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Les adieux discrets de Kofi Annan

Publie le dimanche 31 décembre 2006 par Open-Publishing
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Véritable vedette du monde diplomatique, Kofi Annan, qui s’apprête quitte aujourd’hui un poste de secrétaire général de l’Onu occupé pendant dix ans, respire la dignité, la compassion et la simplicité - rien d’étonnant donc à ce qu’on ait tendance à l’idéaliser.

Après s’être vu décerner le prix Nobel de la paix en 2001, les mauvaises nouvelles ont commencé à s’accumuler pour lui : le déclenchement en Irak d’une guerre à laquelle il s’opposait, de nouveaux scandales à l’Onu, une détérioration de ses relations avec l’administration Bush et des appels à la démission émanant, pour la plupart, de conservateurs américains.

"Les déclarations qu’il a faites au cours de ses trois ou quatre premières années (à son poste) ont été les plus importantes et les plus mémorables : sur les droits de l’homme et la question humanitaire", estime James Traub, auteur d’un récent livre sur Annan, "Les meilleures intentions - Kofi Annan et l’Onu dans l’ère de la superpuissance américaine".

"Lors de son second mandat, la quasi totalité de ce qu’il a entrepris a échoué."

Annan, un Ghanéen de 68 ans, seul secrétaire général de l’Onu à avoir fait carrière au sein de l’organisation, estime avoir fait entrer dans les consciences l’idée que, souveraineté ou pas, on doit protéger la population civile d’un pays quand ses dirigeants ne veulent ou ne peuvent pas le faire. Il est aussi fier de son combat contre la pauvreté.

"On ne peut vivre durablement dans un monde où la pauvreté extrême côtoie des richesses immenses", a-t-il déclaré au sujet des Objectifs de développement du millénaire, recouvrant la lutte contre la pauvreté et l’amélioration de l’éducation.

LA GUERRE EN IRAK, UN COUP DUR

La guerre en Irak - qu’il a lui-même qualifiée d’"illégale" - lui fait perdre sa voix pendant plusieurs mois. Un attentat à la bombe contre le QG de l’Onu à Bagdad, le 19 août 2003, fait ensuite 22 morts parmi des membres du personnel onusien qu’Annan avait fini par accepter de renvoyer en Irak... à la demande des Etats-Unis.

"Cela m’a presque autant touché que la perte de ma soeur jumelle", a-t-il confié lors de sa dernière conférence de presse, étouffant des sanglots à l’évocation d’Efua Annan, qui a succombé à une maladie en 1991.

En 2003 éclate aussi le scandale du programme "pétrole contre nourriture", dont il s’avère qu’il a été en partie détourné de son objectif - compenser les effets sur la population irakienne de l’embargo onusien sur l’Irak - par Saddam Hussein. Des sanctions avaient été adoptées contre le régime de Bagdad pour son invasion du Koweït.

Peu de responsables de l’Onu ont été accusés d’enrichissement personnel, mais l’organisation a été taxée de négligence et de manque de transparence. Annan a reconnu des ratés dans la gestion du programme mais a jugé que "le scandale réside (...) dans les capitales et les 2.200 entreprises qui ont fait affaire avec Saddam Hussein dans notre dos".

Ses détracteurs estiment que l’Onu a sous-estimé la gravité du scandale et des doutes subsistent encore sur le rôle joué par le fils d’Annan, Kojo, qui a travaillé pour une entreprise à laquelle "pétrole contre nourriture" a confié un gros contrat.

Pour les conservateurs américains, ce scandale prouve l’inutilité de l’Onu. Washington, quelle que soit la couleur politique de ses dirigeants, est souvent irrité par les Nations unies du fait qu’il leur arrive de s’opposer à sa politique étrangère.

DÉVELOPPEMENT, DROITS DE L’HOMME, SÉCURITÉ

Annan a été choisi par l’administration Clinton qui venait de s’opposer à la reconduction de son prédécesseur, l’Egyptien Boutros Boutros-Ghali, invoquant l’absence de réforme sous son mandat - une accusation réutilisée contre Annan.

Membre d’une famille de négociants de l’ethnie Fante (son père était chef coutumier), Kofi Annan est issu d’une famille de cinq enfants, dont une soeur jumelle décédée en 1991.

D’abord marié à une Nigériane dont il a eu un fils et une fille, il s’est remarié à une avocate et artiste suédoise, nièce du diplomate Raoul Wallenberg qui s’est illustré en sauvant des milliers de Juifs en Hongrie durant la Seconde Guerre mondiale.

Diplomate à la mise impeccable, Annan a redonné à l’Onu, qui en avait besoin, une touche de glamour et une nouvelle autorité morale grâce à sa tenacité et son charisme, sans compter sa connaissance parfaite des rouages de l’organisation, dont il avait dirigé successivement divers départements après des études internationales.

Quoiqu’en dise Washington, Annan a présenté des propositions de réforme, comme en témoigne son traité, "Dans une liberté plus grande", qui lie droits de l’homme, développement et sécurité.

Au cours de la dernière année, il a repris confiance en lui, négociant le retrait israélien du Liban, critiquant l’unilatéralisme des Etats-Unis, reprochant aux partisans des Palestiniens de voter sans cesse à l’Assemblée générale des résolutions hostiles à Israël et dénonçant l’inaction générale face au conflit du Darfour, au Soudan.

La famille Annan compte vivre entre Europe et le Ghana, où l’ex-"SG" veut créer une fondation sur l’agriculture africaine. Mais pour l’heure, plaisante-t-il, Kofi Annan entend vivre "dans une liberté plus grande".

http://laurentfabius2007.over-blog.com

Messages

  • l’ONU : dure avec les faibles, soumise avec les forts. Quand on voit l’état du monde en présence d’une ONU, on peut s’interroger sur son utilité.

    • Il vaut mieux une légalité internationale que le règne total de l’arbitraire, ceux qui veulent se débarrasser des Etats-Unis c’est G.W.Bush et sa clique. cela dit je trouve que ce texte hagiographique sur Kofi Annan mériterait d’être nuancé quant au bilan réel de ce secrétaire général de l’ONU, en particulier certaines "réformes" qu’il a initiées et qui vont tout à fait dans le sens du "marché" et de l’absence de reconnaissance des droits à l’autodétermination des peuples...

      Danielle Bleitrach