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Les U.S. sabotent le plan de paix irakien

Publie le vendredi 30 juin 2006 par Open-Publishing
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CODEPINK Women for Peace

Les nourrices U.S. transforment le plan de paix irakien en panade.

Le 27 juin 2006

Par Medea Benjamin et Raed Jarrar

Le plan de réconciliation irakien révélé par le Premier Ministre Al-Maliki dimanche dernier avait le pouvoir de marquer un tournant dans la guerre. Mais à cause de l’interférence des E.U., à la place d’une autoroute vers la paix, le plan qui en est sorti ressemble davantage à un cahot de plus sur le douloureux sentier de la violence et de la souffrance.

Les officiels du gouvernement irakien, préoccupés de réduire la violence qui a englouti leur nation, ont engagé le mois dernier des pourparlers avec différents groupes d’insurgés, pour aboutir à un plan de réconciliation. Les racines de ce plan ne sont pas neuves. Elles datent de la Conférence de Réconciliation du Caire, en novembre 2005, où des Irakiens de différentes tendances politiques et religieuses se sont rassemblés pour élaborer une longue liste de recommandation afin de mettre fin à la violence.

Le plan annoncé dimanche par le gouvernement irakien est basé sur plusieurs de ces recommandations. Il inclut des compensations pour les victimes du terrorisme, des opérations militaires et de la violence, des punitions pour les responsables d’actes de torture, des compensations pour les fonctionnaires civils du gouvernement qui ont perdu leur emploi après la chute du régime de Saddam, la neutralité politique des forces armées irakiennes, et le démantèlement des groupes militaires irakiens ; le retour des personnes déplacées dans leurs foyers et des compensations pour les pertes qu’ils ont subies ; une inspection du comité de dé-baasisation, pour s’assurer qu’il respecte la loi, ; et une coopération avec les Nations Unies et la Ligue Arabe pour mener à bien la réconciliation nationale.

Mais deux des aspects les plus critiques du plan de réconciliation discuté avec les insurgés - le retrait des troupes U.S. et l’amnistie pour les irakiens qui ont combattu des soldats, mais pas civils irakiens - ont été abandonnés sou intense pression étasunienne. Résultat : un plan affaibli qui n’incitera probablement pas un nombre signifiant de combattants à déposer leurs armes.

Le retrait des troupes U.S. est la clé de tout plan de paix, et est souhaité par la majorité des Irakiens. Un sondage de World Public Opinion, en début de cette année, a montré que 87% de la population est favorable à l’établissement d’un agenda pour le retrait des U.S. Parmi les Sunnites, que ce plan est destiné à attirer, c’est carrément 94%. De fait, l’appel pour un agenda a été répercuté par des officiels de haut niveau à l’intérieur même du gouvernement irakien. Lorsque le Président Bush a fait son petit tour de six heures en Irak, le 13 juin, le Vice-Président Tarik Al-Hashimi a demandé à Bush un calendrier pour le retrait des forces étrangères en Irak. Le lendemain, le Président Jalal Talabani a publié un message exprimant son soutien à la requête du Vice-Président. Ensuite le jeudi 20 juin, Mowaffak al-Rubaie, Conseiller à la Sécurité Nationale, a écrit une lettre ouverte au Washington Post, disant que les Irakiens considéraient à présent les troupes étrangères comme des occupants plutôt que comme des libérateurs, et que leur retrait donnerait force au gouvernement à peine éclos.

Mais de retour aux Etats-Unis, les Républicains se sont contentés de répéter toute la semaine leur mantra « nous-restons-dans-la-course, pas-d’agenda-pour-le-retrait ». Ainsi, alors que la proposition de réconciliation initiale appelait un tel agenda, dans la version finale, on ne trouve absolument rien au sujet d’un quelconque retrait des troupes U.S.

L’autre point critique balayé par le karsher des pressions politiques étasuniennes concerne l’amnistie. Le concept original était une large amnistie pour les combattants et les détenus qui « n’avaient pas répandu le sang des civils irakiens ». Ceux qui avaient attaqués des soldats, américains ou irakiens, auraient été pardonnés pour leur résistance à l’occupation, alors que ceux qui s’en étaient pris aux civils ne le seraient pas. Mais le document final était plus ambigu. Il appelait l’amnistie « pour ceux qui n’ont pas été convaincus de crimes, d’activités terroristes et de crimes de guerre contre l’humanité ».

Sans une amnistie explicite pour ceux qui ont pris les armes contre les soldats U.S., qu’ils considéraient comme des envahisseurs étrangers, il n’y a aucune chance d’arrêter la violence. Malheureusement, ce sont les leaders Démocrates du congrès qui ont mené la charge contre l’amnistie, introduisant au Sénat un amendement contre elle avant même que le plan soit publié. Le Sénateur Carl Levin, le premier Démocrate au Comité des Services Armés du Sénat, a déclaré dimanche sur Fox News que « L’idée qu’ils puissent seulement envisager de parler d’amnistie pour des gens qui ont tué ceux qui venaient libérer leur pays est inconcevable. » Ce qui est inconcevable, c’est que les Démocrates utilisent l’amnistie comme un bâton politique pour battre l’administration Bush au jeu pré-électroral du « Nous-sommes-plus-patriotes-que-vous », plutôt que de reconnaître qu’il s’agit d’une composante nécessaire à tout plan de paix sérieux.

Dans sa lettre ouverte au Washington Post, le Conseiller à la Sécurité nationale irakien Mowaffak al-Rubaie a déploré que des personnalités étrangères influentes essaient de mettre les Irakiens en nourrice et a parlé du besoin pour les Irakiens de trouver eux-mêmes des solutions à leurs propres problèmes. Les tentatives U.S. de faire avaler à la cuiller aux Irakiens une version pré-mâchée étasunienne de « réconciliation » sont précisément le genre d’intrusion à laquelle al-Rubaie fait référence. Et ce que l’on reçoit à la cuiller, ça s’appelle une panade. Les Irakiens, affamés d’une nourriture plus consistante, méritent mieux.

>article original ici (en anglais)

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