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Les réfugiés dans la Cisjordanie et la bande de Gaza
Publie le vendredi 1er août 2003 par Open-PublishingLes réfugiés dans le Cisjordanie et la bande de Gaza
Ma’moun Kiwan (écrivain palestinien résidant en Syrie)
Ces réfugiés ont souffert, au cours des décennies précédentes, tout au long du conflit arabo- sioniste, et précisément depuis 1948, de deux « Nakba » : la première a consisté à les expulser de leurs villes et villages vers les régions de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, et la deuxième en les expulsant des régions précédentes vers d’autres régions de la Cisjordanie ou de la bande de Gaza, ou à l’extérieur de la Cisjordanie, où ils sont devenus des réfugiés.
Ces réfugiés ont fait de lourds sacrifices au cours des décennies passées, en luttant contre l’occupation sioniste, ils constituèrent l’infrastructure sociale de la première intifada en 1987 et constituent celle de l’intifada actuelle. C’est ce qu’ont montré les événements des deux intifadas, comme l’a montré la résistance héroïque des réfugiés des camps de Cisjordanie et de Gaza, contre toutes les répressions et les opérations barbares commises par l’armée israélienne. La résistance des camps de Jénine et de Balata, par exemple, au cours de ce qui a été nommé l’opération « rempart », montre clairement le rôle des réfugiés dans le conflit et le degré de leur attachement à leur cause.
Selon les données du premier recensement de 1997, les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza se répartissent sur 656 zones d’habitations, que ce soient des villes (54) ou des villages (573), ou camps (29), dont 20 se trouvent en Cisjordanie, près ou dans les villes : Jénine (1 camp), région de Toubas (un camp), Tulkarm (deux camps), Naplouse (trois camps), Ramallah, Bireh (cinq camps), Ariha (deux camps), al-Quds (un camp), Bethlehem (trois camps), al-Khalil (deux camps) . Neuf camps dans la bande de Gaza, l’un au nord de Gaza, l’autre dans Gaza, quatre dans la région du centre de la bande (Deir Balah, Nusayrat, Maghazi, Bureij), un camp à Khan Younes, deux camps à Rafah. Parmi ces camps, al-Aroub, Beit Jibrin, Ayda, Sha’fat, Dhayshé, Aqaba Jabr, Deir Ammar, Ayn Sultan, Balata, Jalazoun, Askar, Tulkarm, Jenine et Nour Shams en Cisjordanie, et Breij, Jabalya, Nusayrat, Shati’, Deir Balah, Khan Younes et Maghazi dans la bande de Gaza.
Le recensement général des Palestiniens, résidents et réfugiés en Cisjordanie et bande de Gaza établit que 2.597.616 Palestiniens y vivent, dont 1.579.099 en Cisjordanie, répartis en réfugiés (423.147) et non réfugiés (1.161.571), soit la proportion des réfugiés est de 26,5%. Quant aux habitants de la bande de Gaza, leur nombre est, selon le même recensement, de 1.000.517 personnes, dont 651.571 réfugiés qui représentent 65,1% de l’ensemble des habitants de la bande, ce qui signifie que les réfugiés représentent 41,4% des habitants de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Les estimations du second livre annuel des statistiques palestiniennes paru à Ramallah à la fin de l’année 2001 soulignent que le nombre de réfugiés palestiniens inscrits en Cisjordanie et Gaza est de 1.409.631 personnes, le nombre de réfugiés inscrits dans les camps de Cisjordanie et la bande est de 608. 862 personnes.
Du fait de la croissance naturelle des naissances chez les Palestiniens, le bureau central des statistiques a annoncé, au début de l’année 2003, que le nombre total des Palestiniens est de 9,3 millions dont 3,6 millions habitant la Cisjordanie et la bande de Gaza. Si les réfugiés de Cisjordanie et de la bande conservent leur pourcentage du total de la population dans ces deux régions, leur nombre serait actuellement de 1.150.000 personnes, chiffre plus bas que les estimations de la fin de l’année 2000 qui ont évalué le nombre de réfugiés en Cisjordanie et la bande de Gaza à environ 1.520.044 personnes.
