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Le projet de constitution européenne : un enjeu central pour le mouvement altermondialiste et pour le commerce équitable

Publie le dimanche 22 mai 2005 par Open-Publishing
3 commentaires

de Laurent Levard (*) Délégué général Fédération Artisans du Monde

La commission plaidoyer de la Fédération Artisans du Monde a invité à un débat interne sur le projet de Constitution depuis la perspective du
commerce équitable. J’apporte ici ma contribution à titre personnel, en essayant de resituer la question dans un cadre plus global de la
participation au mouvement altermondialiste et, pour ce qui est des organisations de commerce équitable, de leur engagement en matière de
plaidoyer pour un changement des règles et des pratiques du commerce international conventionnel.

" Le monde n’est pas une marchandise ". Ce slogan résume une idée force du
mouvement altermondialiste. Il s’agit d’affirmer que le droit des personnes
et des peuples (droit des générations actuelles, mais aussi des générations
futures) à satisfaire un certain nombre de besoins fondamentaux (droits
économiques, sociaux et culturels) doit primer sur les intérêts économiques
particuliers. La plupart des biens et des services, dont la production ou la
consommation contribuent précisément à satisfaire ces droits, ne doivent
donc pas être considérés comme de simples marchandises et soumises aux lois
du libre marché. C’est à ce titre que les différentes activités économiques
doivent, à des niveaux géographiques divers, être régulées, voire
directement prises en charge par des institutions démocratiques garantes de
l’intérêt général.

Pour le mouvement altermondialiste européen, une question centrale est posée
 : " L’Union européenne telle qu’elle se construit est-elle est un point
d’appui pour mettre en ouvre de telles régulations et bâtir de telles
institutions, ou bien est-elle un point d’appui pour détruire les
régulations et institutions existantes et empêcher la mise en place de
nouvelles ? ".

La question du referendum sur le projet de Constitution européenne est
fondamentale à cet égard. En effet, ce projet ne se contente pas de définir
les valeurs et les institutions communes -ce qui serait la fonction normale
d’une Constitution. D’une part, les objectifs de l’Union européenne
elle-même, tels qu’ils sont définis en introduction, font clairement
référence à un modèle économique donné, le modèle néolibéral. D’autre part,
le texte inclut un ensemble de politiques très précises qui visent à la mise
en place et au maintien de ce modèle économique. En cas d’approbation du
projet, les objectifs et les politiques auxquels s’oppose le mouvement
altermondialiste acquerraient ainsi un caractère constitutionnel, qui plus
est pratiquement impossible à modifier à l’avenir. Ce texte apparaît ainsi
clairement un point d’appui pour à la fois remettre en cause les régulations
économiques et sociales existantes au niveau des Etats (et pas seulement des
Etats européens !) et pour interdire la mise en ouvre future de nouvelles
régulations, que ce soit au niveau européen ou multilatéral.

Les intérêts financiers à l’assaut des protections et des régulations

On sait à quel point les décisions des entreprises en matière économique et
sociale dépendent aujourd’hui avant tout des impératifs de rémunération d’un
capital financier de plus en plus déconnecté de la production et
trans-nationalisé. Ce capital financier transnational n’a plus besoin autant
que par le passé de cadres nationaux pour s’épanouir. Ces cadres deviennent
même un obstacle à son développement. En effet :

* d’une part, ces cadres nationaux sont des espaces où s’expriment des
rapports de force, où les Etats peuvent mettre en place des politiques plus
ou moins favorables, où s’établissent des compromis, notamment entre les
intérêts des détenteurs de capitaux et ceux des salariés, ou de la
population en général. Depuis son origine, le capital avait dans une large
mesure besoin de ces cadres nationaux pour garantir son développement. Or,
aujourd’hui, l’intérêt du capital financier (même s’il a encore besoin de
législations nationales favorables) est avant tout de mettre en concurrence
les différents systèmes sociaux des différentes régions du Monde, afin
notamment de favoriser une baisse du coût du travail et une plus grande
flexibilité de celui-ci.

