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Les navires français décrochent un pavillon « bolkestein »

Publie le samedi 26 mars 2005 par Open-Publishing

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture une loi qui permet à un navire d’embarquer jusqu’à 75% de marins non européens et de les recruter via des sociétés d’intérim étrangères.

Employer des marins philippins avec des salaires philippins sur des navires français, c’est déjà théoriquement possible ; mais ça deviendra encore plus facile quand le Registre International Français - RIF - entrera en vigueur. Or cela semble bien parti. Après le Sénat en décembre 2003, l’Assemblée a, en effet, adopté mercredi soir une proposition de loi qui instaure ce nouveau pavillon français aux contraintes sociales adaptées à la mondialisation. Concrètement, le RIF permet à un armateur d’employer 65% de marins n’appartenant pas à l’Union européenne, voire 75% s’ils ne reçoivent pas d’aide fiscale française. De plus, il l’autorise à recourir à une société de « manning » (location de personnel navigant) implantée à l’étranger, à condition qu’elle soit agréée par le pays hôte. Sous entendu : aux conditions tarifaires de ce dernier. Ultime cadeau, le secrétaire d’Etat aux Transports et à la Mer, François Goulard, a parallèlement annoncé mercredi que le régime spécifique des marins sera purement et simplement exonéré de charges sociales. Jusqu’à présent, le secteur fonctionnait sur un régime déjà exceptionnel de remboursement des charges.

Du côté des armateurs, évidemment, on se "félicite". Ce nouveau RIF "devrait inciter les armateurs français à repavillonner un certain nombre de navires jusqu’alors immatriculés sous d’autres cieux", indique ainsi jeudi l’organisation professionnelle Armateurs de France. Avec un objectif que François Goulard chiffrait, avant les débats, à "une cinquantaine de navires dans les deux ans qui viennent". Pour les initiateurs de la loi, le sénateur UMP de charentes maritime Henri de Richemont, et le député UMP du Havre Jean-Yves Besselat, il s’agit en effet d’enrayre le déclin de la marine marchande française, tombée au 29ème rang mondial. Le nombre des navigants étant passé de 43.000 en 1962 à un peu plus de 9000 en 2004.

Reste que s’ils sont d’accord avec l’objectif, les marins contestent vivement les moyens. Ils ont entamé cette semaine leur quatrième mouvement de grève depuis l’adoption du projet par le Sénat il y a un an. Ce qui a donné lieu à de nombreuses perturbations : retards, manifestations, ports bloqués... Une action mardi contre le tunnel sous la manche s’étant même soldé par une échauffourée avec les CRS assortie de blessés et de gardes à vue. Les syndicats de marins contestent notamment le mode de calcul des 25 ou des 35%. Les armateurs ont en effet obtenu que cette proportion soit calculée à partir de l’effectif dit "de sécurité" du navire alors que les navigants voulaient faire référence à l’effectif "réel", en exploitation, qui est supérieur. Ils ont été rejoints dans leur protestation contre "ce nouveau pavillon de complaisance" par le PS et le PC qui ont voté contre le RIF mercredi. Problème, les gouvernements de gauche qui se sont succédés n’ont jamais remis en cause le pavillon français "bis" dit Kerguelen, créé en 1986, et qui autorisait déjà des armateurs français à employer 65% de marins étrangers. Le RIF généralise donc ce statut dérogatoire et l’inscrit dans le droit commun.

http://www.lexpansion.com/art/15.0.129764.0.html