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"Les Français acceptent la retraite à 62 ans" titre le Figaro. Comment l’IFOP manipule l’opinion publique.

Publie le mercredi 23 juin 2010 par Open-Publishing
2 commentaires

IFOP = MEDEF = Droite

L’IFOP, Institut Français de l’Opinion Publique, est historiquement le premier institut de sondage français. Il a été fondé le 1er décembre 1938 par Jean Stoezel.

Ce dernier est un sociologue ayant importé la méthodologie sondagière des Etats-Unis. C’est au retour d’un voyage d’étude outre-Atlantique au cours duquel il rencontre Georges Gallup, l’inventeur des sondages, qu’il fonde l’institut pour mettre en pratique ces techniques en France. L’IFOP centre dans un premier temps ces activités sur « l’étude de l’Opinion publique », en menant des enquêtes sur des grands sujets de sociétés (première étude en 1938 sur la prolongation de la durée de la scolarité), puis en réalisant les premiers sondages de popularité politique en France. A partir de 1949, l’entreprise se diversifie et investit le secteur des études de marchés et des enquêtes commerciales quantitatives. Comme tous les autres instituts de sondages, la plus grande partie de son chiffre d’affaire est aujourd’hui issue de ce secteur d’activité.

Sans être économiquement parlant la plus rentable des entreprises sondagières, l’IFOP est aujourd’hui l’institut publiant le plus grand nombre de sondages. Le groupe est présent sur 4 continents (Europe, Asie, Amérique du nord et Amérique du sud), où il possède divers entreprises, mais reste centré sur le métier des enquêtes quantitatives (Opinion publique, marketing, études de marché et de consommation…). Son chiffre d’affaire était en 1999 de 130 millions de francs. La devise du groupe est « Global strength in intelligence marketing », en français « La solution globale en intelligence marketing ». Au-delà du non sens absolu de cette devise, on appréciera la sémantique. On retrouve bien ici, en creux, les thématiques d’auto-légitimation des sondeurs, qui donnent à voir leur produit comme un improbable remède miracle à un mal fantasmé, celui de l’impossible communication entre gouvernants et gouvernés, entre producteur et consommateur, etc. En même temps, cette devise nous rappelle que le sondeur se préoccupe de business, et non de démocratie. Toute la prose que l’IFOP nous propose sur elle-même tourne d’ailleurs autour de sa relation avec le client, sans jamais évoquer les interférences avec le débat public ou les conséquences de son activité sur le jeu politique : « Le client est au cœur de notre idéologie » (présentation du groupe sur son site internet).

Mais la principale particularité de l’IFOP est celle d’être dirigée par Laurence Parisot, qui est aussi présidente du Medef depuis juillet 2005. Laurence Parisot a construit sa fortune dans la construction de meubles. Elle est actionnaire majoritaire de l’IFOP (52% du capital). Elle en était aussi PDG de puis 1990. Elle a laissé cette fonction au début de l’année 2008, tout en restant membre du directoire du groupe. Elle a donc cumulé les rôles de propriétaire et de directrice opérationnelle de l’institut pendant près de 20 ans. La double casquette IFOP-Medef de Laurence Parisot est doublement symbolique. Le remplacement d’Ernest-Antoine Seillière, baron de l’industrie traditionnelle (le groupe qu’il dirige est à l’origine une entreprise d’aciérie lorraine) par Laurence Parisot à la tête du Medef en dit long sur l’aspect hautement stratégique, à la fois politiquement et économiquement, des entreprises de sondages. Elle symbolise les mutations en cours du capitalisme moderne, dans lequel la production d’information a pris le pas sur la production industrielle. Mais cette double appartenance montre aussi les implications idéologiques, sous couvert de neutralité, de l’activité sondagière. On comprend mal comment une même personne peut à la fois diriger une entreprise ayant une activité aussi importante dans le débat démocratique et dans l’information moderne et occuper une place aussi marquée politiquement que la présidence du Medef. Difficile en effet dans ces conditions de croire que les sondages, et en particuliers ceux de l’IFOP, se contentent de « rapporter », de manière neutre et objective, « l’opinion publique ».

L’IFOP a d’ailleurs souvent été accusé de partialité politique. De nombreux sondages publiés par cet institut lors de la dernière campagne présidentielle ont été accusés de surestimer les estimations de vote pour N. Sarkozy, ou encore de construire une représentation de l’espace politique susceptible de le favoriser (par exemple en simulant des seconds tours Bayrou-Sarkozy, alors même que Bayrou n’était pas en position d’accéder au second tour, ces simulations montrant que Bayrou battrait Sarkozy et détournant ainsi certains votes de la candidature Royal). L’IFOP était déjà, par ailleurs, l’institut de sondage attitré de l’Elysée à la fin du deuxième mandat de Jacques Chirac…

trouvé sur le site du collectif "sondons les sondeurs" http://www.sondonslessondages.org/i...

