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Les non sondages ; ou la réalité des chiffres
Publie le mardi 27 mars 2007 par Open-Publishing2 commentaires
A moins de quatre semaines de l’élection présidentielle, la commission des sondages incite les médias et l’opinion publique à la plus grande prudence dans l’interprétation des enquêtes, toujours plus nombreuses.
"La commission estime nécessaire, eu égard à la place qu’occupent les sondages d’intentions de vote dans la campagne électorale, d’insister sur la prudence avec laquelle les résultats de ces sondages doivent être interprétés", déclare la commission dans un communiqué.
La commission, chargée de veiller à la fiabilité des sondages publiés, avance deux raisons pour justifier sa mise en garde.
"La première tient aux modalités de constitution des échantillons des personnes interrogées, à la proportion élevée des personnes sondées n’exprimant aucun choix et à celle, parmi les intentions exprimées, des personnes qui déclarent n’être pas sûres de leur choix", précise-t-elle.
A moins d’un mois du scrutin, entre 35% et 45% des sondés disent n’avoir pas encore définitivement fait leur choix.
Evoquant le nombre de personnes interrogées, Jean-Michel Galabert, président de la commission, a jugé lors d’une conférence de presse qu’un échantillon d’au moins 800 à 1.000 personnes constituait une base "correcte".
PLUSIEURS HYPOTHÈSES POUR LE SECOND TOUR
La seconde raison invoquée par la commission tient à la marge d’incertitude dont sont affectés les résultats publiés en raison de la taille de l’échantillon et des faibles écarts enregistrés.
"Les résultats obtenus par les candidats réalisant, dans les intentions de vote, un score qui n’excède pas après redressement un pourcentage de quelques points, ainsi que les écarts de cet ordre qui séparent deux candidats, ne sont pas véritablement significatifs", souligne la commission.
"Un 51-49 au second tour n’a pas une signification très forte", a expliqué Jean-Michel Galabert.
S’agissant des sondages portant sur le second tour, la commission accepte que les instituts publient plusieurs hypothèses lorsque les scores établis pour le premier tour entre plusieurs candidats sont suffisamment proches.
"Cette pluralité des hypothèses envisagées est en effet de nature à relativiser la portée des résultats ’second tour’ publiés et à inciter à les interpréter avec toute la prudence nécessaire", dit la commission.
L’inflation des sondages enregistrée lors de la campagne présidentielle de 2002 n’a fait que s’accroître en 2007. Au total, 193 sondages ont été effectués pour l’élection il y a cinq ans. On en compte déjà 250 cette année, précise la commission.
Créée en 1977, la commission des sondages est composée de 11 membres - conseillers d’Etat, conseillers auprès de la Cour de cassation, responsables de la Cour des comptes et experts - et ne peut intervenir qu’à posteriori si elle juge le contenu d’un sondage, ou son utilisation par un média, non conforme à la réglementation.
La commission peut alors exiger la publication d’une mise au point dans le média incriminé. Une vingtaine de cas semblables se sont produits ces dix dernières années.
Messages
1. Les non sondages ; ou la réalitée des chiffres., 27 mars 2007, 15:08
Rebonds
Médiatiques
Sondages, le putsch inaperçu
Par Daniel SCHNEIDERMANN
QUOTIDIEN : vendredi 23 mars 2007
La place du comique national étant restée vacante depuis la mort de Raymond Devos, on vient de voir surgir un prétendant : un organisme appelé la commission des sondages. Cette commission, pourtant composée d’austères hauts fonctionnaires, dont l’activité semble aléatoire, dont la discrétion semble congénitale, dont les méthodes ne se transmettent apparemment que de bouche de sondeur à oreille de commissaire, vient de faire une intrusion discrète, mais remarquable, dans le débat électoral.
La commission a décelé une « erreur manifeste » dans deux productions du sondeur CSA, publiées dans le Parisien - Aujourd’hui en France des 8 et 15 mars. Le premier de ces sondages créditait François Bayrou d’un bond de sept points dans les intentions de vote au premier tour et le faisait talonner, pour la première fois, Ségolène Royal. Le second, une semaine plus tard, faisait reculer de trois points le même François Bayrou.
