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Le pire ennemi du profit, c’est le plein emploi

Publie le dimanche 23 octobre 2005 par Open-Publishing
6 commentaires

Quand l’hypocrisie le dispute à l’indécence...

de Etienne Chouard

Nos vieux "représentants" professionnels jurent qu’ils luttent pour l’emploi, ils clament que le chômage est leur cible principale. On découvre sur cette affaire centrale du chômage que ce sont tous des menteurs et que nous n’avons plus de prise sur eux car c’est toute la caste, de gauche à droite, corrompue par le pouvoir trop longtemps exercé, qui se protège contre les initiatives citoyennes : c’est à peine croyable, en douce, ils respectent tous strictement un objectif minimum de chômage que leur suggèrent les plus grandes entreprises privées pour maintenir un bon taux de profit, et la lutte que nos soi-disant "représentants" mènent "pour l’emploi" est en fait une lutte "pour la précarité de l’emploi", pour remplacer, via le chômage, un maximum d’emplois stables par des emplois précaires de substitution.

En douce et en vitesse : la précarisation absolue du CNE a été imposée par ordonnances, c’est-à-dire qu’un exécutif tyrannique écrit et exécute le droit tout seul, sans contrôle parlementaire, et en août, pendant que tout le monde est en vacances. Ces gens sont des bandits !

Avec la complicité d’un groupe stratégique de journalistes, éditorialistes néo-libéraux, qui ont investi les rédactions et qui martèlent tous les jours, sans contradicteur, que « c’est inéluctable ».

Cette précarité touche aujourd’hui directement près de la moitié des salariés en France et elle ne cesse de se généraliser. Mais quand va-t-on enfin se mettre en travers ?

Sommes-nous capables de résister ? Pour l’instant non, car notre "démocratie" n’est encore qu’une supercherie sur bien des aspects. Pas tous les aspects, bien sûr, car la liberté de s’exprimer et les élections ne sont pas rien. Mais elles ne sont qu’une étape vers une authentique démocratie.

Espérons que les responsables ne sont pas "tous pourris" et que certains élus et certains journalistes auront le courage de nous aider à résister à la régression politique voulue par les forces économiques. Il est important que les institutions donnent aux citoyens le pouvoir de se défendre quand la situation est grave.


Extraits d’une émission de radio très intéressante :
« Là-bas si j’y suis » du 15 septembre 2005,

"Les chiffres du chômage",
http://www.la-bas.org/article.php3?... :

François Chevalier (stratégiste chez VP Finances) :
"Il faut savoir que le pire ennemi des profits, c’est le plein emploi, or on est loin du plein emploi."

Thomas Coutrot (économiste) : « C’est une vieille histoire, le chômage a toujours été employé, dans les économies capitalistes, par les entreprises, par les employeurs, pour calmer les revendications des salariés qui sont en place en leur montrant la file d’attente à la porte de l’entreprise et en leur disant "si vous n’êtes pas content, il y en a d’autres qui prendront volontiers votre place", ça c’est aussi vieux que l’histoire du capitalisme. Ça a trouvé des nouveaux noms : aujourd’hui les économistes aiment bien parler de "chômage d’équilibre"... Selon les économistes libéraux, c’est le taux de chômage qui est nécessaire pour calmer les revendications et empêcher les hausses de salaires et donc empêcher l’inflation...

Un certain nombre d’experts de l’OCDE estiment que le chômage d’équilibre est autour de 8 à 9 %, autrement dit il n’est pas souhaitable, dans l’état actuel des choses en France, que le chômage baisse en dessous de ces niveaux, 8-9 %, parce que cela risquerait de réveiller les revendications et donc de réveiller le démon de l’inflation, qui est quelque chose dont les investisseurs financiers ont horreur.

Sauf si on arrive, comme ça a été le cas aux États-Unis dans les années 80, à casser suffisamment les organisations syndicales et les conventions collectives pour que, même à 4% de chômage, les salariés ne soient pas en mesure de revendiquer des hausses de salaires. En France, on n’y est pas encore... »

