Accueil > Le mouvement de résistance la Rose blanche

Le mouvement de résistance la Rose blanche

Publie le mercredi 21 juillet 2004 par Open-Publishing


de Yves
Poncelet


Un petit livre vient de rappeler opportunément quel courage il fallut aux Allemands
pour s’opposer au nazisme : Marie Kahle, Tous les Allemands n’ont pas un coeur
de pierre, Liana Levi, 2001, 128 p. Un autre ouvrage témoigne que la résistance
porta parfois des fruits : Nathan Stoltzfus, La résistance des coeurs, Phébus,
coll. De Facto, 506 p. (sur l’action de femmes allemandes pour faire libérer
leur conjoint).

Cette parution et d’autres attirent notre attention sur le phénomène, somme toute
peu connu en France, de la résistance allemande.

N’y aurait-il pas là un terrain digne et beau commun à l’allemand et à l’histoire,
explorable tant en travaux personnels encadrés que dans les sections européennes
de langue allemande au sein desquelles l’histoire-géographie est la discipline
non linguistique ?

Afin d’en montrer l’intérêt, j’ai choisi de proposer quelques références à un
mouvement et à un corpus de textes bien connus des germanistes, propices à éveiller
l’intérêt des lycéens et illustrant la résistance culturelle, peu évoquée y compris
lorsque nous travaillons sur la France.


Présentation

Le mouvement a une triple caractéristique :

 en apparence, il n’est guère spectaculaire : avoir rédigé et diffusé six tracts entre juin 1942 et février 1943 et avoir écrit des slogans sur les murs de Munich.

 il regroupe de jeunes étudiants chrétiens, dont les motivations premières sont d’ordre religieux et culturel.

Sans que ce fondement s’essouffle, il faut souligner d’emblée que les membres du groupe sont aussi des analystes de la situation internationale, dont l’évolution entre l’été 1942 et février 1943 souligne à leurs yeux l’urgence de mettre fin à la guerre : la terreur totale à l’intérieur et la " guerre totale " à l’extérieur accroissent à un point insupportable le discrédit de l’Allemagne et la menace pour la civilisation occidentale, tandis que la défaite qui se profile peut ouvrir les yeux de leurs concitoyens.

 il bénéficie très tôt d’une forte notoriété : dès juin 1943, Thomas Mann lui rend hommage à la BBC et durant l’été 1943 l’aviation anglaise jette sur le Reich un million d’exemplaires du dernier tract.

Quelle que soit cette notoriété, rappelons que d’autres groupes de jeunes résistants de diverses origines sociales, confessionnelles, politiques et philosophiques ont existé.

Hans Scholl, qui avait 14,5 ans début 1933 et habitait alors Ulm, ne fut d’abord pas insensible à l’arrivée au pouvoir de Hitler. Dans son livre (voir ci-dessous), sa sœur Inge l’explique ainsi :

" On commença à nous parler de patrie, de camaraderie, de communauté populaire et d’amour du pays. Ces notions s’imposaient à nous et nous écoutions, enthousiasmés, ce qu’on en disait à l’école ou dans la rue. Car nous aimions beaucoup notre pays, les bois, les fleuves et les vieux rochers gris qui se dressaient, entre les vergers et les vignes, sur les flancs escarpés de nos montagnes. Il évoquait pour nous une bonne odeur de mousse, de terre humide, et de pommes.

La partie, n’était-ce pas l’ensemble des hommes parlant la même langue et appartenant au même peuple ? Nous l’aimions, sans savoir dire pourquoi. Jusqu’ici, on n’avait jamais eu besoin d’en parler. Et maintenant ce sentiment naturel était le thème, souvent repris, des discours officiels. Nous apprenions que Hitler voulait apporter à l’Allemagne la grandeur et le bien-être qui lui manquaient. Il entendait procurer à chacun du pain et du travail, en donnant à tout Allemand l’indépendance, la liberté et le bonheur. Ce programme nous plaisait, et nous voulions consacrer toutes nos forces à le réaliser.

