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Le « miracle chinois » : exploitation sauvage et inégalités croissantes

Publie le jeudi 12 juillet 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

La légalisation de la propriété privée par 2799 des 3000 députés de l’Assemblée Nationale Populaire, en mars dernier, n’est rien de plus qu’une expression juridique de la culmination du processus de restauration du capitalisme, en Chine. Comme Marx l’écrivait en 1875, le droit d’une société ne peut jamais être plus avancé que sa structure économique et son développement culturel correspondant. Trois décennies après que Deng Xiaoping a lancé les premières réformes pro-capitalistes, le monopole du commerce extérieur et la prédominance du secteur nationalisé ont été abolis. Les bases de la planification ont été détruites. Les entreprises décisives de l’économie chinoise organisent leur production suivant les lois de la concurrence, sur un marché régulé par l’offre et la demande. Désormais, selon la Fédération des Industries et du Commerce Chinois, 65% du PIB relève du secteur privé.

Malgré cela, les dirigeants du PC Chinois continuent de se réclamer du socialisme – tout en légitimant la propriété privée des moyens de production, et tout en invitant les capitalistes à rejoindre le parti. Il y a même des « théoriciens », en dehors de la Chine, qui se veulent « anti-capitalistes » (et même « socialistes »), et qui approuvent une telle aberration.

Il est indispensable que les militants communistes comprennent ce qui se passe en Chine, et qu’ils en tirent les leçons politiques. La « voie chinoise » ne mène pas au socialisme. Au contraire, il s’agit d’un avertissement très sérieux, notamment pour la révolution cubaine. A l’intérieur comme à l’extérieur de Cuba, des voix s’élèvent pour vanter l’ouverture au capital, et citent les « succès » du régime chinois en la matière. En fait de « succès », les conditions de vie, en Chine, montrent que la restauration du capitalisme s’accompagne d’un développement monstrueux des inégalités sociales. Une petite minorité de la population accumule des fortunes indécentes, cependant que la grande majorité souffre de la misère. Les inégalités se développent également entre la ville et la campagne et entre différentes régions du pays. Tel est le trait dominant de la prétendue « voie chinoise ».

D’après les chiffres de la Banque Mondiale, le différentiel de revenus, entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres, est passé de 6,5 en 1990 à 10,6 en 2001, ce qui fait de la Chine le pays le plus inégalitaire de toute l’Asie. Depuis 2001, ce processus s’est clairement poursuivi. Par ailleurs, entre 1990 et 2001, la part des richesses nationales détenue par les 10% les plus riches est passée de 24,6 à 33,1%. La Chine est désormais le plus grand marché au monde pour les produits de luxe, cependant que 170 millions de Chinois vivent avec moins d’un dollar par jour.

Vivre dans la campagne est quasiment synonyme de pauvreté. Les revenus des 900 millions de Chinois qui vivent dans les zones rurales – soit quelques 60% de la population – sont trois fois moins importants que ceux des zones urbaines. Cela ne signifie pas pour autant que la masse de la population des villes jouit d’une bonne situation. Certes, une petite-bourgeoisie se développe dans les villes – et c’est la base sociale de la contre-révolution –, mais la grande majorité des travailleurs vivent dans des conditions extrêmement dures.

Dans les villes, la privatisation des entreprises publiques s’est traduite par une destruction d’emplois massive. Entre 1995 et 1999, 15 millions d’emplois du secteur public ont disparu. Pour les années à venir, de nombreux économistes annoncent quelques 100 millions d’empois en moins dans ce qui reste des industries nationalisées. Dans le même temps, des millions de travailleurs ont été embauchés dans des milliers d’entreprises privées, où ils subissent des conditions d’exploitation extrêmes. La journée de 12 heures est courante dans l’industrie des jouets et du textile, où les salaires sont misérables et les droits syndicaux inexistants. Nombre de travailleurs vivent sur leurs lieux de travail, où ils sont obligés de payer leur logement et leur nourriture à leur employeur.

Au cause du démantèlement de la santé publique – qui figurait parmi les acquis les plus importants de la révolution de 1949 – le fait d’aller chez un docteur ou à l’hôpital est désormais un privilège réservé à ceux qui peuvent payer. Différents journaux chinois ont rendu public le fait qu’à peine 25% de la population urbaine et 10% de la population rurale jouissent d’une assurance maladie, ce qui place la Chine en quatrième position des pays les plus inégalitaires au monde en matière d’accès à la santé (derrière le Brésil, la Birmanie et le Sierra Leone).

