).