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Le scandale EADS révèle une attitude « schizophrène » de l’Etat (le temps )

Publie le mercredi 10 octobre 2007 par Open-Publishing

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Le scandale EADS révèle une attitude « schizophrène » de l’Etat

FRANCE. Des représentants de la direction du Trésor du Ministère des finances, qui était au courant des problèmes d’Airbus, siègent au conseil de surveillance de la Caisse des dépôts.

Sylvain Besson, Paris
Mercredi 10 octobre 2007

Des mines graves et une rangée d’hommes en costumes sombres sous les néons : le décor était posé, mardi à Paris, pour une série d’auditions très attendues sur le scandale EADS (EAD.PA). Devant les membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale, les dirigeants de la Caisse des dépôts (CDC) ont présenté cet établissement public, vieux de 190 ans, comme la « double victime présumée » d’un délit d’initié et de « fausses informations ».

En avril 2006, la Caisse des dépôts avait annoncé son intention d’acheter pour 600 millions d’euros d’actions EADS. Cette décision était motivée par des avis favorables d’analystes - JP Morgan et Morgan Stanley pensaient que l’action prendrait encore de la valeur - et par le souci de ne pas laisser « des fonds chinois ou des hedge funds » s’emparer d’une participation dans une entreprise aussi stratégique.

Deux mois plus tard, après l’annonce de retards important dans la fabrication de l’A380, l’avion géant d’Airbus, l’action perdait un quart de sa valeur en une journée. Alors que la Caisse des dépôts avait acquis sa participation au prix de 32,60 euros par action, celle-ci ne valait plus que 16,75 euros à la mi-juin. Son cours se situait légèrement au-dessus de 22,40 euros hier après-midi. Les principaux responsables d’EADS, en revanche, avaient pris soin de vendre leurs titres avant la débâcle.

« Je suis meurtri »

Selon ses dirigeants, la perte totale de la Caisse des dépôts pourrait avoisiner 191 millions d’euros. Pas de quoi menacer la santé de cette vénérable institution - la Caisse gère 400 milliards d’euros d’épargne confiés par l’Etat, des particuliers et des organismes sociaux -, mais assez pour énerver ses dirigeants. « Je suis meurtri », a affirmé Dominique Marcel, le directeur financier de la Caisse, dans un accès d’émotion plutôt rare pour un technocrate français de son rang. « Cette opération nous laisse [...] un mauvais souvenir. »

L’attitude de l’Etat français est l’élément le plus intrigant de l’affaire. Dès décembre 2005, il était informé, en tant qu’actionnaire d’EADS, des difficultés qui menaçaient le groupe. L’Agence des participations de l’Etat avait même recommandé de vendre le titre. Mais la Caisse des dépôts - qui dépend elle aussi de l’Etat - n’en a jamais été informée. Des représentants de la direction du Trésor du ministère des Finances, qui était au courant des problèmes chez EADS, siègent pourtant au conseil de surveillance de la Caisse. Mais ils sont restés « muets » lors des réunions, un comportement qualifié de « schizophrène » par un parlementaire.

Que savait Thierry Breton ?

Enfin, des doutes planent sur le rôle joué par l’ancien ministre de l’Economie, Thierry Breton. Avait-il connaissance de l’intention de la Caisse des dépôts d’entrer dans le capital d’EADS, et aurait-il pu éviter le désastre ? Lui affirme que non, mais le président de la commission de surveillance de la Caisse à l’époque, Philippe Auberger, prétend que son cabinet a dû être averti. L’ancien ministre, pressenti pour prendre la tête du groupe Alcatel (CGE.PA), voit ses perspectives de carrière sérieusement compromises.