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Les extra-terrestres de l’information dans la manifestation Anti-Bush

Publie le mardi 8 juin 2004 par Open-Publishing
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Sur le site Yahoo, on peut lire aujourd’hui un surprenant article, certainement produit par des amateurs parachutés d’une autre planète, ébahi devant la foule bigarrée qui a défilé à Paris contre Georges Bush. Déçus de ne pas voir tous les manifestants en uniforme monotone brandissant une seule et unique parole, comme cela se fait dans le monde opposé des télé-gouvernements, Philippe Blanchard et Leslie Varenne nous annonce fièrement leur titre-conclusion enfantin à propos du : "front désuni des anti-Bush" !

Mon Dieu ! Ils n’ont pas compris que nous sommes justement unis parce que nous sommes différents !

Nos deux extra-terrestres découvrent tout de même que "jamais un président américain n’aura réussi à générer un sentiment aussi fort de rejet à travers le monde". Ils ne soupçonnent étonnement pas que cette découverte détruit d’office le reste de la "démonstration".

Et la belle "démonstration" démarre : Elle s’appuie d’abord sur le fait que "le front des manifestants n’est guère uni et traduirait même l’émergence d’une nouvelle contestation politiques, apparaissant spontanément en dehors de l’encadrement des partis traditionnels." En effet, ce phénomène est étrange, car dans l’autre monde, les contestations doivent obligatoirement suivre les schémas éternels enseignés dans les écoles de "sciences politiques", schémas ainsi renouvelé par l’incompréhension, suivie du rejet, de tout ce qui n’appartient pas au système établi.

Ainsi, la grande preuve de notre désunion est que les manifestants n’ont pas tous le même discours ! En effet, "loin de reprocher à Bush son approche économique ultra-libérale, c’est avant tout son manque de respect pour le monde arabe que dénoncent les partis musulmans de France", ainsi que "l’appétit démesuré de Washington pour le pétrole irakien et sans doute saoudien censé garantir aux américains des habitudes de consommation dispendieuses fut ce au prix de nombreux morts au Moyen-Orient" ! Ce discours ne rentre pas effectivement dans la grille de lecture mécanique des fonctionnaires de nos médias, ce qui provoque une indigestion d’informations qui nourrit certainement un module psycho-régulateur conçu à l’avance où il est écrit : "Victoire ! Ils sont désunis ! Ils ne parlent pas de la même façon !".

L’ordinateur implanté en masse dans les ex-cerveaux humains des nouveaux extra-terrestres de l’information ne sait d’ailleurs pas détecter que des contenus différents peuvent pointer vers le même objet conceptuel. On doit malheureusement rappeler au passage que cette capacité perdue est une propriété fondatrice de l’intelligence. Est-il vraiment utile d’expliquer à nos "journalistes" que l’ultra-libéralisme se traduit forcément par un "grand appétit pour le pétrole" ? Est-il vraiment utile aussi de leur expliquer que l’ultra-libéralisme ne se limite pas à l’économique mais génère forcément une agressivité, militaire et idéologique, qui se traduit par un manque de respect envers les autres peuples ? Ont-ils par exemple regarder le mur en Palestine qui imprime à l’échelle d’un pays l’image de ce manque de respect ? Leur faut-il plus de satellites aveugles et impuissants pour constater qu’ils ne voient plus la terre mais un espace dans lequel on les enferme comme des créatures-produits qui s’éloignent de l’humain ?

Ils sont là et ils disent "Regardez ! Des femmes voilées !". Il y en avait en effet une dizaine dans la manifestation qui ont, selon les auteurs, réussi "leur prestation si l’on en juge au nombre de caméras braquées sur elles." On devrait plutôt trouver douteux ce goût démesuré des caméras à rechercher désespérément le voile pour les grands titres de journaux avides de faux-débats. Au lieu de quoi, ils ont trouvé quelque chose qui ne les intéresse visiblement pas, quelque chose de fondamental qui a coloré toute la manifestation et formé son unité : La Palestine !

Les auteurs écrivent sans comprendre : "les slogans des manifestants sont aussi et de manière surprenante l’occasion d’affirmer un soutien sans faille à la cause palestinienne". Surprenant aussi de constater un "nombre impressionnant des manifestants acquis à la cause des palestiniens ".

Les auteurs affirment ainsi le contraire de leur démonstration, à savoir que les Anti-Bush sont unis et qu’ils ont aussi intégré la Palestine au centre de la lutte contre la guerre et contre l’occupation. Que cette unité les dérange, nous le comprenons et nous pouvons même leur expliquer à quel moment précis de l’histoire de l’humanité le mot "Palestine" était devenu dérangeant pour tous ceux qui ne savent plus que ce mot enferme en son sein une idée profonde de la paix. La Palestine a retrouvé symboliquement ce samedi 5 juin un reflet de ce sens : la multitude et la différence.