Autre chose nous séduisit, qui revêtait pour nous une puissance mystérieuse : la jeunesse défilant en rangs serrés, drapeaux flottants, au son des roulements de tambour et des chants. Cette communauté n’avait-elle pas quelque chose d’invincible ? Quoi d’étonnant à ce que Hans, Sophie, et nous tous, nous trouvions bientôt engagés dans la Jeunesse Hitlérienne ? " (p. 22-23).

Mais assez vite, Hans prit ses distances avec le national-socialisme puis rompit, aidé par ses parents, profondément hostiles au régime. Emprisonné un petit moment en 1938, il décida d’opter pour des études médicales et se mit à enrichir ses lectures pour y voir clair. " Il étudia les philosophes anciens, notamment Platon et Socrate. Il lut les premiers penseurs chrétiens, et surtout saint Augustin. Plus tard, il découvrit Pascal. Et les paroles de l’écriture sainte prirent pour lui une signification nouvelle et étonnante, une actualité exceptionnelle. " (Inge Scholl, voir ci-dessous, p. 36-37).

Recevant début 1942 des tracts reproduisant des critiques de l’évêque de Münster, von Galen, à l’encontre du gouvernement, il décida d’entrer dans le courant de résistance par l’écrit.

Sa rencontre et son amitié avec deux étudiants en médecine âgés respectivement de 25 et 23 ans : Alexander Schmorell, fils d’un médecin de Munich, et Christoph Probst, déjà marié et père de famille, l’y aidèrent. Un quatrième étudiant en médecine, Willi Graf, arrêté lui aussi en 1938 pour participation à un groupe catholique actif et qui avait alors 24 ans, les rejoignit. Avec la sœur de Hans, Sophie, née en 1921, et le professeur Huber de l’université de Munich, ils allaient constituer le noyau dur de la Rose blanche.

Tous étaient issus de familles bourgeoises, marquées par le christianisme mais de culture politique variée (libérale chez les Scholl, national-allemande chez les Schmorell par exemple). Tous étaient profondément croyants, mais d’appartenance confessionnelle diverse : protestante pour les Scholl, sans référence particulière à une église pour Probst, orthodoxe pour Schmorell, catholique pour Huber et Graf.

Tout commença en juin 1942. Hans Scholl et Schmorell décidèrent d’appeler à la résistance contre le régime : en quinze jours, ils rédigèrent et diffusèrent quatre tracts, signés la Rose blanche. Ces textes s’adressaient surtout à leurs condisciples étudiants de l’université de Munich, les invitant à une réflexion sur les valeurs et à la révolte contre l’Etat qui les bafouait, les pressant d’assumer leur responsabilité. Plus largement, cette double incitation s’adressait aux intellectuels, comme en témoignait le recours aux autorités classiques de la bourgeoisie cultivée, tel Goethe (voir extrait ci-dessous).

Les tracts furent diffusés de manière artisanale (distribués de main à la main, adressés par la poste, mis dans des boîtes aux lettres, déposés chez des restaurateurs…), surtout par Hans Scholl et Schmorell, aidés de Sophie, de Probst et d’une amie de Hans Traute Lafrenz. Le petit groupe comptait sur la démultiplication par les destinataires. Tout au long, il garda la maîtrise de son action de manière pragmatique.

La seconde phase correspondit à la préparation et à la diffusion du cinquième tract.

Six mois après l’initiative de juin 1942, l’histoire s’était précipitée : la 6e armée se trouvait piégée à Stalingrad et le débarquement d’Afrique du Nord avait eu lieu. Willi Graf avait participé à l’invasion de 1941-1942 et avait été témoin des atrocités qui l’avaient accompagnée. De leur côté, Scholl et Schmorell avaient passé trois mois sur le front russe comme étudiants en médecine, constatant le traitement infligé aux juifs, à la population locale, aux prisonniers soviétiques (d’autant plus aisément que Schmorell parlait le russe).

