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Les rebelles de Nadjaf déterminés à soutenir des mois de siège
Publie le lundi 23 août 2004 par Open-PublishingPar Michael Georgy
NADJAF, Irak - Alors que d’imposantes colonnes de fumées s’élevaient du mausolée de l’imam Ali à Nadjaf, les miliciens radicaux chiites de Moktada Sadr qui y sont retranchés depuis près de trois semaines ont déclaré lundi avoir assez de nourriture, d’eau et de munitions pour tenir le siège durant des mois.
"Nous sommes ici pour tuer et nous avons l’endurance qu’il faut", a déclaré Hamed Khudayir, 54 ans, parlant en son nom et pour son fils de 10 ans, Ali.
"Les Américains ont lancé une croisade chrétienne contre nous avec cette occupation. Ils sont venus ici pour conquérir l’Irak et piller le pays", poursuit-il.
En dépit du transfert de souveraineté organisé par les Américains à la fin juin, Sadr et d’autres Irakiens continuent de les considérer comme des occupants.
Les combattants de l’armée du Mehdi semblaient moins nombreux dans les ruelles conduisant au mausolée qu’au cours de ces derniers jours.
Le cheikh Ahmed Cheïbani, un des commandants de l’armée du Mehdi et proche conseiller de Sadr, a toutefois déclaré à Reuters que les combattants étaient remontés et qu’ils restaient prêts à combattre les Américains.
Les chars américains, qui s’étaient positionnés à 800 mètres seulement du mausolée, dimanche, semblaient avoir un peu reculé lundi.
LE TEMPS JOUE POUR SADR
Le gouvernement intérimaire pro-américain est conscient qu’un assaut contre le sanctuaire de l’imam Ali aurait des conséquences catastrophiques lui aliénant le soutien de millions de chiites en Irak et à l’étranger, en particulier en Iran, et faisant le jeu de Sadr.
Les raids aériens nocturnes qui illuminent la zone du mausolée et secouent toute la ville n’y changent rien. Plus le temps passe, plus Sadr semble sortir renforcé de son bras de fer.
L’armée du Mehdi et les partisans de Sadr ne peuvent rivaliser avec les chars et les avions de combat de l’armée américaine. Mais ils ont mis en place leur propre logistique et un système d’approvisionnement qui leur permet de tenir.
Des partisans de Sadr cuisent du riz et des pommes de terre dans de grands chaudrons noirs dans l’enceinte de la mosquée et la nourriture est ensuite patiemment apportée aux petits groupes de combattants dans de petits récipients.
"Nous mangeons ensemble et nous prions ensemble en petit groupe. C’est bon pour le moral", dit Abdel Reda qui est venu de Bagdad à Nadjaf pour y soutenir Sadr.
De grands réservoirs métalliques d’eau filtrée sont installés dans la cour intérieure en marbre de la mosquée et permettent aux combattants de se désaltérer. Des timbales en métal y sont attachées par des chaînes afin que personne ne puissent les emmener. Les partisants de Sadr, accroupis, boivent du thé dans de vieille boîtes de conserve.
Au milieu des pilonnages, des explosions et des tirs, de jeunes garçons étendent avec soin des tapis pour les nettoyer.
Un homme renifle un éclat d’obus qui a atterri dans le sanctuaire. Un jeune combattant touché par un tireur d’élite est poussé dans la cour sur un fauteuil roulant pour être mis à couvert dans la mosquée.
L’armée du Mehdi est très sourcilleuse sur la question de ses pertes et de ses blessés. Les journalistes n’ont aucun accès à l’hôpital de fortune installé dans la mosquée et les photos de combattants blessés sont strictement interdites.
"UNE GUERRE CONTRE L’ISLAM"
Sadr s’est attaché de nombreux sympathisants en prenant la défense de ceux qui ont tout perdu avec la guerre. Toutefois l’idée que l’islam chiite doit faire face à une croisade n’est pas sans séduire certains jeunes gens éduqués de la classe moyenne, comme Mehdi Falil.
"C’est une guerre contre l’islam menée par les chrétiens et les juifs", déclare ce diplômé de français.
D’autres jeunes gens sont attirés par l’aventure et ne craignent pas de risquer leur vie. Depuis les portes du sanctuaire, un groupe d’adolescents filent à travers les rues pour aller acheter des provisions pour les hommes de l’armée du Mehdi, tentant d’échapper aux balles d’un tireur d’élite qu’ils ont tôt fait de désigner comme un Américain, sous les encouragements de leurs camarades.
Toute cette agitation n’empêche pas un vieil homme de rester paisiblement assis sur un marche du sanctuaire, et de s’y recueillir comme il le fait chaque semaine depuis son enfance.
"Maintenant, il va me falloir marcher une bonne heure, car il n’est plus possible de venir par ici en voiture. Tout cela est plus que je ne peux supporter, maintenant", reconnaît le presque octogénaire Bakka Ibrahim. (Reuters)