* D’autre part, c’est dans ces cadres nationaux qu’un certain nombre
d’activités économiques sont prises en charge par les Etats sous forme de
services publics, et ce au nom de l’intérêt général, et notamment du droit
des populations à une égalité d’accès à un certain nombre de droits
fondamentaux (transports, éducation, santé, énergie, ressources naturelles,
etc.). L’intérêt des détenteurs et gestionnaires de capitaux est aujourd’hui
de pouvoir mettre la main sur ces champs d’activités (et donc de profits
potentiels) considérables qui leur échappent encore totalement ou
partiellement.

C’est pourquoi la sphère financière est si active pour influencer les Etats
et les organismes multilatéraux (Banque Mondiale, FMI, OMC) en faveur d’une
remise en cause des cadres nationaux de régulation et des services publics.
Il vise aussi à interdire la mise en ouvre de nouveaux cadres de régulation
régionaux ou internationaux qui tendraient à limiter la liberté
d’investissement et la rentabilité du capital.

C’est dans les pays du Sud que cette nouvelle phase de la mondialisation du
capital est la plus dramatique. Elle intervient en effet souvent dans des
contextes de faible développement économique et social, de fortes inégalités
sociales, de dégradation de l’environnement, de relative faiblesse des
Etats, d’absence d’institutions réellement représentatives des intérêts des
populations ou de dépendance économique et politique (liée notamment au
niveau d’endettement) vis-à-vis d’institutions financières et des pays du
Nord, notamment les Etats-Unis. C’est dans les pays du Sud que les
politiques nationales indépendantes sont le plus violemment et rapidement
remises en cause.

Mais, l’offensive du capital financier et des forces politiques qui le
représentent porte aussi sur les pays du Nord. Du fait du niveau de
développement économique de ces pays et de l’importance des secteurs pris en
charge par l’Etat, les champs potentiels d’expansion et de valorisation du
capital y sont élevés.

Remettre l’économie au service du développement humain

Dans un tel contexte, l’engagement pour une autre mondialisation vise en fin
de compte à mettre l’économie au service non pas de la rentabilité du
capital, mais du développement humain. Quatre questions me semblent, de ce
point de vue, essentielles (mais non exclusives) :

* le droit à l’emploi, qui renvoie aux politiques de développement et
protection de l’emploi et de répartition du temps de travail ;

* Le droit à une juste rémunération du travail pour tous, question liée à la
répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital qui renvoie aux
réglementations sociales pour ce qui est du salariat et aux politiques de
protection et aux politiques agricoles (répartition des ressources
productives, gestion et protection des marchés agricoles) pour ce qui est de
la paysannerie.

* Le droit à l’égalité d’accès à des biens et services fondamentaux,
question qui renvoie à la défense des services publics et à l’affirmation de
l’existence biens communs de l’Humanité non privatisables ;

* Le droit des générations actuelles et futures à un environnement sain et
diversifié, qui renvoie à la question de la protection des écosystèmes et
des ressources naturelles (biens communs de l’Humanité), et plus
généralement à la régulation du système économique dans son ensemble (modes
de production, distribution et consommation) au nom de la pérennité de la
planète.

Pour l’ensemble de ces questions, l’engagement pour une autre mondialisation
répond à trois enjeux fondamentaux :

* d’une part, la défense du droit des Etats et des ensembles régionaux, au
nom de leurs objectifs de développement, à préserver et à mettre en ouvre
leurs propres politiques économiques, sociales et environnementales. En
effet, les cadres nationaux sont loin d’être dépassés et non pertinents pour
un certain nombre de politiques. Pour beaucoup d’entre elles, le niveau
régional (ensemble de pays) apparaît cependant de plus en plus approprié et
les mêmes droits doivent être défendus pour ces ensembles régionaux.

* D’autre part, la mise en ouvre de nouvelles règles et normes
internationales qui contribuent au respect des droits fondamentaux des
individus et des populations et à la défense des biens communs de
l’Humanité. Il s’agit donc à la fois de construire un droit international et
de mettre en ouvre au niveau multilatéral un certain nombre de politiques
qui, dans le contexte mondialisation de l’économie, n’ont de sens ou
d’efficacité réelle qu’à ce niveau.