Tout ceci conduisit le groupe à une double évolution. Tout en restant ancrés dans les fondements éthiques des origines, ses membres adoptèrent une vision globale et des prises de position politiques, nourries d’échanges sur l’aménagement politique et social à mettre en place après guerre : débarrassée du militarisme prussien, l’Allemagne serait fédérale. D’autre part, ils estimèrent qu’il fallait s’adresser plus largement au peuple allemand. Le réseau d’universités où ils avaient des contacts s’étendit : Lafrenz toucha Hambourg, Probst Vienne, Graf Sarrebruck, Stuttgart et Berlin… à Munich, le groupe établit fin novembre des contacts avec le professeur Kurt Huber, croyant convaincu et très estimé des étudiants ; ce dernier allait devenir un élément majeur de la Rose blanche.

C’est en janvier 1943 que le cinquième tract fut rédigé. Il était intitulé Tract du mouvement de résistance en Allemagne, ce qui traduisait les ambitions de ses auteurs. On pense que 6 à 9 000 exemplaires furent diffusés, non sans prendre de grands risques : les Scholl, Graf et Schmorell allèrent jusqu’à en laisser à la gare centrale de Munich, dans les rues, sur les voitures en stationnement… Globalement, c’est le Sud du pays qui était privilégié, tant pour des raisons pratiques que parce qu’il était jugé plus réceptif.

Dans la troisième phase, on en vint en février 1943 à écrire de slogans dans les murs et à rédiger le sixième tract : la défaite catastrophique de Stalingrad bouleversait la donne et les consciences et créait un nouvel élan. Peut-être permettrait-il de dépasser le constat antérieur : à l’issue de chacune des distributions précédentes, le groupe avait été affecté de la modestie de l’écho. Comment se faire entendre ? Les débats étaient vifs à cet égard au sein de la Rose blanche. Par exemple, alors que durant plusieurs nuits de février 1943, Hans Scholl et Schmorell peignirent sur des murs du quartier universitaire " Liberté ", " Hitler massacreur des masses " et " à bas Hitler ", certains de leurs camarades estimèrent cette attitude inutilement dangereuse et d’autres répugnèrent à envisager d’appeler au meurtre - ce à quoi pouvait inciter l’expression à bas Hitler - compte tenu des fondements non violents de leur action.

Le sixième texte s’adressa directement aux étudiants, qu’on estimait désormais plus sensibles. Il fit l’objet de débats. De tendances national-conservatrices, Huber estimait qu’il fallait marquer son soutien à la Wehrmacht en ce moment où les survivants de la 6e armée venaient d’être faits prisonniers ; il pensait aussi qu’il ne fallait donner en rien l’impression de pactiser avec le bolchevisme. Schmorell et Scholl étaient réticents face à cette double option. Au bout du compte, le tract commenta la défaite de Stalingrad, condamna les méthodes nazies, invita la jeunesse à se mobiliser contre le régime, comme l’avaient fait leurs prédécesseurs en 1813 contre la domination napoléonienne.

Le 18 février, gagnés par l’impatience, les Scholl, s’affichèrent à l’université, allant jusqu’à lancer des exemplaires du sixième tract dans la cour depuis le deuxième étage. Ce geste, probablement causé par une extrême tension physique et psychologique, causa leur perte : le concierge les vit et les dénonça, ce qui confirma la Gestapo dans une surveillance déjà ancienne.

La vague des arrestations s’enclencha, celle des procès aussi. Le 22 février, le Tribunal du peuple présidé par Freisler, venu exprès de Berlin, régla le sort de Sophie et Hans Scholl et de Christoph Probst en trois heures : ils furent aussitôt exécutés. Le second procès jugea 14 accusés, dont le professeur Huber, Alexander Schmorell et Willi Graf, mais aussi des jeunes d’Ulm et de Sarrebruck, un ami des Scholl - Eugen Grimminger - qui les avait aidés financièrement… Les trois premiers furent condamnés à mort. Un troisième procès eut lieu, dont le bilan fut beaucoup plus indulgent.

La répression n’abattit pas toute vie de la Rose blanche, et plusieurs sympathisants actifs furent encore condamnés à mort ou envoyés en camp.