En ce qui concerne le niveau de l’éducation, dont la privatisation s’est effectuée à grande vitesse, il suffit de dire qu’en 2004 le gouvernement a dû lancer une campagne pour rendre obligatoire la scolarisation jusqu’à l’âge de 9 ans et pour éradiquer l’illettrisme dans la jeunesse.

La qualité de l’air et de l’eau s’est considérablement dégradée. La contamination des rivières et des lacs est si grave, en particulier dans le nord du pays, qu’au moins 60 millions de personnes ont du mal à se procurer des quantités suffisantes d’eau potable. La Chine a également le triste privilège de compter 16 des 20 villes les plus polluées au monde.

Les conditions de vie de la classe ouvrière chinoise rappellent celle des travailleurs britanniques que décrivait Engels, au XIXe siècle. 80% de tous les accidents miniers mortels, dans le monde, ont lieu en Chine. En 1991, 80 000 travailleurs sont morts dans des accidents du travail. En 2003, le chiffre dépassait les 440 000. Chez les Chinois de 20 à 35 ans, le suicide est la première cause de mortalité. Chaque année, il y a 250 000 suicides et 2,5 à 3,5 millions de tentatives de suicide.

Au final, la Chine n’est pas une société heureuse et stable, mais l’arène d’un capitalisme sauvage qui exploite les masses exactement de la même façon qu’avant la révolution de 1949, lorsque le pays était sous le contrôle de plusieurs puissances coloniales.

Tel est le tragique bilan de la restauration de la propriété privée des moyens de production. Certes, les réformes ont permis au PIB de croître de 9% par an au cours des deux dernières décennies. Les capitalistes américains et européens ont réalisé d’énormes profits en investissant massivement en Chine. Mais si la Chine est devenue un paradis pour capitalistes, elle est en même temps un enfer pour la masse des exploités.

Ce long processus de restauration capitaliste a été fermement mené par la bureaucratie stalinienne et les dirigeants du soit-disant Parti Communiste Chinois, lesquels ne se sont pas contentés d’être les principaux agents de cette contre-révolution : ils se sont eux-mêmes, en grande partie, transformés en propriétaires capitalistes. Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, qu’ils demandent à la loi de reconnaître et de protéger leurs droits de capitalistes !

La Chine est entrée dans une période convulsive de son histoire. La paysannerie et la classe ouvrière chinoises ont des traditions révolutionnaires exceptionnelles. Par la passé, elles ont écrit parmi les plus belles pages de l’histoire de la lutte des classes. En 1949, le capitalisme chinois n’a pu résister à la vague de la révolution. Et tôt ou tard, une nouvelle vague révolutionnaire balayera la Chine et le monstrueux capitalisme auquel la bureaucratie stalinienne a ouvert la voie.

http://ulrichsavary.gauchepopulaire.fr/

http://enavantlepcf.all-forum.net/

Messages

  • Et si les dirigeant "staliniens" chinois s’étaient apperçus que le socialisme ne pouvait venir qu’aprés le capitalisme ?

    Parceque, soyons clair, la situation du chinois moyen en 2007 n’est pas pire qu’à l’époque de Mao ; Et les forces productives chinoises sont infiniment plus puissantes, constituant un potentiel révolutionnaire colossal dont on peut, évidemment, se demander si le PCC peut correctement le conduire !

    CN46400

  • Accord discret entre MEDEF et syndicats...

    jeudi 12 juillet 2007 par Luc Douillard

    ...pour accompagner délocalisations et dumping social. - “Waterloo” du droit social - Vauvenargues et le smic mondial.

    Sous le titre gourmand « Un accord bien balancé », le Monde daté d’aujourd’hui mardi 10 juillet révèle que le MEDEF et les principaux syndicats français sont parvenus après 18 mois de négociations et 15 réunions confidentielles à un « relevé de discussions », un document « non-papier », c’est à dire à un accord secret (une tradition de « dialogue économique » qui remonterait au Commissariat du Plan de Jean Monnet, tradition réactivée par Laurence Parisot dès son élection à la tête du MEDEF en 2005).
    Que dit cet accord discret, dont la divulgation est laissée à l’appréciation de chaque organisation signataire ? On y parle de la « désindustrialisation », due aux « transferts géographiques des facteurs de production ».

