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Le syndicat FAU Berlin interdit !

Publie le vendredi 29 janvier 2010 par Open-Publishing

Communiqué de la FAU

Le syndicat FAU Berlin interdit !

Depuis le 11/12/2009, le syndicat FAU Berlin est interdit de fait. L’arrêt a été prononcé sans audience
contradictoire. Le fait même que l’entreprise « Neue Babylon GmbH » ait entamé une action judiciaire
n‘avait pas été communiqué à la FAU Berlin, impliquée depuis plusieurs mois dans un conflit social avec
cette entreprise. L’arrêt va bien au-delà de la privation pour la FAU Berlin de ses droits syndicaux au
niveau de l’entreprise puisqu’elle n’a même plus le droit de se désigner comme « syndicat ».

L’interdiction prend effet immédiatement.

Le prélude

Depuis juillet 2009, la FAU Berlin et sa section syndicale revendiquent une convention collective et sont
impliqués dans un conflit social avec ce cinéma, le seul partiellement communal de Berlin, recevant des
subventions publiques et dans lequel on n’offre pas des salaires décents et ignore les droits de salariés. Dans
ce cinéma une partie considérable du personnel est syndiquée à la FAU Berlin. Ce conflit social, qui est le
premier conflit social majeur pour la FAU Berlin, encore bien petite, a rencontré un fort écho, non seulement
à Berlin, mais dans toute la république. Les anarcho-syndicalistes lancés dans un conflit social, s’appuyant
sur un boycottage très médiatisé et efficace pour gagner sur des revendications amples et innovantes, avec
une participation, inhabituelle pour le syndicalisme allemand, des salariés eux-mêmes : tout cela a
impressionné largement le public. Quand la pression a atteint un niveau tel que la direction ne pouvait plus
éviter les négociations, ce ne sont pas seulement la municipalité, mais aussi le syndicat DGB ver.di qui sont
intervenus.

Bien que ce syndicat ne dispose pas d’une base syndicale dans l’entreprise, ver.di a entamé des négociations
avec la direction sans y être mandaté. Malgré son indignation, le personnel concerné n’a pas été impliqué.
Il est clair qu’un marché entre le syndicat ver.di, la municipalité et la direction est à l’origine de ces
négociations afin de débarquer la FAU Berlin et de rétablir le calme dans la boîte. Mais les salariés et la
FAU ne s’étant pas résignés, il s’est suivi plusieurs « coups de matraque » judiciaires et une campagne de
ver.di contre la FAU. Ainsi, les modes d’actions de ce conflit social, comme le boycottage, ont été proscrits
par un tribunal. Ce même tribunal mettait en doute la « représentativité » du syndicat qui est en Allemagne
une condition préalable pour enclencher des conflits sociaux. Dans le même temps, il y a eu d’autres
procédures en diffamations initiées par la direction du cinéma. Mais la FAU Berlin ne reculant toujours pas,
cela a mené à l’arrêt récent qui interdit quasiment la FAU en tant que syndicat.

La situation en Allemagne

Dès le début, la FAU Berlin a estimé qu’il s’agissait dans ce conflit social, si petit soit-il, non pas seulement
de l’amélioration de conditions de travail, mais aussi des libertés syndicales en Allemagne. La tradition d’un
syndicalisme de combat en Allemagne a pris fin en 1933. Outre-Rhin, le DGB, soi-disant « confédération
unitaire », dispose presque d’un monopole dans la représentation des salariés (corporatisme) qui est bien
sanctuarisé par la jurisprudence et qui empêche les syndicats alternatifs de s’établir. À cause de ce système
syndical spécifique, l’autogestion et la décentralisation dans les syndicats ne sont ni reconnues ni souhaitées
au niveau juridique.