Au total, 16 Allemands payèrent de leur vie leur participation aux activités du mouvement, soit par exécution soit par envoi en camp et décès consécutif.

Extraits de trois tracts (traduction Les éditions de Minuit, 1953, respectivement p. 125-126, 126-127 et 133-134)

Conclusion du premier tract (1942)

" Goethe écrit (Le Réveil d’Epiménide, acte deux, scène quatre) :

Ce qui émerge de l’abîme
peut prendre forme violente,
et conquérir la moitié du monde :
à l’abîme le mal retourne.
Déjà règne la peur,
les despotes sont perdus.
Et tous ceux qui dépendent de la force mauvaise
doivent aussi connaître la mort.
L’heure est venue où je retrouve
mes amis assemblés dans la nuit
pour le silence sans sommeil,
et le beau mot de liberté,
on le murmure, on le bredouille,
jusqu’à la nouveauté inouïe :
sur les degrés de notre temple
nous le crions dans un nouvel enthousiasme :
Liberté ! Liberté ! "

Premières lignes du second tract (1942)

" On ne peut pas discuter du nazisme, ni s’opposer à lui par une démarche de l’esprit, car il n’a rien d’une doctrine spirituelle. Il est faux de parler d’une conception du monde nationale-socialiste parce que, si une telle conception existait, on devrait essayer de l’établir par des moyens d’ordre intellectuel. La réalité est différente. Cette doctrine, et le mouvement qu’elle suscita, étaient, dès leurs prémices, basés avant tout sur une duperie collective, et donc pourris de l’intérieur ; seul le mensonge permanent en assurait la durée. C’est ainsi que Hitler, dans une ancienne édition de " son " livre, - l’ouvrage écrit en allemand le plus laid qu’on puisse lire, et qu’un peuple dit de poètes et de penseurs a pris pour bible ! - définit en ces termes sa règle de conduite : " On ne peut pas s’imaginer à quel point il faut tromper un peuple pour le gouverner. " Cette gangrène, qui allait atteindre toute la nation, n’a pas été totalement décelée dès son apparition, les meilleures forces du pays s’employant alors à la limiter. Mais bientôt elle s’amplifia et finalement, par l’effet d’une corruption générale, triompha. L’abcès creva, empuantissant le corps entier. Les anciens opposants se cachèrent, l’élite allemande se tint dans l’ombre.

Et maintenant, la fin est proche. Il s’agit de se reconnaître les uns les autres, de s’expliquer clairement d’hommes à hommes ; d’avoir ce seul impératif présent à l’esprit ; de ne s’accorder aucun repos avant que tout Allemand ne soit persuadé de l’absolue nécessité de la lutte contre ce régime. "

Premières lignes du troisième tract (1942)

" Salus publica suprema lex

Toute conception idéale de l’état est utopie. Un état ne peut être édifié de façon purement théorique ; il doit se développer et arriver à maturité comme un individu. Il ne faut cependant pas oublier qu’à la naissance de chaque civilisation préexiste une forme de l’état. La famille est aussi vieille que l’humanité, et c’est en partant de cette première forme d’existence communautaire que l’homme raisonnable s’est constitué un état devant avoir pour base la justice, et considérer le bien de tous comme une loi primordiale. L’ordre politique doit présenter une analogie avec l’ordre divin, et la " civitas dei " est le modèle absolu dont il lui faut, en définitive, se rapprocher. Nous ne voulons émettre ici aucun jugement sur les différentes constitutions possibles : démocratie, monarchie constitutionnelle, royauté, etc. Ceci seulement sera mis en relief : chaque homme a le droit de vivre dans une société juste, qui assure la liberté des individus comme le bien de la communauté. Car Dieu désire que l’homme tende à son but naturel, libre et indépendant à l’intérieur d’une existence et d’un développement communautaires ; qu’il cherche à atteindre son bonheur terrestre par ses propres forces, ses aptitudes originales.