Laurence Parisot (présidente du MEDEF) : « Je pense que le chômage est une véritable honte, parce que ça fait 25 ans que notre pays bat des records de taux de chômage, il faut en France libérer, libéraliser, le marché du travail. Notre conception en matière d’offre et de demande de travail est beaucoup trop rigide, on n’est pas adaptés à l’économie d’aujourd’hui qui est une économie à laquelle il faut réagir rapidement, et il faut que l’emploi s’adapte à l’activité et non pas l’inverse. »

http://etienne.chouard.free.fr

Messages

  • Excellent article, comme d’habitude de la part d’Etienne Chouard. Mais ce qu’il y a aussi d’intéressant dans les faits et propos qu’il rapportent, c’est moins les mensonges habituelles de Parisot, des gouvernants et consorts sur leur prétendue "lutte pour l’emploi", que la propension que commencent à avoir certains dirigeants ou sous-fifres à dire cyniquement la vérité en public. Patrick Le Lay avait débuté il y a quelques mois à cracher le morceau sur la vraie fonction de la TV. Et puis cà et là, certains de l’Etablishment "se lâchent", disent tout haut ce que chacun, "en bas", sait plus ou moins d’ailleurs, accélérant le processus de décrédibilisation des discours officiels. (c’est peut-être ce processus, finalement assez nouveau, au-delà d’une apparence de glaciation/stagnation brejnevienne dans le spectacle français depuis 15 ou 20 ans, qui a contribué à la déroute électorale du Parti Officiel, le 29 mai dernier). En même temps, il s’agirait de comprendre pourquoi divers idéologues du parti Officiel, régulièrement "trahissent" et disent la vérité toute crûe dans sa brutalité et son intolérable ? Sont-ils si sûrs d’eux, et de la puissance de décérébration de leurs appareils idéologiques techniquement suréquipés, à ce point, que dans la préparation de quelque putsch ultra-libéral d’inspiration bushiste (en gros par exemple la ligne exposée logorrhéïquement sur la radio d’extrême droite parisienne, intitulée par antiphrase, "Radio Courtoisie" (!), où au-delà d’un torrent de haine et d’injures à l’encontre de tout ce qui n’est pas blanc, mâle, occidental, riche et ultra conservateur, on appelle ouvertement à la sédition violente des soi-disants "classes moyennes" contre l’impôt, l’état social, l’immigration, les droits de l’homme et l’état de droit etc.), ils peuvent tout se permettre, et alternativement proférer des mensonges déconcertants, et leur (dé)négation ? Au contraire sont-ce les prodromes d’un virage à 180° que la bourgeoisie française , qui, se faisant tailler croupières sur croupières par le capitalisme américain et ses appareils, tenterait (très aventureusement) par un sursaut "social-national" (dans la lignée du "patriotisme économique" - complètement velléïtaire et hypocrite à ce stade - de Villepin-Carayon-l’école de guerre économique, qui s’appuierait sur ce qui reste de capitalisme national non encore acheté par les multinationales anglo-saxonnes) ?
    Ou bien serait-ce alors comme les signes avant-coureur d’une crise de confiance, de sortes de prémisses d’une "dépression nerveuse collective", touchant les "élites" ? (Lénine, on s’en souvient peut-être, définissait une situation pré-révolutionnaire quand "en bas on ne veut plus continuer comme avant, et qu’en haut on ne peut plus continuer comme avant". D’où dans ces moments, une frénésie de "glasnost" et de "perestroïka" qui saisit les différents cercles dirigeants, particulièrement ceux des cercles périphériques ou subalternes, qui exposent alors la propagande officielle à quelques déconvenues.).
    Qui vivra verra, mais en tous les cas, ces soudains sursauts de lucidité et de vérité chez des gens qui sont payés et ont été formés pour faire l’apologie d’un système par essence mensonger (l’invariant de ce mensonge réside depuis 250 ans dans la formidable arnaque théorique d’Adam Smith. Faire accroire que l’enrichissement et l’accumulation de pouvoir sans limites d’une classe minoritaire, était la condition sine qua non de la "richesse des nations" et du bonheur des peuples !), ne laissent pas d’être à la fois inquiétants et excitants.

  • bonjour
    vite fait,
    de toute façon, en quoi le plein emploi, tel qu’on le conçoit aujourd’hui est-il une solution ?
    Si tout le monde travail avec un salaire descent dans l’état actuel de la société de consommation, c’est une catastrophe : plus de consommation, plus de pollution...plus de plus encore plus.
    pourquoi pas plus tot une sorte de "plein emploi partagé", travaillons tous mais travaillons moins, en tant qu’individualité, et donnons un peu plus de temps au bien etre commun.
    très vite fait
    nicolas

  • Bonsoir
    Ce n’est pas le travail qu’il faut partager mais les richesses : il ne s’agit pas de produire plus mais de redistribuer mieux : c’est une exigence d’égalité.
    Le problème que souligne Etienne Chouard est celui d’une forme de terrorisme qui consiste à agiter le spectre du chômage pour rendre les individus plus serviles : moins de soucis et plus de profits pour les actionnaires (car ne parlons pas des employeurs des petites entreprises qui font ce qu’ils peuvent). Et ce qui rend intolérable la chose c’est la démisssion du politique (qui est normalement à l’origine et l’organe des décisions en démocratie) devant l’économique également soutenu par certains médias mal intentionnés.

