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Les mots

Publie le dimanche 30 septembre 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

Orwell écrivait dans 1984 « le but du novlangue était…de rendre impossible tout autre mode de pensée ».

Restreindre la langue c’est aussi restreindre la pensée puisque celle-ci dépend des mots. Pour brider la pensée il faut éliminer les mots qui entrent en contradiction avec les intérêts dominants.

Le mot « ouvrier » par exemple peut être remplacé par celui de « salarié », le « patron » par « l’employeur », le « licenciement » par le « plan social », les « syndicats d’ouvriers et de patrons » par les « partenaires sociaux », et ainsi de suite (voir la LQR d’Eric Hazan). En agissant ainsi, on dissocie les mots de leur racine et de leur histoire.

Les mots « patrons » et « ouvriers » évoquent des images et des mots indésirables : profits, exploitation, conflits, luttes, classes, alors que le mot « employeur » renvoie à celui qui crée des emplois en employant des employés. Les mots doivent être simples, efficaces mais surtout n’évoquant ou ne supportant aucune contradiction. Ils doivent être autonomes ne suggérant aucune conscience.

Les médias ont permis à ce langage de s’emparer des masses. Répétés et martelés à longueur de journée, ces mots finissent par pénétrer tous les esprits. Les « anciens » mots existent toujours, mais ceux qui osent encore les utiliser sont souvent taxés de conservateurs, de ringards etc. Ces mots ont perdu leur légitimité pour l’ordre établi. L’intériorisation de ce nouveau vocabulaire facilite son acceptation et peut conduire à la résignation (celle-ci peut-être justifiée de mille et une manières : « il faut évoluer », « il faut réformer », « il faut être moderne » etc.).

Certains mots comme « rupture » ou « changement » utilisés par des hommes et des femmes politiques peuvent évoquer l’idée d’un espoir de changement profond. Mais il ne s’agit là que de slogans vides que la réalité confirme chaque jour. Car ces mots sont utilisés le plus souvent dans l’absolu : « rupture » ou « changement » par qui ? Pour qui ? Et par rapport à quoi ?

En dernière analyse ce « novlangue », en mutilant les mots et la pensée, tente de rendre supportable un ordre qui ne l’est pas.

Mohamed Belaali

Messages

  • Ce qui m’hallucine c’est le mot de "collaborateur" que les patrons utilisent systématiquement pour parler des gens qui les servent... collaborateurs ... collabos ... mémoire sinistre qui ainsi s’efface dans une modernité sans Histoire ...dangereuse

    bd

    • bonjour à tous,
      le mot "collaborateur" peut en effet paraître tendancieux. Mais il faut aussi prendre en compte les évolutions du contexte économique et social : combien de patrons au sens plein du terme ? combien d’ouvriers restent-ils ? Combien de "patrons" agriculteurs etc. L’avènement du tertiaire et des services, le rehaussement du niveau et des capacités des "salariés" par rapport à celle des "patrons" entraînent un recadrage du vocabulaire qu’il ne faut pas ignorer par simple attachement à des rapports qui ne sont plus aussi clairs que jadis. combien de collaborateurs sont aujourd’hui actionnaires ?
      merci de votre attention et bonne journée.
      Saint-Just