Il faudrait cependant se garder de conclure hâtivement que la commission des sondages pointe explicitement un doigt accusateur sur ce modèle breveté de yo-yo. Il y a certes « erreur manifeste », mais où ? Pudique, la commission des sondages, dont l’objectif consiste à veiller à ce que « la publication des sondages électoraux portant sur des intentions de vote ne vienne pas influencer ou perturber la libre détermination du corps électoral », ne le dit pas. Elle a chuchoté qu’on ne lui en demande pas davantage. Interrogé par le Monde, le secrétaire de la commission refuse d’entrer dans les détails, de peur de « révéler une méthode exclusive d’un institut ».
La commission se contente de demander que ces deux sondages « ne soient pas interprétés ». Avis à la population : tout citoyen ayant « interprété », une semaine ou quinze jours auparavant, ces deux sondages, est prié de les rapporter au fabricant pour inspection et d’effacer rétrospectivement cette « interprétation » de son disque dur intime. Le lendemain, sur le site du Monde, elle retire même le terme d’ « erreur manifeste ». Manifestement une erreur.
En revanche, la commission des sondages n’a rien trouvé à redire à un épisode antérieur, qui est pourtant sans précédent. Pour la première fois, des sondeurs (dont l’Ifop, appartenant à Mme Parisot, présidente du Medef) ont testé au second tour un candidat (Bayrou, toujours) n’ayant, selon eux-mêmes, guère de chance d’y accéder. Et surprise : Bayrou serait vainqueur, contre Royal, comme contre Sarkozy. Ce faisant, comment ne pas voir que ces imaginatifs, davantage encore que dans leur production ordinaire, ont influencé les intentions de nombreux électeurs à partir d’un scénario de fiction construit par eux seuls et ne découlant pas des intentions pourtant (valablement, on l’imagine) recueillies par eux-mêmes. Comment ne pas voir que ces sondages ont détourné du vote Royal un certain nombre de ses électeurs, désireux avant tout d’éliminer Sarkozy.
Il faut peser ses mots, mais cette hérésie professionnelle constitue bel et bien un putsch, ou une tentative de putsch, des sondeurs sur la campagne.
Les sondages sont habituellement d’efficaces machines à produire des prophéties autoréalisatrices. Bidule frémit dans les sondages, donc les sondages l’indiquent, et ce timide frémissement est porté à ébullition par la chaleur même des projecteurs médiatiques aussitôt braqués sur lui. Mais, avec l’invention de toutes pièces d’un scénario, le sondeur, grisé par sa puissance, choisit délibérément de s’affranchir de toute réalité, et franchit un palier. C’est Roland Cayrol, le patron de CSA qui, s’asseyant pour une fois sur la sacro-sainte confraternité, estimait récemment, à propos de ces monstruosités : « Si on avait testé Corinne Lepage au second tour, elle aurait aussi certainement battu Sarkozy et Royal. »
Pourtant, la commission des sondages, dont l’objectif consiste toujours à veiller à ce que « la publication des sondages ne vienne pas influencer... » etc., n’y a rien trouvé à redire. Elle devait regarder ailleurs. Elle n’a pas conseillé de ne « pas interpréter » ces sondages. Elle n’a pas conseillé aux médias de ne pas leur accorder un large écho.
La question des sondages est complexe. La solution idéale, dans une démocratie idéale, consisterait à les interdire purement et simplement. Un article de loi pourrait y suffire : « Il est interdit, dans les périodes électorales, d’influencer ou de perturber la libre détermination du corps électoral au moyen de sondages ». Nul n’y perdrait. On a bien renvoyé à la préhistoire la débauche criarde d’affiches politiques, sans que nul n’y perde rien, hormis les professionnels concernés.
Pourquoi ne le fait-on pas ? Parce que cette loi devrait être votée par des parlementaires, lesquels appartiennent à des partis politiques. Or ces partis politiques, eux-mêmes toxico-dépendants des sondages, contribuent, davantage que les médias, à grossir le chiffre d’affaires des sondeurs. Cette loi supposerait donc, soit que les partis se désintoxiquent, soit qu’ils assument de se retrouver dépositaires exclusifs d’informations, au détriment des électeurs, qui n’auraient plus le droit d’en connaître. Cette situation ne serait pas très démocratique. Voilà pourquoi le triangle opaque des sondeurs, des partis et des médias s’accorde, et s’accordera, à autoriser la commission des sondages à poursuivre son paisible somme.
http://www.liberation.fr/rebonds/242766.FR.php
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1. Les non sondages ; ou la réalitée des chiffres., 27 mars 2007, 21:10
Tiens, Libé...