Messages

  • Le 24 juin et les médias
    Déclaration de Bernard Thibault, Secrétaire général de la Cgt
    mercredi 23 juin 2010

    Anticipant une journée de mobilisation unitaire pour la défense des retraites qui s’annonce puissante, les avocats du projet de loi gouvernemental multiplient les tentatives pour réduire l’ampleur des protestations à l’expression d’une minorité agissante.

    Ainsi, Le Figaro fait sa Une ce matin sur le résultat d’un sondage IFOP pour tenter d’accréditer l’idée que « 58 % des français approuvent la retraite à 62 ans ». Il y aurait un revirement de l’opinion des français puisque toutes les enquêtes ont montré jusqu’à présent une forte majorité en profond désaccord avec la volonté de saborder le droit au départ à la retraite à 60 ans.

    A y regarder de plus près, je constate que :

    • l’on interroge les français sur le caractère « acceptable » du recul de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite et qu’on leur fait dire qu’ils « approuvent les 62 ans »,

    • 70 % des retraités jugent « acceptable » une mesure qui ne les affecte pas, tout comme 67 % des professions libérales et 61 % des artisans et commerçants,

    • Le Figaro aurait pu faire son titre sur les 67 % qui jugent la réforme « plutôt injuste ».

    Cette tentative de manipulation de l’opinion conduit l’éditorialiste du Figaro à affirmer de manière péremptoire « les français comprennent la nécessité de porter l’âge légal de la retraite à 62 ans, ils approuvent le gouvernement d’avoir pris cette décision ». C’est une version du « comment prendre ses désirs pour des réalités ».

    Parallèlement, une autre enquête IFOP également publiée ce matin mettrait en évidence que 57 % des français ne font pas confiance aux syndicats. Là aussi, il s’agirait d’une rupture avec toutes les enquêtes précédentes sur le sujet qui ont toutes mis en évidence un taux de confiance oscillant entre 53 et 57 % à l’avantage des syndicats.

    L’explication réside sans doute dans l’avertissement discret commentant le résultat « les comparaisons sont difficiles. La méthode du sondage n’est pas la même que les années précédentes ». Les sondés ont été sollicités via Internet, ce qui représente un « biais », selon les spécialistes des sciences sociales.

    En effet, faut-il être abonné à Internet pour que son opinion soit prise en compte ? Peu importe ce détail pour les commanditaires, l’essentiel est d’alimenter le discrédit sur la parole syndicale.

    Les mauvaises langues ont relevé que ces deux enquêtes d’opinion, relayées aujourd’hui dans les médias, émanent de l’IFOP dont la Vice-présidente n’est autre que Madame Parisot, par ailleurs Présidente du Medef !

    Je ne peux m’empêcher de rapporter ces faits à d’autres tout aussi préoccupants. Ainsi, à deux reprises cette semaine, une radio et une chaîne de télévision, toutes deux publiques, ont décommandé l’invitation qui m’était faite de venir exprimer nos positions avant la journée de mobilisation du jeudi 24 juin. Une autre invitation, celle-ci prévue pour demain soir, est mise en suspend. A chaque fois, c’est l’actualité footballistique qui justifierait ces changements de programme.

    Le débat de société sur l’avenir des retraites qui engage le sort de millions de salariés pour plusieurs décennies devrait s’effacer derrière les péripéties de notre équipe de football !

    Aussi, j’interpelle par avance publiquement les rédactions des principaux médias qui seraient tentées jeudi de reléguer la journée de grèves et de manifestations au rang des faits divers. L’élimination de l’équipe de France de football de la coupe du monde 2010 est malheureusement une affaire entendue ; la mobilisation contre le projet de réforme des retraites, elle, ne fait que commencer.

    Montreuil, le 23 juin 2010

  • C’est bien mon avis que les péripéties du monde du football servent à cacher d’autres péripéties de la société française et du monde en général. Mais il est difficile pour la plupart des salariés de s’élever à ce niveau d’analyse, faute d’une organisation politique propre et de ses capacités d’éveil idéologique servant leur intérêt de classe, qui est l’intérêt général.
    C’est pourquoi le débat politique en France est d’un niveau aussi déplorable.