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Le "plaider coupable" s’appliquera aussi aux entreprises

Publie le dimanche 12 septembre 2004 par Open-Publishing

La nouvelle procédure de "plaider coupable", permettant aux procureurs de proposer une peine transactionnelle aux auteurs de délits qui avouent les faits, ne s’appliquera pas seulement aux petits délinquants mais aussi aux entreprises et à leurs dirigeants.

"Les nouvelles dispositions n’excluent pas l’application de la CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) à une personne morale, qui devra alors être représentée par une personne physique", dit une circulaire d’application diffusée aux procureurs et aux cours d’appel, dont Reuters a obtenu une copie.

Le "plaider coupable", innovation très contestée dans la magistrature, doit entrer en vigueur le 1er octobre. Sont concernés tous les délits passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison.

Disposition majeure de la loi Perben II de mars dernier, cette nouvelle procédure permet au procureur, magistrat nommé par le pouvoir politique, de proposer à un suspect qui avoue les faits une peine transactionnelle pouvant aller jusqu’à un an de prison ferme, évitant ainsi un procès public.

La circulaire précise aussi que la procédure peut être utilisée pour les patrons et les entreprises qui avoueraient par exemple des "cas de non respect des règles d’hygiène et de sécurité prévues par le code du travail, ou en cas de travail dissimulé".

Ces possibilités ne figuraient pas explicitement dans la loi "Perben II", surtout destinée selon le garde des Sceaux Dominique Perben à lutter contre la petite délinquance ordinaire.

La circulaire, longue de 42 pages, précise d’ailleurs que le texte s’applique aux violences urbaines ordinaires telles que "dégradations, menace, violence, outrage" ou le vol, l’escroquerie et la filouterie.

C’est la première fois qu’une procédure s’apparentant à une négociation, inspirée du droit anglo-saxon, remplace en France le débat contradictoire et la "recherche de la vérité".

Même si la peine devra être homologuée par un juge du siège, donc indépendant du pouvoir, l’opposition de gauche et les syndicats de magistrats sont opposés à cette mesure qui à leurs yeux crée une justice sous tutelle car les juges du siège, indépendants, sont ainsi dessaisis de certains dossiers.

Contacté par Reuters, Dominique Barella, président de l’Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire) a estimé vendredi que la circulaire traduisait "l’apparition d’une justice à deux vitesses".

"Les sanctions aux infractions au droit du travail ou financières seront négociées en catimini avec une possibilité énorme de manipulation", a-t-il dit à Reuters.

Il a rappelé que les enquêtes sur le financement occulte du PS dans les années 80 avaient commencé par une enquête sur un accident du travail au Mans, où le juge Thierry Jean-Pierre avait finalement découvert des malversations politiques. "L’affaire Urba n’aurait donc jamais existé avec la CRPC", a-t-il dit.

http://www.reuters.fr/locales/c_newsArticle.jsp?type=topNews&localeKey=fr_FR&storyID=6206376