    • De Angela Anaconda

      Bonjour ! Je pense qu’il est quand-même nécessaire de remettre sérieusement en question cette seule conception financière du travail, du temps et de l’argent. Le but du travail, du temps et de l’argent ne peut pas être uniquement celui de gagner de l’argent et d’organiser sa rédistribution (consommation, placements, impôts etc.).
      Je pense que l’équation franklinienne "le temps, c’est de l’argent" (dans l’"avis à un jeune commerçant") est inadéquate, c’est-à-dire uniquement vraie en tant que moteur principale de la vie capitalistique. Mais je la trouve inadéquate parce qu’elle tradui la pensée de l’avare, de l’egoiste pur, ainsi de celui nie l’existence de besoins autres que purement materiels.
      C’est pourquoi je pense que pour avancer la refléxion, il serait nécessaire de repenser le but du travail.
      Pour moi, le travail, le temps, l’argent doivent se mettre au service non seulement de fins matérielles, mais aussi de la vie immatérielle, invisible, purement sensuelle, affective et par là, sociale. Une fois quelqu’un a dit : si l’on mange une pomme, la pomme disparaît. Si l’on apprend une information, cette information ne disparaît pas, au contraire, elle se multiplie. Donc, la question qui se pose pour moi est plutôt : comment concevoir le travail, le temps et l’argent pour que le plaisir de vivre ensemble augmente ?
      Je pense qu’il y a un très grand chantier de prise de conscience à mener pour que nous nous rendons compte de nos propres prisons mentales, que nous apprenons à nous entraider pour sortir de la logique capitalistique. La aussi, il y a un combat à mener. Quelqu’un a dit une fois qu’il est plus dur de faire exploser un préjugé qu’un atome.

    • De z3383z

      Je pense que tu es dans le juste Angela..Mais remettre en question les principes même de fonctionnement du capitalisme ne peut pas se faire autrement que par la force selon moi.
      Je ne vais pas t’apprendre dans quelles proportions les richesses sont réparties aujourd’hui dans ce monde, mais c’est un peu comme si on était dix lions autour d’un cadavre d’antilope, neuf se partageant l’equivalent d’un jambon, et le dernier se gavant avec le reste sans la moindre intention de partager, voire même avec l’intention de grapiller encore un peu plus de bidoche sur le jambon des neuf autre..

      Et on ne peut pas compter obtenir dix parts égales en allant tapoter sur l’épaule du lion "elite" en lui disant :"on a un peu calculé le truc, ce systéme nous semble pas trés juste, on partage ?"

      Malheureusement, ce n’est pas dans la logique de ceux qui sont plus "justes" comme toi ou moi de prôner la violence, c’est même plutôt l’inverse..c’est plutôt ça qu’il faut changer a mon avis, si on veut rester pragmatique.

      Et on pourra alors envisager d’aller voir nôtre lion en lui proposant un deal qu’il ne pourra pas refuser, a neuf contre un...

  • et oui,ce n’est pas nouveau tout ça,c’est meme les bases de l’economie politique.
    ce qui est le plus etonnant,c’est lorsque des journalistes reçoivent des representants patronaux qui deblaterent des mensonges comme l’exemple de votre dernier paragraphe,il n’y en a pas un pour remettre les idées des auditeurs,telespectateurs etc...en place.
    pire,certains applaudissent des deux mains quand on leur dit qu’il faut detruire le social" squi coute si cher au pays et est le seul responsable du chomage en france".
    je me souviens du tollé en 2003 lorsque selliere avait declaré dans une conference patronale qu’il ne faudrait jamais descendre à moins de deux millions de chomeurs afin de maintenir une pression suffisante sur les travailleurs et maintenir ainsi des revenus confortables aux entreprises....il avait attaqué serieusement ceux qui avaient laisser sortir cette information (de polichinel)...
    d’ailleurs,le plein emploi "menaçait" lourdement les proffits des speculateurs dans la decenie à venir (pyramide des ages oblige)avant que fillon ne recule l’age de la retraite en 2003,c’’etait d’ailleurs la seule raison de cette reforme lamentable.
    bon,le systeme est fait ainsi,reste le probleme de la redistribution,mais ce probleme est plus que politique.
    il depend de la force que mettent les citoyens dans les combats contre la casse du social et de la privation des outils de travail par les financiers.