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Le ton monte entre Chávez et Toledo

Publie le lundi 16 janvier 2006 par Open-Publishing

de Pierre Martinez

La diplomatie a laissé la place à la polémique ouverte entre le Pérou et le Venezuela, sur l’affaire du soutien apporté par Chávez à un candidat aux prochaines élections présidentielles péruviennes.

“Hugo Chávez est président du Venezuela, et non de l’Amérique latine”. Ce mercredi, le président péruvien Alejandro Toledo a décidé de trancher dans le vif en répondant frontalement aux récentes déclarations de son homologue vénézuelien. Les prises de position répétées de Chávez et de son entourage dans la campagne présidentielle péruvienne agacent fortement du côté de Lima, d’autant plus qu’elles sont en faveur d’un opposant notoire de l’actuel président.

Ingérences dans un contexte de vide de pouvoir

Lors de la visite d’Evo Morales à Caracas la semaine dernière, le président vénézuelien accoutumé du franc-parler avait publiquement et explicitement apporté son soutien à Ollanta Humala, candidat apparenté à gauche pour la présidentielle du 9 avril prochain au Pérou. Considérant ces déclarations comme « une ingérence dans les affaires intérieures péruviennes », Toledo avait rappelé son ambassadeur au Venezuela pour consultation. Le président de l’assemblée nationale Vénézuélienne était alors sorti à défendre les propos de Chávez affirmant qu’ « [il] a le droit d’avoir des amis dans tous les pays du monde, [y compris] des candidats à la présidentielle »

Les tensions s’étaient néanmoins apaisées en fin de semaine dernière, les deux chancelleries essayant de calmer le jeu et de clore l’incident. La querelle a pourtant rebondit ce mercredi après les dernières déclarations du président vénézuelien. Il a cette fois affirmé que Loures Flores, elle aussi parmi les favoris pour la présidentielle, était avant tout « la représentante de l’oligarchie péruvienne ». La réaction ne s’est pas faite attendre de la part de Toledo, critiquant les intromissions répétées de Caracas dans les affaires intérieure, et affirmant que « [Chávez] peut avoir tous les pétrodollars qu’il veut, cela ne lui permet pas de déstabiliser la région ».

Qu’en est-il de ce candidat au centre de la controverse, et qui joue les trouble-fête au Pérou ? Ollanta Humala, militaire de carrière s’est fait connaître en 2000 en menant un soulèvement qui demandait la démission de l’ex-président Alberto Fujimori pour des affaires de corruption. En mettant fin au coup de force, il obtint une amnistie et poursuivit sa carrière dans l’armée jusqu’en 2004. Quant à son frère il mena la rébellion avortée de janvier 2005 dans le Sud-Est du pays, qui demandait la démission de Toledo, et qui se solda par la mort de six personnes dont quatre policiers.

Les deux frères exaltent notamment le nationalisme péruvien, en revendiquant l’héritage de l’empire inca et exprimant leur tendance anti-chilienne. Sur le plan économique ils réfutent le néo-libéralisme, l’ALCA, et proposent un plan de nationalisations des industries. De même que Chávez ou Guttierez avant lui, Ollanta Humala se présente comme un candidat « hors-système », issu de l’armée, et qui formule des critiques acerbes à classe politique péruvienne en trouvant un écho particulier dans un pays miné par la corruption et la misère (plusieurs enquêtes le placent en tête des intentions de vote).

Un épisode de la rivalité régionale

Dans ce contexte, les chavistes savent que Humala a des chances de l’emporter, et le vice-président vénézuelien José Vicente Rangel en a même profité pour ironiser sur la popularité de Toledo qui « ne dépasse pas 7% » alors que celle de Chávez avoisine les 70%. C’est aussi une manière pour ce même Chávez de solder ses comptes avec le président péruvien qui durant le coup d’Etat avorté de 2002 avait affirmé que « les peuples ont le droit de changer de gouvernement » avant de se rétracter 24 heures plus tard.

Sur le plan régional, le tension entre Lima et Caracas est aussi révélatrice de la différenciation progressive entre les pays gouvernés à gauche depuis plusieurs années, auxquels vient de s’ajouter la Bolivie, et d’un autre côté ceux qui privilégient la relation avec Washington dont le Pérou fait partie. Comme un indice supplémentaire de cette brèche grandissante, le président Mexicain Vicente Fox vient de renoncer à assister à la cérémonie d’investiture d’Evo Morales prévue le 22 janvier à La Paz, suite à l’invitation faite aux Zapatistes de l’EZLN d’y participer également.

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