    Si “aucun secteur ne semble a priori condamné, des productions et des métiers peuvent disparaître et d’autres apparaître et se développer, ce qui traduit le phénomène de renouvellement du tissu économique”.

    « Mine de rien, commente avec gourmandise le chroniqueur du Monde, Frédéric Lemaître, les syndicats acceptent donc la théorie schumpeterienne du capitalisme selon laquelle toute innovation technologique crée un phénomène de destruction créatrice. Une théorie qui, poussée à l’extrême, rend vaine toute tentative de sauvegarder les emplois condamnés par le progrès, qu’il s’agisse hier des ouvrières du textile ou demain des caissières de supermarchés. »

    Quelle tristesse de se souvenir que Le Monde fut autrefois un journal sérieux ! Comment peut-on décemment assimiler à un progrès technologique la délocalisation des industries de main d’oeuvre européennes vers les ateliers esclavagistes chinois, qui cousent des chaussures et des t-shirts ? A moins de considérer comme un progrès technologique la sophistication des outils policiers du totalitarisme néo-maoïste pour assujettir sa classe ouvrière, effectivement la plus compétitive du monde capitaliste…

    Mais ce n’est pas tout, comme dans tout accord négocié sans vision par des bureaucraties syndicales coupées de leurs mandants, il faut forcément un aspect plus à gauche afin de leurrer les naïfs. Le MEDEF ne s’est pas fait prier sur ce point, en admettant qu’il faudrait en Europe une « politique industrielle » impulsant des « choix stratégiques » de la part de l’Europe, des Etats et des collectivités territoriales (ce mille-feuilles ne présage d’ailleurs rien de bon.) Plus concrètement, il s’agirait aux partenaires sociaux et aux pouvoirs publics unis sur des objectifs « compétitifs » de conduire une politique de formation permanente, « d’anticiper et d’accompagner la mobilité géographique et professionnelle, et de trouver des réponses adaptées permettant d’associer les salariés aux résultats collectifs. »

    « Anticiper et accompagner » la mobilité des travailleurs, on sait de quelles souffrances sociales cela se paye. Quand à l’intéressement aux résultats, s’agirait-il aussi pour les salariés de s’ « associer » également aux résultats négatifs et aux pertes, lorsqu’ils seront dus aux choix funestes des managers financiers ?

    Derrière tous ces grands mots, il faut aller voir la réalité concrète. Celle-ci éclate dans le même numéro du Monde, dans le cahier « Economie ».

    On y apprend une nouvelle effrayante sur les garanties que nous offre la Cour de justice des communautés européennes (CJCE). Dans un arrêt rendu le 14 juin, celle-ci vient de donner raison au Royaume-Uni qui avait inventé une clause inique pour atténuer la directive-européenne de 1989 sur l’obligation pour les employeurs « d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail. » Les dirigeants anglais ont ajouté « pour autant que cela soit raisonnablement praticable » (des mots soigneusement pesés in english !). La CJCE vient de leur donner raison, suite à une plainte de la Commission européenne. Qu’en pense la Confédération européenne des syndicats (CES) ? Certes, elle déplore, car il s’agit bien d’un « signe d’encouragement » à tous les Etats membres qui souhaiteraient réviser à la baisse leurs législations (d’où le titre éloquent en une du Monde-Economie : « Le Waterloo du droit social »), mais la CES semble déplorer surtout que le Royaume-Uni se soit montré aussi provocateur, alors qu’il aurait suffi de transposer discrètement la directive européenne en la vidant habilement de son contenu. Avec une CES aussi peu combative, les travailleurs et citoyens européens peuvent se faire du souci. Les Chinois aussi.
    .......

    Ruiner les fondements du dumping social mondial, aujourd’hui, ce serait s’attaquer résolument à une campagne internationale pour le « smic mondial », en se confrontant enfin sur le fond des choses avec les médias dominants, en cherchant des alliés stratégiques au sein du tiers-monde (et chez nous également dans le petit patronat français non encore vendu au Parti communiste chinois, c’est à dire indépendant du MEDEF), en interpellant méthodiquement, à force de manifestations, pétitions et grèves de la faim, les enceintes intergouvernementales susceptibles de mettre le smic mondial à l’ordre du jour : Conseils et parlement européens, G8, OMC, ONU et ses agences, notamment le BIT-OIT (Organisation international du travail). Il faut briser le consensus de Washington, en imposant une alternative.