Notre " état " actuel est la dictature du mal. On me répond peut-être : " Nous le savons depuis longtemps, que sert-il d’en reparler ? " Mais alors, pourquoi ne vous soulevez-vous pas, et comment tolérez-vous que ces dictateurs, peu à peu, suppriment tous vos droits, jusqu’au jour où il ne restera rien qu’une organisation étatique mécanisée dirigée par des criminels et des salopards. Êtes-vous à ce point abrutis pour oublier que ce n’est pas seulement votre droit, mais aussi votre devoir social, de renverser ce système politique ? "

Références

1. Sur la Rose blanche

Malgré la notoriété du mouvement, une étude scientifique fait défaut (sauf lacune de mon information)

Le livre le plus connu est celui d’Inge Scholl, La Rose blanche. Six Allemands contre le nazisme, première traduction française aux éditions de Minuit, 1953 (dernière reproduction en 1998), 156 p. Récit de la sœur d’Hans et Sophie Scholl suivi du texte des six tracts, cet ouvrage est poignant par sa sobriété ; petit livre aisé à lire, il devrait figurer dans tous les CDI de lycée.

Une récente édition allemande, augmentée, en est parue à Francfort-sur-le-Main, chez Fischer, en 1993.

Existe aussi une édition de poche des Briefe und Aufzeichnungen de Hans et Sophie Scholl entre 1937 et 1943 (Fischer Taschenbuch Verlag, 1988, 386 p.)

De son côté, Barbara Leisner a donné une biographie de Sophie Scholl : " Ich würde es genauso wieder machen ". Sophie Scholl (List Taschenbuch Verlag, 2000, 279 p., édition de poche).

On se reportera aussi à Christiane Moll, " Des jeunes qui résistèrent au national-socialisme : la Rose blanche ", contribution à Des Allemands contre le nazisme. Oppositions et résistances, 1933-1945, Albin-Michel, 1997, 382 p. L’auteur fournit une bibliographie et des références abondantes. Elle s’appuie sur de nouvelles sources récemment retrouvées à Berlin et à Moscou.

2. Pour inscrire la Rose blanche au sein de l’attitude des chrétiens et des églises face au nazisme

Xavier de Montclos, Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme. L’épreuve totalitaire, 1939-1945, 1ère édition 1983, éditions Complexe pour l’édition de 1991, 299 p.

3. Pour inscrire la Rose blanche au sein de la résistance allemande au nazisme

Günther Weisenborn, Une Allemagne contre Hitler, édition du Félin, édition 2000, 400 p.
Ce livre de l’ancien résistant Weisenborn paru en 1953, dressait pour la première fois un panorama de toutes les composantes de la résistance allemande au nazisme. À nouveau disponible grâce à un effort de réédition de témoignages anciens sur la Résistance, il constitue une bonne introduction générale. La préface d’Alfred Grosser est intéressante.

Gilbert Badia, Ces Allemands qui ont affronté Hitler, Les éditions de l’Atelier, 2000, 254 p.
Travaillant depuis longtemps sur l’opposition allemande au nazisme (il a dirigé Les Barbelés de l’exil, Exilés en France et Les Bannis de Hitler, parus entre 1979 et 1985), Gilbert Badia donne avec ce livre une synthèse sur l’opposition intérieure. L’ouvrage comporte un chapitre spécifique sur la Rose blanche (p. 93-100).

Peter Hoffmann, La résistance allemande contre Hitler. Balland, 1984 (traduction de la 3e édition, celle de 1979), 801 p.
Comme l’indique son titre original : Widerstand Staatsreich Attentat, le gros ouvrage de P. Hoffmann - qui était alors professeur d’histoire allemande à l’université McGill de Montréal - se penche sur " l’activité qui a eu pour but de renverser le régime national-socialiste de l’intérieur et qui, en gros, a été mené par les groupes qui ont été mêlés directement ou indirectement au complot du 20 juillet 1944 " (Préface, p. 13). Tout en évoquant à plusieurs reprises Hans et Sophie Scholl (et d’autres, tels Ernst Wiechert et son discours du 16 avril 1935 dans le grand auditorium de l’université de Munich, qui lui valut d’être interné à Dachau), il ne s’y attarde pas.

