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Le vicomte congédie son bouffon
Au Puy-du-Fou, le comédien Arnaud Monfort a été chassé sur le champ
pour avoir distribué des tracts sur la situation des intermittents.
Arnaud Monfort est monté pour la première fois sur les planches en
1988, à l’âge de dix-huit ans. Sa passion pour le théâtre devient
plus tard son métier. Le jeune comédien, originaire de Brest, se
consacre pleinement à la scène. Au cours de l’été 2000, pour la
première fois, il est engagé au Puy-du-Fou où, année après année, les
spectacles révisionnistes de Philippe de Villiers interprètent
l’histoire et la Révolution française selon la plus pure idéologie
chouanne.
Les étés suivants, Arnaud Monfort revient travailler en Vendée. Cette
année, il interprétait le rôle d’un bouffon dans le spectacle la
Bataille du donjon. Jusqu’à ce soir du mardi 22 juillet où des
intermittents, sous haute surveillance policière, se rassemblent à
l’extérieur du parc. Une action parmi beaucoup d’autres contre
l’accord qui taille en pièces leur régime d’assurance chômage. Avant
le spectacle, Arnaud Monfort va discuter avec les manifestants, puis
revient à l’intérieur du site, quelques tracts sous le bras. Des
tracts de sensibilisation à la situation des intermittents. Il les
distribue à ses camarades comédiens et à des bénévoles, appelés les
Puyfollets, qui ouvrent eux aussi à la mise en place du spectacle. "
Auparavant, raconte Arnaud Monfort, les Puyfollets avaient été
chauffés à blanc par de Villiers, qui leur répétait que les
intermittents voulaient casser le festival. Puis, deux journalistes
sont venus, micro en main, pour m’interviewer. "
Cette distribution de tracts et ces contacts avec des journalistes
n’ont visiblement pas été appréciés par les dirigeants du Puy-du-Fou.
L’un d’eux demande à l’impudent s’il est démissionnaire, ce qui n’est
pas du tout son intention. " Cinq minutes plus tard, raconte
l’acteur, Nicolas de Villiers, le fils de Philippe, est venu me dire
que j’étais viré. Je n’ai pas joué ce soir-là dans le spectacle et
j’ai été remplacé au pied levé par un autre comédien. "
Au Puy-du-Fou, on ne s’embarrasse pas de formalités pour congédier un
manant qui n’a plus l’heur de plaire au vicomte. " Les répétitions
puis les représentations s’étalent d’avril à septembre ", explique
Arnaud Monfort.
Cependant, pour la plupart des salariés du Puy-du-Fou, cette période
de travail est divisée en contrats à durée déterminée. Aucun de ces
contrats n’excède un mois. Sur chaque salarié pèse la menace de ne
pas voir son CDD reconduit. Et c’est précisément ce qui est arrivé à
Arnaud Monfort. Il a été rémunéré jusqu’au 31 juillet et depuis le
1er août... il cherche un autre travail. Les chouanneries de Monsieur
de Villiers se poursuivent sans lui.
L’indocile intermittent a la ferme intention de donner une suite à
cette affaire : " Il y a un Code du travail et il faut le respecter.
Je vais saisir le tribunal des prud’hommes. " Il s’est aussi mis en
relation avec la CGT, qui le conseille et s’interroge sur la légalité
des contrats de travail imposés par la direction du Puy-du-Fou et sur
le saucissonnage de l’emploi au cours de ce festival vendéen. Le
comédien espère obtenir des indemnisations. Arnaud Monfort adresse à
Philippe de Villiers ce simple rappel historique : " Nous ne sommes
plus sous l’Ancien Régime, la Révolution française est passée par
là."
Bruno Vincens