Accueil > Le salaire de la peur
Routiers turcs : chair à canon si peu chère pour Ankara
(Cemil Aksu et Mehmet Akkurt à droite sur la photo)
Dans le cadre de sa campagne intensive de soutien à la résistance irakienne et de dénonciation du "partenariat stratégique" qui lie les administrations Bush et Erdogan, le 9 janvier dernier, la section antiochéenne de l’association pour les droits et les libertés fondamentaux (Temel Haklar) a organisé une conférence de presse avec deux routiers, M. Cemil Aksu et M. Mehmet Akkurt, tous deux fraîchement revenus d’Irak.
Nous publions ci-dessous l’interview effectuée avec ces deux routiers turcs :
– Pourquoi êtes vous allés en Irak ?
– Cemil Aksu : Par nécessité financière.
– Nous avons appris que les sociétés font signer une sorte de lettre d’échange aux routiers. Qu’en est-il exactement ?
– Cemil Aksu : La firme qui nous embauche nous dit : “nous vous consignons un véhicule qui vaut 100.000 dollars”. Le patron nous fait signer un bon de la valeur du véhicule en nous invoquant sa nécessité de prendre ses précautions pour ses biens.
– Les routiers peuvent-ils refuser de signer ?
– Cemil Aksu : Non, ils y sont contraints. La firme utilise ce bon comme un chantage. Ils nous ont déjà accusé d’avoir revendu leur véhicule à nos amis alors que nos camions avaient été réquisitionnés par les résistants irakiens.
– Que pensez-vous de l’occupation de l’Irak ?
– Cemil Aksu : Comme d’un individu venant de loin pour vous tuer et pour vous déposséder de votre maison.
– Pourquoi vous êtes-vous rendus en Irak en connaissance de cause ?
– Cemil Aksu : Ils nous disent que nous allons porter des vivres dans une zone située près de la frontière koweïtienne, à 20 kilomètres dans les terres irakiennes. Les sociétés nous promettent le paradis. Une fois sur place, nous constatons que c’est l’enfer. Les compagnies qui nous embauchent nous cachent l’identité des acquéreurs.
– Que leur apportiez-vous ?
– Cemil Aksu : Apparemment, des caisses dans lesquelles il y aurait de la nourriture... à vrai dire, nous en ignorons le contenu.
– Si les Etats-Unis occupaient notre pays et que de l’aide aux envahisseurs serait acheminée à partir des pays limitrophes, que feriez-vous ?
– Mehmet Akkurt : J’aurais fait partie de la résistance et j’aurais agi comme eux.
– Pensez-vous retourner en Irak ?
– Mehmet Akkurt : Je devrai m’y rendre dans les plus brefs délais. Je souffre d’une hernie discale. Voyez-vous, je ne peux effectuer un autre travail que de conduire des camions.
– Y a-t-il de l’aide apporté par les autorités à vos collègues tués en Irak ?
– Cemil Aksu : Non. Par exemple, la famille d’un ami originaire du village de Koyunoglu n’a reçu aucune indemnité.
– Pensez-vous à ce qui pourrait arriver à vos enfants si vous étiez tués ?
– Mehmet Akkurt : Vu ma situation misérable, je suis de toute façon déjà mort.
– Quand on vous annonce la mort de l’un de vos collègues, à qui en voulez-vous ?
– Cemil Aksu : A l’Amérique.
– Avez-vous été témoins de l’un ou l’autre événement sanglant ?
– Cemil Aksu : On nous fait circuler par les routes périphériques. Nous ne pouvons pas traverser le centre des villes. J’ai vu un grand nombre de véhicules en feu le long des routes. J’ai aussi vu des soldats américains tirer frénétiquement sur des véhicules irakiens. Et puis, dernièrement, nous étions passés tout près de Falloujah. Pourtant, même à la distance où nous nous trouvions, l’odeur de la mort était insoutenable.
HÖC
Front pour les Droits et les Libertés
www.haklar-ozgurlukler-cephesi.org