Ce conflit social modeste animé par la FAU Berlin a montré pour la première fois en RFA qu’il existe : une
alternative syndicale. Visiblement ceci ne pouvait pas être toléré par les syndicats établis et les partis
politiques qui craignaient évidemment les conséquences de cet exemple. C’est dans ce contexte que le
travail syndical de la FAU a été rendu illégal. Les implications de cet arrêt sont graves. Si la décision du
tribunal est maintenue, cela rendrait impossible de fonder et de construire des syndicats reconnus
juridiquement, le statut de syndicat dépendant a priori de la reconnaissance par la justice. Or les salariés entamant des conflits sociaux sans le statut de syndicat risquent des peines massives. Deux fois déjà, la FAU
a été menacée d’une amende de 250.000 euros, ou le cas échéant d’emprisonnement du secrétaire, si elle
poursuivrait ses actions syndicales.
Cet arrêt rend impossible le travail syndical légal de la FAU Berlin dans tous les domaines. Ainsi, les
anarcho-syndicalistes allemands sont menacés de nouveau, après la première guerre mondiale et le troisième
Reich, d’une prohibition.

Cet arrêt est d’autant plus scandaleux qu’il est le résultat d’une procédure d’urgence sans quelconques
auditions ou autre possibilité de défense de la part de la FAU. Ceci alors qu’il n’existe en Allemagne aucune
définition juridique claire d’un syndicat et que le pouvoir est apparemment capable de se mêler
arbitrairement de la jurisprudence concernant les syndicats. Bien que l’Allemagne ait ratifié certaines
conventions de l’OIT, elles n’y ont aucune valeur pratique comme ce sont essentiellement les syndicats
unitaires, et désormais même le patronat, qui dictent ce qu’est un syndicat. Même sous l’Empire au XIXe
siècle et dans les années vingt, les syndicalistes disposaient de davantage de droits. Avec cet arrêt, la
situation en Allemagne devient ressemblante à la situation misérable des syndicats en Turquie,
traditionnellement hostile au syndicalisme. Bien sûr il existe la possibilité d’une révision de cet arrêt. Mais
la FAU Berlin ne veut pas se faire d’illusions sur cette question. Entre-temps, tout semble possible alors que
l’ingérence politique dans cette affaire et la volonté d’étouffer dans l’œuf une alternative syndicale sont
évidentes.

La portée

La portée de l’arrêt est déjà considérable, mais son caractère durable serait une catastrophe. Depuis le 11/12,
la FAU Berlin peut être considérée comme un syndicat interdit. De fait, cet arrêt est également susceptible
de toucher tous les syndicats FAU en Allemagne. En tant que précédent il va nuire à tout le mouvement
syndical et aux droits des salariés. Dans la foulée de cette jurisprudence, une quelconque alternative
syndicale en Allemagne ne peut pas se construire. Ce cas de figure est une nouveauté dans la lutte anti-
syndicale menée par les entreprises en Allemagne. Suite à cette décision judiciaire, le patron lui-même peut
non seulement choisir le syndicat dans son entreprise, mais aussi définir ce qu’est même un syndicat !

L’autogestion des organisations de travailleurs, dans le cinéma Babylon à Berlin ou ailleurs, est rendu
illégale et l’institutionnalisation de la mise sous tutelle de la classe ouvrière progresse. Le syndicat ver.di
porte une lourde responsabilité dans cet arrêt, avec son intervention hostile, contraire à toute solidarité
syndicale. Hostilité volontaire, ver.di ayant déjà déclaré par écrit qu’il considère la FAU Berlin comme une
organisation concurrente contre laquelle on doit agir !

Solidarité !

C’est maintenant que la lutte pour les libertés syndicales en Allemagne commence. Des actions de solidarité
multiples s’imposent aujourd’hui. Protestez contre la situation en Allemagne, manifestez devant les
ambassades et consulats allemands, revendiquez la révision de cet arrêt et réclamez toutes les libertés
syndicales pour la FAU !

Vous pouvez, par exemple, nous soutenir concrètement par :

• des actions de protestation devant des ambassades et consulats allemands ou d’autres institutions qui
représentent l’État allemand.

• des courriels de protestation adressés à la fois à l’ambassade allemande dans votre pays et à la direction du
cinéma Babylon.

• des télécopies de protestation adressées au tribunal de grande instance de Berlin.

Dès que possible, vous allez trouver toutes les adresses nécessaires sur le site http://www.fau.org/verbot .