* Enfin, la démocratisation des institutions multilatérales. Celle-ci est
une condition pour que soient effectivement défendus et mis en ouvre un
droit et des politiques au niveau international qui défendrent l’intérêt
général de l’Humanité et de ses populations. Tant au niveau international
que national, la question du contenu des politiques ne peut ainsi être
séparée de celle de la nature des institutions.

Un risque de recul historique pour les idées du mouvement altermondialiste

Au regard des quatre questions et trois enjeux centraux mentionnés
ci-dessus, il n’y a pas de doute que le projet de Constitution européenne
répond à des objectifs et une stratégie totalement opposés à ceux du
mouvement altermondialiste. L’adoption de cette constitution signifierait
ainsi pour lui un recul historique.

L’objectif supérieur de concurrence libre et non faussée

La " concurrence libre et non faussée " est inscrite comme un objectif
supérieur de l’Union européenne. L’article I-3 le précise, mais ce qu’il
faut souligner c’est à quel point cet objectif revient à maintes reprises
tout au long du document comme une règle supérieure. Chaque fois qu’une
quelconque disposition pourrait être interprétée dans un sens pouvant
atténuer ou remettre en cause partiellement ce principe, il est, tel un coup
de massue, rappelé en toutes lettres. L’article III.209 est par ailleurs
explicite : " le fonctionnement du marché intérieur " " favorisera
l’harmonisation des systèmes sociaux " (dans le même temps, s’il peut y
avoir " rapprochement " des législations sociales, leur harmonisation est
interdite, voir article III-210). En gros, c’est exactement ce que remet en
cause le mouvement altermondialiste quand il affirme l’incapacité des règles
du marché à garantir un développement humain pour tous.

Un cadenassage des politiques nationales et européennes

L’affirmation de la " concurrence libre et non faussée " comme principe
supérieur se traduit par la remise en cause de politiques nationales
fondamentales : les services publics sont soumis à ce principe (article
III.166), les aides publiques à des entreprises ou productions sont
interdites (article III.167). Mais, elle se traduit également par tout un
ensemble de dispositions directement applicables au niveau européen : les
articles ci-dessus mentionnés (III.166 et III.167) concernent également les
politiques de l’Union, l’harmonisation des réglementations sociales est
interdite (articles III.207, III.210 et III.279) ; le budget européen est
plafonné ; les emprunts européens sont interdits (articles I.53.2 et
I.54.2), etc.

Un point d’appui pour imposer des politiques libérales de part de Monde

Au delà des dispositions d’ordre interne à l’Union européenne, le projet de
Constitution constitue un point un point d’appui pour imposer des politiques
libérales de par le Monde.

Tout d’abord, il est fort difficile d’imaginer un ensemble politique, en
l’occurrence l’Union européenne, défendre à l’international un droit, des
politiques et des institutions opposés aux principes qu’elle pratique en
interne. Qui plus est, un certain nombre de dispositions du projet de
Constitution indiquent clairement les positions qu’elle y défendra, on
continuité avec ses pratiques actuelles.

Certes, l’article I.3 mentionne que, dans ses relations avec le reste du
Monde, l’Europe " contribue (.../...) au commerce libre et équitable " .
Mais, on sait à quel point le commerce libre est facteur de développement
des inégalités et de pauvreté, et donc à quel point il est incompatible avec
la notion de commerce équitable. Et, surtout, l’article III.314, relatif à
la politique commerciale commune est tout à fait explicite : " (.../...)
L’Union contribue (.../...) à la suppression progressive des restrictions
aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi
qu’à la réduction des barrières douanières et autres ".

On sait à quel point l’Union européenne prône la libéralisation des
économies des pays du Sud de la planète (notamment dans le cadre de l’OMC et des accords bilatéraux avec des ensembles régionaux), répondant ainsi aux
intérêts des firmes européennes de conquérir de nouveaux marchés de
consommation et d’investir de nouveaux champs d’activité au moyen de
l’investissement direct à l’étranger, et ce, avec le minimum d’obligations
en matière économique, sociale, environnementale, d’aménagement du
territoire. Ces nouveaux champs d’activité correspondent souvent à des
missions de service public actuellement prises en charge par les Etats. On
sait aussi à quel point ce processus de libéralisation est destructeur pour
de nombreuses économies du Sud, facteur d’accroissement des inégalités
sociales, de précarisation de secteurs entiers de la population et de
blocage de véritables dynamiques de développement économique et social. Au
sein des pays du Sud et du Nord, des syndicats, des mouvements sociaux, des
organisations paysannes, des ONG, des acteurs du mouvement altermondialiste,
mais aussi des forces politiques et des Etats, se mobilisent pour dénoncer
ces politiques de libéralisation (voir, par exemple, la révolte de l’eau en
Bolivie) défendues aujourd’hui par l’Union européenne, ou encore pour
accroître les exigences sociales et environnementales des firmes
multinationales qui investissent à l’étranger.

