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Les fraudeurs aux abonnés absents

Publie le mercredi 6 octobre 2004 par Open-Publishing
3 commentaires

de Grégory Magne

Ils ne sont pas venus. Ni Ricardo, le musicien sud-américain cumulant près de deux cents amendes impayées. Ni Saïd, le chômeur aux cinquante-neuf procès verbaux. Ni Larma, mendiant bangladais, surpris 146 fois sans ticket par les contrôleurs de la RATP... Vingt-quatre personnes étaient poursuivies hier devant la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour « fraude habituelle » dans les transports en commun. Après plus de deux heures d’audience, un seul prévenu s’était présenté à la barre.

Depuis 2002, la loi permet à la SNCF et à la RATP de poursuivre pénalement les fraudeurs affichant plus de dix PV impayés sur douze mois. Une infraction passible de six mois de prison et 7 500 e d’amende. « La fraude coûte 83 millions d’euros par an à la RATP », plaide l’avocat de la Régie. Tous les dossiers concernent des personnes sans ressources, des RMistes, des chercheurs d’emploi. Plusieurs associations de chômeurs manifestaient en début d’après-midi devant le Palais de Justice pour dénoncer une « criminalisation des pauvres ». « Ce n’est pas un délit de misère, se défend la RATP. Il existe tous les dispositifs sociaux pour bénéficier de tarifs préférentiels. »

Le transporteur ne demande qu’un euro symbolique aux resquilleurs en guise de de dommages-intérêts. Il affirme que ses plaintes se veulent avant tout pédagogiques. Amer de voir si peu de prévenus écouter la leçon, son avocat réclame des peines qui inciteront les absents à se présenter en appel. Pour eux, ce sera un tarif unique : un mois de prison avec sursis et 500 e d’amende.

Présent, Mamadou, 24 ans, explique qu’à l’époque de ses vingt-six PV, il n’avait pas de travail. Depuis, il a un salaire et, face à l’insistance du président, il se dit prêt à payer « petit à petit ». L’avocat de la RATP n’y croit guère. « Il paye son pain, il peut payer ses titres de transport, mais régulariser sa situation est franchement la dernière de ses préoccupations. » Le procureur, pourtant, le trouve « sincère ». Le tribunal aussi. Il lui laisse neuf mois de plus pour régler ses amendes.

20 minutes

Messages

  • Transports gratuits et la question est réglée.

  • Procès LSQ à Paris

    Petit compte rendu express du procès LSQ de cet après midi.
    Bien que nous soyons plusieurs à avoir pris des notes pendant l’audience,
    je ne ferais pas un cas par cas et un analyse très précise, car elle
    serait probablement entachée de quelques erreurs (pas le temps de tout
    noter, quelques incertitudes dûes à un ennoncé des délibérés dans un
    ordre différent de celui des comparutions, et surtout nous n’avions pas
    noté précisément les "antécédents judiciaires" de tous les accusés,
    alors que les peines semblent en avoir tenu compte...)

    Tou d’abord, il faut comprendre qu’en fait il y a eu deux audiences : un
    concernant des usages de la RATP, puis une autre concernant ceux de la
    SNCF.

    Ceci impiquant deux types de jugements, provoqués principalement par
    l’attitude très opposées des avocats de la partie civile. Tout d’abord
    l’avocat de la RATP, qui considérait l’audience dans un but "pédagogique"
    et qui ne demandait qu’un euro symbolique de dommages et intérêts par
    prévenu. Plus le remboursement des frais de justice. Par contre
    l’avocate de la SNCF était beaucoup plus offensive, avec un discours à
    la limite de la caricature :

    "La SNCF, ce n’est pas la RATP. Je vais peut-être choquer
    l’assistance, mais c’est une entreprise privée, qui doit faire
    circuler des trains qui marchent à l’electricité, avec des
    conducteurs à l’intérieur, et du matériel qu’il faut renouveler"
    (comme si ce n’était pas la même chose à la RATP...)

    "...il a 41 PV, s’il travaillait, il aurait moins le temps de
    travailler...", etc..

    Celle ci demandant donc non seulement le paiement intégral des amendes,
    mais aussi 305 euros de dommages et intérêts par affaire.

    Autre fait important (et prévisible), sur les vingt deux affaires
    présentées, dix-huit ont été jugées par défaut, en l’absence des
    prévenus. Seuls trois d’entre eux étaient présents, et une affaire a été
    reportée pour cause d’absence de la prévenue et sa demande d’assistance
    par un avocat.

    Affaires RATP :

    6 affaires. Tous des chômeurs (dont un musicien du métro et un mancheur),
    sauf une personne en CDD (950 euros/mois) qui était présent. Ce dernier
    a eu un ajournement de peine pour montrer qu’il payait ses amendes, les
    cinq autres ont tous eu un mois de prison avec sursis, 500 euros
    d’amende, un euro de dommage et intérêts et le paiement des frais de
    justice (80 euros).

    Affaires SNCF :

    16 affaires. Pratiquement tous tes chômeurs/RMIstes/sans ressources,
    sauf le dernier que je vais citer.

     Les deux personnes présentes ont eu un ajournement de peine, le temps
    de montrer qu’ils pouvaient payer les amendes et les frais de justice.
     Sept ou huit, qui n’avaient aucun antécédent, ont eu un ou deux mois
    de prison avec sursis, 500 euros d’amende, le paiement de
    l’intégralité de leurs amendes (entre 600 et 1000 euros, suivant les
    cas) et le paiement des frais de justice.
     Cinq ou six, qui avaient des antécédents judiciaires, plus ou moins
    graves (et pour lesquels l’antécédant était en fait une peine LSQ
    précédente) ont eu entre un et trois mois de prison ferme, toujours
    assortis du paiement de l’intégralité de leurs amendes et des frais de
    justice.
     Enfin, un danseur gagnant 3000 euros par mois et ayant déclaré lors de
    l’instruction qu’il ne payait pas le train par principe. Verdict :
    trois mois ferme plus le paiement des amendes et le reste.

    Bref comme on le voit par la jonction de deux séries de plaintes RATP et
    SNCF
    ce procès était là pour être vu. Et nul doute que la communication de la
    SNCF se fera surtout en montant en épingle le dernière affaire que j’ai
    listé. Car il faut bien se rappeler que l’argumentation pour voter cet
    article de la LSQ n’était évidemment pas pour faire la chasse au pauvres,
    mais pour "faire revenir dans le droit chemin" ceux qui ne payaient pas
    par plaisir...

    Hors, grace au nombre de prévenus, ce genre d’après midi a au moins un
    gros avantage. Celui de permettre de faire quelques statistiques :
    sur 22 prévenus, un seul "vrai resquilleur". C’est à dire 5% contre 95%
    de "fraudeurs par nécessité".
    Ce n’est pas vraiment ce que dit le discours de la SNCF, il me semble...

    A+ Jacques.