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Les médias nous imposent-ils réellement Ségolène et Sarkozy ?

Publie le dimanche 21 janvier 2007 par Open-Publishing

* toutes les citations et références peuvent être retrouvées dans l’excellent ouvrage de Serge Halimi « Les nouveaux chiens de garde » aux Éditions Raisons d’agir

En France, régulièrement, des voix s’élèvent de la société civile qui remettent en cause la crédibilité des médias dans leur couverture de l’actualité en générale et dans leur analyse des problèmes sociétaux en particulier. Mais, en périodes électorales, celles dénonçant la partialité des médias dans leurs rapports aux candidats sont quasiment une tradition. Suivie de près par la rituelle levée de boucliers du côté des médias qui s’empressent naturellement de crier à la mythomanie caractérisée. Les présidentielles de 2007 n’échappent pas à ces reproches, y compris de la classe politique elle-même, de Buffet à Le Pen en passant par Dupont-Aygnan ou Bayrou. Alors, posons-nous précisément la question : la plupart des grands médias apportent-ils un soutien précieux à S&S au détriment des autres candidats ? Si oui : s’agit-il d’un soutien délibéré par conviction politique ?

Pour répondre à cette question, voyons d’abord ce que font réellement les médias et ce qu’ils ne font pas.

Peut-on affirmer par exemple que, dans la couverture assurée par les médias des événements politiques quotidiens de pré-campagne, les autres adversaires potentiels ou déclarés de S&S sont systématiquement censurés ? Objectivement, non. Même si certains candidats sont très peu présents (LCR, Lutte Ouvrière) ou consciencieusement dénigrés (Front National), il est difficile de leur faire ce reproche. La plupart des autres prétendants à l’Élysée s’expriment de temps en temps ou sont évoqués selon l’actualité du moment. On les entend peu mais on les entend.

Peut-on dire par contre que, dans cette couverture médiatique, S&S sont singulièrement plus présents que les autres ? Oui, au-delà de l’anecdote de comptoir ou du lieu commun, la plupart des journalistes eux-mêmes le reconnaissent. Objectivement, on peut même dire que les principaux médias relaient au jour le jour la plupart des faits et gestes des S&S.

Mais peut-on soutenir que, dans cette couverture de pré-campagne, S&S sont systématiquement encensés ? Encore une fois, même si la plupart des médias ne sont pas exempts d’une certaine complaisance à leur égard, objectivement, la réponse doit être non. D’abord parce que cette complaisance s’applique à bien d’autres figures politiques (généralement au pouvoir, d’ailleurs). Ensuite, parce que les médias se fendent parfois à leur égard de quelques remarques ironiques voire même (mais rarement) critiques. Certains éditorialistes de grands médias populaires, par exemple, ont douté très ouvertement de la carrure présidentielle de Ségolène Royal. Qu’on se rappelle aussi les quolibets d’une partie des médias au lendemain de la déclaration officielle de Sarkozy taxée de « flop » et de « non-événement ».

Dernier aspect de la question, enfin : peut-on affirmer par contre que, dans cette couverture médiatique, les informations concernant S&S sont singulièrement priorisées sur tous les autres ? Oui, objectivement, les évènements liées à S&S font fréquemment la Une quand les autres n’y ont droit que de façon occasionnelle, souvent relégués qu’ils sont dans les pages intérieures et autres brèves. Et lorsque ça n’est pas le cas, lorsque les deux favoris doivent se contenter des secondes pages pour cause d’actualité plus pressante, les autres sont alors exilés en troisième et ainsi de suite…

Résumons-nous : non, les autres candidats ne sont pas fatalement censurés au profit des deux favoris. Et non, S&S ne sont pas systématiquement encensés au détriment des autres. Mais oui, ces deux-là sont singulièrement plus présents que les autres. Et oui, ils sont plus souvent promus en Une que les autres. De ça, au moins, nul doute.

Maintenant, cela suffit-il à constituer un avantage déterminant pour nos deux candidats favoris ?

La réponse est oui. Car, dans la profusion d’informations générée par l’abondance sans précédent de médias, le matraquage collectif est devenu aujourd’hui le seul mode opératoire véritablement efficace à l’échelle d’une population nationale. Soit le sujet choisi est martelé par une majorité de médias, soit il reste un fait mineur, guère plus qu’une anecdote. Il n’est donc plus besoin de censurer les uns ni nécessaire de glorifier les autres, méthodes propagandistes d’un autre âge ! Chacun peut même, sans risquer de fragiliser le phénomène médiatique, couvrir d’autres sujets, un sondage, une enquête, un incident international : tant que, collectivement, la plupart des médias continuent d’aborder quotidiennement ce sujet-là et régulièrement en Une, tant que collectivement la plupart ne se laissent pas (ou pas trop longtemps) emportés par un autre sujet, c’est cette information – et celle-là principalement ! – qui continuera de passer.

En l’occurrence, quelle information passe exactement ? À rapporter presque systématiquement (et souvent à la Une) les moindres faits et gestes de S&S, les médias produisent deux effets. 1) D’abord, ils focalisent forcément l’attention générale sur ces deux-là, ce qui crée du coup l’impression que les autres sont de moindre intérêt (pas de taille ?). Et 2) ils les font entrer, de gré ou de force, dans notre vie quotidienne. Et, des deux effets, c’est probablement le second qui est le plus redoutable car, à traiter ainsi quotidiennement un sujet, il invite fatalement chacun d’entre nous à en parler et à se positionner. Ce qui, d’une part, relance sans cesse le système mais donne surtout à tout le monde la sensation que finalement, au-delà des divergences d’opinions, il y a même un consensus général sur le fait que tout se jouera entre ces deux-là. En un mot : ils en font deux candidats incontournables. Ce qui, dans une course acharnée à la présidentielle, constitue un avantage absolument déterminant !

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