Notons aussi que la négation du droit à la souveraineté alimentaire est
parfaitement cohérente avec la constitutionnalisation du modèle agricole
productiviste (article III-227). Certes, c’est la reprise d’un ancien
traité, mais à l’heure où précisément on remet en cause le modèle
productiviste, intimement lié à la production d’excédents agricoles et à
leur déversement à bas prix sur les marchés des pays du Sud, c’est plutôt un
recul de lui donner un caractère constitutionnel !

Pour revenir à l’article III-314, il faut aussi noter que l’expression "
réduction des barrières douanières et autres " rendrait inconstitutionnel
l’introduction de barrières liées à la reconnaissance de normes sociales et
environnementales qui primeraient sur le libre-échange. C’est toutes les
propositions autour de la hiérarchie des normes internationales qui sont
ainsi visées.

Si elle venait à être dotée de cette nouvelle Constitution, l’Europe sera
d’autant plus forte pour imposer ce modèle à l’ensemble de la planète,
remettre en cause le principe de souveraineté alimentaire (le droit des
Etats et des ensembles régionaux à protéger et réguler leurs marchés
agricoles) et réintroduire dans l’arène internationale ses revendications
sur les investissements à l’étranger, rejetées en 1998 (Accord Multilatéral
sur l’Investissement, AMI) puis en 2003 (échec du sommet de l’OMC à Cancun)

Il faudrait aussi mentionner le lien entre la Constitution et l’AGCS (Accord
Général sur le Commerce des Services). En lisant l’article III-148 (" Les
Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services
au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre européenne
(.../...) la Commission adresse des recommandations aux Etats membres à cet
effet "), on entrevoit clairement la direction prise.

La taxe Tobin anticonstitutionnelle

L’article III.156 stipule que " les restrictions tant aux mouvements de
capitaux qu’aux paiements entre les Etats membres et les pays tiers sont
interdites ". C’est donc une déclaration d’inconstitutionnalité des
mécanismes de taxation des mouvements de capitaux, notamment la taxe Tobin,
outil phare du mouvement altermondialiste, pour avancer vers une limitation
de la spéculation financière mondiale et pour prélever des ressources en
faveur du développement.

La paix dans le Monde avec l’OTAN et grâce à un accroissement continu des
moyens militaires ?

Le projet de Constitution prévoit enfin que la politique européenne de
sécurité et de défense commune doit être " compatible avec la politique
commune de sécurité et de défense arrêtée dans [le cadre de l’Organisation
du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) " (article I.41). C’est une soumission
on ne peut plus claire de la politique européenne dans ce domaine à l’OTAN
et, par conséquent, aux Etats-Unis d’Amérique. On connaît l’actuelle
situation de domination économique, politique, idéologique et militaire des
Etats-Unis et leur opposition à la construction d’un droit, de politiques et
d’institutions démocratiques au niveau multilatéral qui remettraient en
cause les principes du libéralisme économique. De ce point de vue aussi,
l’approbation de la nouvelle Constitution signifierait un recul par rapport
à l’enjeu de construire de nouveaux rapports de force au niveau mondial.

Par ailleurs, l’obligation des Etats d’accroître leurs moyens militaires
acquiert un caractère constitutionnel (article I-41)...

Et le commerce équitable ?

