Accueil > Les politiques doivent avoir leur mot à dire sur les problèmes des gens

Les politiques doivent avoir leur mot à dire sur les problèmes des gens

Publie le mercredi 6 septembre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Analyse trouvée dans le temps (quotidien suisse)

« Les hommes politiques doivent avoir leur mot à dire sur les problèmes des gens »

Zaki Laïdi, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (CERI), termine un ouvrage sur l’avenir de la gauche qui paraîtra chez Hachette en novembre. Il analyse la mutation de la politique française.

Propos recueillis par Sylvain Besson

Le Temps : Vous estimez que le phénomène Ségolène Royal, loin d’être une « bulle médiatique », est en fait consistant et profond. Pourquoi ?

Zaki Laïdi : Il y a une raison très simple. Vous avez un parti - le Parti socialiste - dont le nombre d’adhérents augmente de 50% ou plus en l’espace de trois mois [les effectifs du PS sont passés de 130000 à 210000 personnes, ndlr]. Une large partie de ces nouveaux adhérents se sont inscrits pour participer à l’élection du candidat socialiste à la présidentielle, et une majorité de ceux-ci l’ont sans doute fait pour soutenir Ségolène Royal. Ça donne une idée de l’importance du phénomène.

On considérait que le PS avait une sociologie vieillissante, peu favorable au changement, or là vous avez un afflux qui modifie cette sociologie. Ce n’est pas de la « peopolisation », on est très loin du simple phénomène de bulle.

 Mais les sondages, l’utilisation des stars, le rôle d’Internet, tout cela contribue quand même à transformer la politique française ?

 Il y a un phénomène d’opinion, c’est-à-dire que la démocratie d’opinion a transformé les conditions d’exercice de la démocratie partisane. Les sondages influencent les choix des militants. Mais, plus fondamentalement, il y a chez Ségolène Royal une manière d’aborder les problèmes que ses concurrents ont mal évaluée. C’est ce qu’on appelle la « Life Politics » : par exemple, elle fait du cancer du sein un thème digne d’être abordé dans une campagne électorale. On n’attend plus de l’homme politique qu’il transforme fondamentalement la vie des gens, mais on veut qu’il ait son mot à dire sur tous leurs problèmes.

En France, il y avait une vision prométhéenne et majestueuse de la politique. Cela a changé : aujourd’hui, la politique n’est plus tout, mais la politique est dans tout. L’erreur que font les adversaires de Ségolène Royal, c’est d’y voir un abaissement du politique.

 On a l’impression d’un parallèle évident entre elle et Nicolas Sarkozy, parce que tous deux cultivent leur omniprésence médiatique et qu’ils sont devenus des marques, un peu comme des produits de consommation courante...

 C’est vrai que l’utilisation des médias est un élément fondamental de la stratégie de l’un comme de l’autre. Mais la ressemblance entre les deux est superficielle. L’approche de Sarkozy est beaucoup plus classique. Il n’est pas du tout dans une logique de « Life Politics ». Il a investi son parti, l’UMP, de façon hyperclassique. Son discours sur la « rupture » est aussi assez classique. L’UMP a aussi connu une vague d’adhésions par Internet, mais elle est surtout destinée à gonfler les adhérents et donc les financements avant la campagne présidentielle. Le jeu était verrouillé avant, alors qu’au PS les gens ont décidé d’investir le parti pour modifier sa sociologie.

Messages