Accueil > "Les déclarations d’Obama sont de très mauvais augure pour la paix"

"Les déclarations d’Obama sont de très mauvais augure pour la paix"

Publie le vendredi 13 juin 2008 par Open-Publishing
3 commentaires

Uri Avnery est exaspéré par l’incompétence et la complaisance aux thèses extrèmistes manifestées par Barack Obama lors de son discours devant l’AIPAC.

« Sa déclaration sur Jerusalem dépasse les bornes. Il n’est pas exagéré de la qualifier de scandaleuse, » tonne Avnery, qui rappelle que depuis Camp David, « tous les gouvernements ont compris que la revendication d’une Jerusalem indivise représentait un obstacle insurmontable au processus de paix. »

de Uri Avnery, Gush Shalom

Après des mois d’une course rude et âpre, un combat sans concession, Barak Obama a fait mordre la poussière à sa formidable adversaire, Hillary Clinton.

Il a réalisé un miracle : pour ma première fois dans l’histoire, un noir devient un candidat crédible à la présidence du pays le plus puissant du monde. Et quelle est la première chose qu’il a faite après son étonnante victoire ? Il s’est précipité au congrès du lobby d’Israël, AIPAC, pour prononcer un discours qui pulvérise tous les records de servilité et de soumission. Cela est déjà assez choquant.

Ce qui est encore plus choquant, c’est que personne n’ait été choqué. CE FUT un congrès triomphaliste. Même cette puissante organisation n’avait jamais rien vu de tel. Sept mille délégués juifs de l’ensemble des États Unis se sont rassemblés pour recevoir l’allégeance de l’ensemble de l’élite de Washington venue se prosterner à ses pieds. Chacun des trois candidats à la présidence a prononcé un discours, chacun s’efforçant de surpasser les autres en flatterie. Trois cents sénateurs et membres du congrès emplissaient les couloirs. Tous ceux qui souhaitent être élus ou réélus à quelque fonction que ce soit, et même tous ceux qui nourrissent une ambition politique, étaient venus pour voir et se faire voir. [...]


[...] IL Y A SOIXANTE CINQ ANS, pendant que l’Allemagne nazie exterminait leurs frères et leurs sœurs en Europe, les membres de la communauté juive américaine n’ont rien fait pour leur venir en aide. Ils ont été incapables de convaincre le président Franklin Delano Roosevelt de faire quelque chose d’important pour arrêter l’Holocauste. (Et au même moment, beaucoup d’afro-américains n’osaient pas approcher des bureaux de vote par crainte des chiens que l’on lâchait contre eux.)
Qu’est-ce qui a entraîné l’étourdissante ascension au pouvoir de l’establishment juif américain ? Un talent d’organisation ? L’argent ? La montée dans l’échelle sociale ? La honte pour leur manque de réaction pendant l’Holocauste ?

Plus je pense à ce phénomène étonnant, plus se renforce ma conviction (sur laquelle j’ai déjà écrit dans le passé) que ce qui compte en réalité est la similitude entre l’aventure américaine et l’aventure sioniste, à la fois au plan spirituel et au plan pratique. Israël est une petite Amérique, l’Amérique est un énorme Israël.

Les passagers du Mayflower, dans une large mesure comme les sionistes de la première et de la seconde aliya (vague d’immigration), ont fui l’Europe, portant en eux une vision messianique, qu’elle soit religieuse ou utopique. (En vérité, les premiers sionistes étaient en majorité athées, mais les traditions religieuses avaient influencé fortement leur vision.)
 Les fondateurs de la société américaine étaient des "pèlerins",
 les immigrants sionistes se nommaient eux-mêmes "olim" - l’abréviation de "olim beregel", pèlerins.
 Les uns comme les autres voguaient vers une "terre promise", se considérant comme le peuple élu par Dieu.

 Les uns comme les autres ont connu beaucoup de souffrances dans leur nouveau pays. Les uns et les autres se sont vus comme des "pionniers" faisant fleurir le désert, "un peuple sans terre dans une terre sans peuple".

 Les uns comme les autres ont ignoré les droits des populations indigènes qu’ils considéraient comme des sous-hommes et des assassins.

 Les uns et les autres voyaient dans la résistance naturelle des populations locales la preuve de leur caractère meurtrier inné, ce qui justifiait même les pires atrocités.

 Les uns et les autres ont chassé les indigènes et se sont accaparé leurs terres comme la chose la plus naturelle à faire, s’établissant sur chaque colline et sous chaque arbre, avec une main sur la charrue et la Bible dans l’autre.

C’est vrai, Israël n’a pas commis quelque chose à la mesure du génocide perpétré contre les indigènes américains, ni quelque chose qui ressemble à l’esclavage qui a persisté pendant plusieurs générations aux États Unis.

 Mais, puisque les américains ont refoulé ces atrocités de leur conscience, rien ne s’oppose à ce qu’ils se comparent aux Israéliens.

Il semblerait que dans l’inconscient des deux nations il y ait un ferment de sentiment de culpabilité refoulé qui s’exprime par la négation de leurs mauvaises actions passées, par de l’agressivité et par le culte du pouvoir.

COMMENT SE FAIT-IL qu’un homme comme Obama, le fils d’un père africain, s’identifie de façon aussi complète aux actions des générations de blancs américains qui l’ont précédé ? Il montre une fois de plus la capacité d’un mythe à s’enraciner dans la conscience d’une personne, au point qu’elle s’identifie à 100% au récit imaginaire de l’histoire nationale. Il faut ajouter à cela le désir inconscient d’appartenir au camp des vainqueurs, dans la mesure du possible.

 Par conséquent, je n’accepte pas sans réserve l’idée : "Eh bien, il lui faut tenir ce discours pour se faire élire. Un fois à la Maison Blanche, il redeviendra lui-même."
Je n’en suis pas sûr. Il peut s’avérer que ces choses aient une emprise étonnamment forte sur son univers mental.

 Il y a une chose dont je suis certain : les déclarations d’Obama au congrès de l’AIPAC sont très, très mauvaises pour la paix. Et ce qui est mauvais pour la paix est mauvais pour Israël, est mauvais pour le monde et mauvais pour le peuple palestinien. S’il maintient ces déclarations un fois élu, il sera dans l’obligation de dire, s’agissant de la paix entre les deux peuples de ce pays : « Non, je ne peux pas. »

http://contreinfo.info/article.php3...

Messages