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Leïla Shahid espère que Sharon a " entendu le message "

Publie le dimanche 31 juillet 2005 par Open-Publishing
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Le premier ministre, Ariel Sharon, est venu à Paris pour redorer son blason. L’important est que la France et l’Europe lui aient fait savoir que le retrait de Gaza ne suffit pas.

À en croire les déclarations faites par Jacques Chirac et Ariel Sharon, mercredi, sur le perron de l’Élysée, on vient d’assister à la grande réconciliation entre la France et Israël. Nous avons demandé son opinion à Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France.

Que pensez-vous de cette réconciliation très médiatique ?

Leïla Shahid. Je pense qu’il s’agit surtout d’une réconciliation bilatérale sur la question de « l’antisémitisme militant » dont Ariel Sharon accusait la France (1). Un an après, voilà que le premier ministre israélien vient féliciter la France et recommander son exemple à tout le monde, en s’appuyant sur des chiffres - une baisse de 48 % des actes antisémites - dont on en peut que se féliciter. Mais en ce qui concerne le chapitre politique, on est loin me semble-t-il d’une véritable entente. La vision que le président Chirac a présentée d’un État palestinien et de la « feuille de route » (2) ne correspond pas à la politique de Sharon, qui est en train d’asphyxier Jérusalem et d’empêcher la création d’un État palestinien par l’annexion d’énormes blocs de colonies. J’espère qu’à ce sujet, le message des autorités françaises aura été assez clair : le retrait de Gaza n’est qu’une première étape de la « feuille de route ».

Ne craignez-vous pas qu’il s’agisse au contraire d’une carte blanche donnée à Ariel Sharon pour continuer cette politique ?

Leïla Shahid. Je ne le pense pas. Je crois que le président français lui a donné les messages qu’il a besoin d’entendre et qui sont aussi ceux de l’Union européenne : il faut qu’il y ait un après Gaza. Pour que le message passe, il fallait la réconciliation. Ariel Sharon va-t-il entendre ? C’est une autre affaire. Jusqu’ici il n’a pas montré beaucoup d’intérêt pour le processus de paix.

On parle d’une conférence internationale pour le relancer en septembre. Cela vous paraît-il un projet sérieux cette fois ?

Leïla Shahid. Oui, car je crois que le monde est devenu plus conscient de la nécessité de résoudre ce conflit, plus lucide sur le fait qu’il faut installer la paix dans le monde pour mettre fin à ces forces destructrices qui alimentent le terrorisme, même si elles n’ont pas de relations directes avec le conflit israélo-palestinien. Cette prise de conscience existe aussi chez les Américains qui se rendent compte que la fin de ce conflit ne peut avoir que des effets positifs. Mais il faudra imposer cette conférence à Israël qui n’en veut pas.

N’y a-t-il pas aussi des menaces sérieuses du fait des divisions interpalestiniennes ?

Leïla Shahid. Cette situation est le résultat de quatre années de destruction de l’Autorité palestinienne par l’armée israélienne. Nous sommes engagés dans un processus de reconstruction. Cela demande du temps. Cela demande aussi que l’on ne soit pas sans cesse doublé par l’armée israélienne. En ce moment, il y a trente chars israéliens à Jénine. L’armée israélienne et la police palestinienne se trouvent sur le même terrain, et la police palestinienne n’est pas armée. Il y a deux conditions pour que Mahmoud Abbas réussisse : que l’armée israélienne se retire et que la police palestinienne soit armée.

Pourrait-il désarmer les organisations palestiniennes comme le lui demande Sharon ?

Leïla Shahid. Il ne peut pas le faire tant que l’occupation continue. Ce n’est pas la stratégie qu’il a choisie, mais celle de la trêve. Elle a déjà fait ses preuves, mais ne peut tenir que si Israël de son côté arrête les assassinats ciblés et les incursions comme celle de Jénine.

On a l’impression que Sharon est venu à Paris en position de demandeur. Selon vous, qu’est-il venu chercher ?

Leïla Shahid. Israël a beaucoup souffert ces dernières années de la mauvaise image que lui donne sa politique, et qui commence à rejaillir sur les Américains. Sharon est donc demandeur de tout ce qui peut améliorer son image et asseoir sa légitimité. Il exploite en ce sens le désengagement de Gaza. Mais il faut faire attention car il y a un monde entre ce qu’il dit à Paris, sur le perron de l’Élysée, et ce qu’il fait sur le terrain, dans les territoires palestiniens. Pour nous, ce qui compte, c’est ce qu’il fait.

(1) Ariel Sharon avait accusé la France d’être le pays le plus antisémite d’Europe et appelé les juifs de France, qu’il estimait en danger, à émigrer en Israël.

(2) La « feuille de route » est un plan de paix par étapes mis au point par le « quartet » : États-Unis, Russie, Union européenne, ONU. Elle devait déboucher sur la création d’un État palestinien indépendant à la fin de cette année.

Entretien réalisé par Françoise Germain-Robin

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