Ignorant tout de l’histoire moderne du soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël, ignorant la liste interminable des vetos américains à chaque fois qu’Israël a construit des colonies ou bombardé des populations ou annexé des territoires, ignorant la déclaration de guerre de GW Bush du 14 avril dans laquelle il autorise l’annexion des grandes implantations coloniales et la construction du mur de l’apartheid, ignorant tout ce que leurs satellites ne savent pas filmer, ils déversent sur nous le qualificatif de "radical" ! Selon eux, "la plupart des organisations profitent de la manifestation en faveur de la paix pour venir déverser des revendications qui pourraient presque passer pour radicales, voire haineuses à l’encontre de Washington, accusé de soutenir en bloc le régime Sharon".

Accusé ? Seulement accusé ? Dans un monde respectueux de la connaissance et du savoir, les auteurs de cet article seraient renvoyés à l’école.

Les médias français ont boudé la manifestation anti-Bsuh. On pouvait espérer sur Yahoo un reflet un peu plus digne de ce qui se passe sur la scène politique française.

Nazem Ghemraoui
agendaprocheorient@yahoo.fr


Voici le texte intégral de l’article paru sur Yahoo :

http://fr.news.yahoo.com/040607/108/3ubr8.html

Le front désuni des anti-Bush

Samedi 5 juin, plusieurs milliers de manifestants défilaient de la place de la Bastille à la rue de Rivoli afin de protester contre la venue en France du président américain.

Sac a dos en bandoulière, un homme entre deux âges porte un badge qui retient l’attention : "Privatize Bush" peut on y lire. Clairement exprimé, le slogan condamne la politique ultralibérale de l’administration Bush tandis que le président américain est en visite en France pour les cérémonies de commémoration du D Day. Et tandis que des générations d’européens ont grandi avec l’image du GI libérateur distribuant du chewing gum et des boites e Coca-Cola, jamais un président américain n’aura réussi à générer un sentiment aussi fort de rejet à travers le monde. George W Bush est en effet tenu pour responsable de la quasi totalité des crises et des conflits qui embrasent la planète depuis deux ans. Invasion de l’Afghanistan, bourbier irakien, remodelage du moyen-Orient et dérive des pratiques sécuritaires, les "antis" lui reprochent l’ensemble des décisions qu’il a prises depuis son arrivée à la Maison Blanche en 2000.

Cependant, le front des manifestants n’est guère uni et traduirait même l’émergence d’une nouvelle contestation politiques, apparaissant spontanément en dehors de l’encadrement des partis traditionnels. Loin de reprocher à Bush son approche économique ultralibérale, c’est avant tout son manque de respect pour le monde arabe que dénoncent les partis musulmans de France, bien représentés au sein du cortège. Les désormais attendues femmes voilées, petite poignée de courageuses pour certains et d’esprits manipulés pour d’autres, réussissent en tout cas leur prestation si l’on en juge au nombre de caméras braquées sur elles. Très remontés, les représentants du monde arabe dénoncent l’appétit démesuré de Washington pour le pétrole irakien et sans doute saoudien censé garantir aux américains des habitudes de consommation dispendieuses fut ce au prix de nombreux morts au moyen-Orient.

Au delà des traditionnels "Bush terroriste" ou "pétrole contre bombes", les slogans des manifestants sont aussi et de manière surprenante l’occasion d’affirmer un soutien sans faille à la cause palestinienne. La plupart des organisations profitent de la manifestation en faveur de la paix pour venir déverser des revendications qui pourraient presque passer pour radicales, voire haineuses à l’encontre de Washington, accusé de soutenir en bloc le régime Sharon. Et face au nombre impressionnant des manifestants acquis à la cause des palestiniens, le badge pourtant drôle "Privatize Bush" de l’homme au sac à dos passe pour presque dérisoire. La bipolarisation mondiale semblait avoir disparue avec la chute de l’ex-URSS. Il est aujourd’hui permis de se demander si le président américain n’a pas à ce point ravivé des sentiments anti-impérialistes qu’l s’est attiré les foudres de l’ensemble du monde arabe jusque là focalisé sur Israël.

En comparaison, les américains de Paris grimés en Oncle Sam et en Miss Liberty font figure de collégiens. Leur approche plus mesurée n’en est pas moins féroce : "Bush ferait bien de se concentrer sur les questions internes et ne pas se méler de politique étangère" commente l’un d’entre eux (cf, notre vidéo).

Mais en plein développement de la mondialisation, les valeurs intrinsèques de la société américaine sont devenu des enjeux globaux qui s’opposent à des conceptions plus traditionnelles et moins matérialistes que la loi du profit à court terme qui règne outre-Atlantique.

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