En étant optimiste, le commerce équitable n’est a priori pas directement pas
remis en cause par le projet de Constitution, même si, dans les fait, il est
bien à l’opposé d’une " concurrence libre et non faussée ", du moins tel
qu’il est pratiqué par les organisations de commerce équitable dans les
filières intégrées : il y a accord sur les prix, l’établissement de la
relation commerciale est conditionnée au respect d’un certain nombre de
critères qui ne relèvent pas de la relation commerciale (voir les critères
au Nord et au Sud sur lesquels s’engagent Artisans du Monde et ses
partenaires). C’est dire qu’on pourrait aussi assimiler le commerce
équitable comme une pratique contraire à cette Constitution. Ce n’est pas
sans rapport d’ailleurs avec les discussions que nous avons eu au sein de
l’AFNOR avec la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence et de la
répression des Fraudes), garante de l’orthodoxie libérale. Par exemple,
intégrer dans les critères du commerce équitable le fait que les producteurs
soient organisés a posé des problèmes à ce titre.

Mais, force est de constater que, même dans les milieux libéraux, que ce
soit au niveau européen ou français, il existe un intérêt croissant pour
soutenir le commerce équitable. De plus, une interprétation optimiste de
l’article III-167 pourrait ouvrir la porte à des aides publiques au
développement du commerce équitable, en dérogation avec le principe de
l’interdiction des aides publiques à tout secteur d’activité : " Peuvent
être considérées compatibles avec le marché intérieur (.../...) les aides
destinées à favoriser le développement de certaines activités (.../...)
économiques(.../...)) ? Cependant, une interprétation pessimiste peut être
faite à la lecture de la fin du même article : " (.../...) quand elles
n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à
l’intérêt commun ". Notons que c’est soit la Commission, soit le Conseil
européen à l’unanimité (article III-168) qui peut accorder la dérogation. En
d’autres termes, dans un contexte où la Commission défend largement une
vision libérale, où il suffit qu’un Etat membre sur 25 s’y oppose et où le
Parlement européen n’a pas son mot à dire, il faut être bien optimiste pour
envisager qu’une aide publique au développement commercial du commerce
équitable soit compatible avec la Constitution.

Admettons cependant les hypothèses optimistes que le commerce équitable en
tant que tel soit considéré comme compatible avec la " concurrence libre et
non faussée " et que les aides publiques à son développement soient
autorisées. Dans un contexte de constitutionalisation de l’obligation de
suppression de toutes les formes de régulation publique du commerce,
pourrait alors se développer un commerce équitable, dans une niche de marché
protégée, en dérogation aux principes généraux.

Et, alors que l’ambition des organisations de commerce équitable est que
leurs pratiques au quotidien soit un levier pour des changements plus
globaux du commerce international conventionnel, le commerce équitable
serait au contraire relégué à une " niche de marché ", il deviendrait ainsi
un alibi, un " faire-valoir éthique " pour les pouvoirs publics engagés par
ailleurs dans une politique de destruction des mécanismes de régulation des
marchés.

Un Non en France, une avancée pour le mouvement altermondialiste

Le résultat du referendum aura des conséquences importantes sur les
perspectives à venir du mouvement altermondialiste en Europe. Avec
l’approbation du projet de Constitution, les principales revendications du
mouvement altermondialiste s’opposeront aux principes constitutionnels de
l’Union européenne. Il ne faudra donc surtout pas compter sur elle pour
soutenir certaines de ces revendications au niveau international !

Au contraire, un rejet du projet de Constitution en France serait clairement
interprété comme une volonté de mettre un point d’arrêt à la dérive libérale
de l’Europe. Il permettrait au mouvement altermondialiste, au côté des
autres forces progressistes européennes, de réaffirmer clairement la
conception d’une Europe point d’appui pour la mise en ouvre d’un droit, de
règles et d’institutions mondiales au service du développement humain.

Et les associations de solidarité internationale ?

En conclusion, je voudrais dire comme je suis atterré par le relatif silence
des associations de solidarité internationale dans le débat actuel, comme si
c’était un débat qui ne les concernait pas. A quoi bon organiser des forums
sociaux, faire signer des pétitions ou se mobiliser sur les objectifs du
millénaire et sur l’OMC, si c’est pour rester silencieux face à un enjeu
capital comme celui de l’approbation ou du rejet de ce texte ?

(*)Laurent Levard est délégué général de la fédération Artisans du Monde.
Il s’exprime à titre personnel. La Fédération Artisans du Monde n’a pas pris
position sur le TCE

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