Le numéro 113 (décembre 2001-janvier 2002) des Chemins de la Mémoire édité par la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives du Ministère de la Défense élargit le propos en consacrant un dossier de trois pages aux Femmes allemandes en résistance contre le nazisme (avec une bibliographie).

Développement possible

Il serait intéressant de mobiliser aussi un passage d’un écrivain de langue allemande tel Thomas Mann, Ernst Wiechert ou Stefan Zweig (Le Joueur d’échecs, publié pour la première fois - et à titre posthume - à Stockholm en 1943, constitue un témoignage accablant contre la tentative de déshumanisation du nazisme. Signalons d’ailleurs que ce livre fait l’objet d’un travail de fond intéressant dans L’Ecole des lettres second cycle durant l’année 2000-2001).

Le plus connu peut-être est constitué par le recueil des émissions radiophoniques de Thomas Mann diffusées mensuellement par la BBC entre octobre 1940 et mai 1945. La première édition complète de ces messages est parue en août 1945 à Stockholm chez Bermann-Fischer ; elle a été traduite en français dès 1948. Ils sont toujours disponibles : Deutsche Hörer ! Fünfundfünfzig Radiosendungen nach Deutschland, dans le tome 3 des Politische Schriften und Reden, Fischer, 1968.

Être écrivain allemand à notre époque, essais et textes inédits de Thomas Mann réunis et présentés par André Gisselbrecht et traduits par Denise Daun (Gallimard, collection " Arcades ", 1996) permet d’accéder à des textes intéressants, comme la célèbre lettre adressée au doyen de la faculté des lettres de Bonn intégrée dans un recueil " Politique et nazisme " ainsi qu’un article de 1945 : " La fin ", relevant du même recueil.

De nombreux spécialistes se sont penchés sur l’œuvre politique de Mann. Parmi ceux-ci : Hildegard Châtellier, " La pensée politique en exil : Heinrich et Thomas Mann ", dans Les résistants au IIIe Reich en Allemagne et dans l’exil. Pensée et action. Textes réunis et présentés par Françoise Knopper et Alain Ruiz, Presses universitaires du Mirail, 265 p., 1998.

Laissons la parole à Mann pour achever cette brève présentation :

Extrait de l’émission radiophonique de Thomas Mann du 27 juin 1943 (traduction Pierre Jundt pour les éditions Martin Flinker, 1948, p. 160-161)

" (…) Le monde est, aujourd’hui, très profondément ému par les incidents qui se sont déroulés à l’Université de Munich et dont la nouvelle nous a été transmise, tout d’abord sans précisions, puis avec des détails toujours plus saisissants, par les journaux suisses et suédois. Nous savons maintenant ce qu’il en a été de Hans Scholl, survivant de Stalingrad, et de sa sœur, d’Adrien Probst, du professeur Huber et de tous les autres. Nous connaissons l’émeute des étudiants qui s’élevèrent, à Pâques, contre l’allocution obscène d’un bonze nazi à l’auditorium maximum, leur mort en martyrs sous la hache. Nous connaissons les tracts qu’ils ont distribués et qui rapportent des paroles, compensant bien des choses, commises, au cours de certaines années funestes, contre les Universités allemandes, et qui furent des péchés contre l’esprit allemand de liberté. (…)

Courageux, magnifiques jeunes gens ! Vous ne serez pas morts en vain, vous ne serez pas oubliés. Les nazis ont élevé des monuments à de solides apaches, à de vulgaires tueurs…, la révolution allemande, la vraie, les détruira et, à leur place, elle immortalisera vos noms, vous qui saviez et qui proclamiez, alors que la nuit couvrait encore l’Allemagne et l’Europe, qu’il "naît une foi nouvelle, la foi à l’honneur et à la liberté." "

http://www.ac-nantes.fr/peda/disc/histgeo/inspecti/roseblan.htm

21.07.2004
Collectif Bellaciao