    Il est surprenant que la gauche de la gauche et les milieux altermondialistes ne souhaitent pas encore s’engager sur ce terrain décisif délaissé par la CES. A cet égard, il est significatif que la motion n°9 portant entre autres sur le smic mondial, votée massivement par les adhérents ATTAC au printemps dernier (4184 voix pour, 523 contre) a été ensuite complètement oubliée par les bureaux dirigeants de cette organisation, y compris dans la rédaction de son « Manifeste », qui d’ailleurs a fait pschitt. S’il vous plaît, un peu de courage intellectuel, si nous ne voulons pas ressembler à la CES !

    Si vous souhaitez voir s’amorcer ce combat, n’attendez pas tout de vos dirigeants syndicaux, politiques et associatifs, mais interpellez-les sans relâche. Comme disait Gandhi en son temps : « D’abord, ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, ensuite ils vous combattent et enfin, vous gagnez. » Ce n’est qu’un début.

    on ze webblog : lucky.blog.lemonde.fr

    http://www.altermonde-levillage.com/spip.php?article10847

    • La "compétitivité" de l’économie chinoise est toute relative . Du moins elle est aussi valable à avancer que de comparer les prix du transport routier à ceux du transport ferroviaire ou fluvial. C’est une compétitivité artificielle construite sur une monnaie sous-évaluée et des conditions de reproduction n’incluant pas beaucoup de paramètres (le non respect des travailleurs, la pollution, etc).

      L’arrimage de la monnaie chinoise au dollar (malgré les aménagements de ces deux dernières années) , lequel dollar a chuté de 30 à 40% par rapport à l’euro a été une gouvernance tactique intelligente des exportations par le gouvernement chinois mais mettant en valeur la bêtise des dominants européens en la matière (sauf pour les groupes géants mondiaux) , avec une logique taillée dans un fer dont on ferre les ânes, en matière de monnaie.

      Le capitalisme chinois issu des cadres de la société impériale maoïste continue son ascension, et tire le développement au prix traditionnel du capitalisme : inégalités, violences contre les hommes, violences contre la nature, pots de vins, prodigieuses richesses concentrées, etc...

      Pas mieux mais pas pire que nos sociétés.

      Voir là cette page (indépendamment de l’orientation politique) :

      http://www.questionchine.net/rubrique.php3?id_rubrique=2

      où on apprend les tensions provoquées par des débuts de pénuries de main d’oeuvre dans certaines régions chinoises (attendons-nous à ce que la Chine fasse venir des immigrés de son pourtour national).

      où on apprend que la logique du tout bagnole couplée à la logique de trouver des carburants verts est une impasse car faisant pression sur les autres débouchés de l’agriculture (notamment le marché du porc), rien de neuf sur les travers de notre société

      Il est donc confirmé qu’il faille des batailles de l’internationale à construire, des batailles unificatrices sur les conditions de travail, les salaires et la liberté des travailleurs, en attendant l’auto-gestion.

      Un SMIG mondial, pourquoi pas, combinant une approche qui ne peut être monétaire (car les monnaies n’ont que des cours d’échange pas des cours reflétant des valeurs de bien-être ) mais qui doit être un SMIG de développement humain (logement, nourriture, santé, social, éducation, etc).

      Copas

    • Salut Cop, est-ce que le dollar a gardé un quelconque raport avec l’heure moyenne de travail social aux USA ? Ou a-t’il commencé à etre surévalué à partir de la conférence de Bretton Woods, l’arnaque de la " défense du monde libre ", etc etc ..... Parce que si tu regardes la parité or/dollar, c’est pas mal : de moins de 250 dollars l’once en 2003 AVANT l’Irak, on passe à 750 USD en 2005/2006. Sans compter que de nombreux pays ont commençé à diversifier leur fond de devises, en se débarrassant de leurs dollars pour de l’euro. J’ai bien l’impression qu’on s’en va vers une super-crise de 29, je te dis que ça. Salut. VSB.