Les réfugiés de la Cisjordanie et de la bande de Gaza souffrent de nombreuses crises économiques et sociales, qui sont encore plus critiques que celles vécues par les Palestiniens dans les villages et les villes de Cisjordanie et de la bande, et cette situation est la conséquence de l’occupation sioniste, des pratiques et des agressions de l’armée israélienne et des colons. Sur le plan de l’habitat, les camps souffrent d’une supopulation, étant donné la surface géographique réduite des camps. La surface totale construite des camps en Cisjordanie et dans la bande est de 19.629,3 dunams sur 318.580,8 dunams, qui est la totalité des terres construites dans les villes et les villages de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Les données statistiques palestiniennes publiées en 1997 et 1998 indiquent que près de 79% des familles palestiniennes vivent dans des habitations appartenant à l’UNRWA et 10% des familles vivent dans des habitations louées. La moyenne des pièces d’une habitation de la société palestinienne est de 3,6 pièce, et plus de 29% des familles de Cisjordanie vivent dans des habitations d’une ou de deux pièces, pour 14% des familles de la bande de Gaza. La moyenne du nombre des individus pour une pièce en Cisjordanie et dans la bande est de 2,18 pour une pièce, et près de 23% des familles vivent dans des habitations dont la densité est de 3 ou plus pour une pièce.
Quant aux services, 40% des familles vivent dans des habitations reliées à des réseaux de voirie (34% en Cisjordanie et 53,5 dans la bande de Gaza).
Malgré la position nationale active et claire des réfugiés de la Cisjordanie et de la bande, il est nécessaire d’examiner leur attitude relative au règlement en cours dans le conflit palestinien- israélien, en s’appuyant sur quelques études disponibles, qui sont réduites, parmi elles une étude du centre des recherches palestiniennes de Naplouse, en 1995. Cette étude a pris un échantillon de 1271 individus âgés de plus de 18 ans, 856 de Cisjordanie et 415 de la bande, et ils ont été questionnés à propos de l’avenir des camps. 47% d’entre eux ont souhaité que les camps restent là où ils sont, tout en y améliorant les conditions de vie. Près de 20% ont souhaité que rien ne soit changé dans les camps, 25% ont souhaité que la population des camps soit répartie ailleurs, et 6% n’avaient pas d’avis. Ce qui est remarquable, c’est que 75% des personnes interrogées ont souhaité que les camps demeurent, la majorité d’entre d’elles appelant à l’amélioration des conditions de vie et d’habitat.
Mis à part cette étude, aucune ne met en relief l’attitude des réfugiés de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en ce qui concerne le règlement et les questions du règlement définitif, y compris celle des réfugiés, et ce sont plutôt la plupart des attitudes officielles, de l’autorité ou de l’opposition, qui sont exprimées, et parmi celles-ci, la position exprimée par Dr Haydar Abdul Shafi, dans un document émis par le ministre de l’information palestinien en 1995 qui insiste sur le droit au retour et l’incapacité économique des pays arabes à intégrer les réfugiés d’une part, et d’autre part, le fait que la majorité des réfugiés, y compris ceux de la Cisjordanie et de la bande, souhaitent le retour à leurs villes et villages d’origine à l’intérieur de la Palestine occupée en 1948. Dans une condensation extrême, la position officielle palestinienne vis-à-vis de l’ « acclimatation » proposée dans les réunions du groupe de travail spécial consacré aux réfugiés, dans le cadre des discussions multilatérales, pour combler le fossé entre les Palestiniens qui refusent l’installation définitive dans les pays d’accueil et les sionistes qui refusent la formule de rassembler les réfugiés avec les habitants de l’Etat sioniste, donc, la position officielle a intégré deux concepts : la première est de la limiter à la Cisjordanie, et la nécessité de l’orienter en premier lieu à ceux qui retournent parmi les réfugiés de 1967 puis aux réfugiés de 1948, et la deuxième, qu’elle n’entraîne pas de changement à la situation juridique des réfugiés telle qu’elle a été définie dans la résolution 194 des Nations-Unies.
Les négociations de Camp David II menées sous supervision américaine entre le 11 et le 25 juillet 2000 et les négociations de Taba qui ont suivi quelques mois après, ont représenté, par les discussions relatives au règlement définitif, y compris les questions de réfugiés et de l’Etat, le cadre général pour examiner l’avenir des réfugiés de Cisjordanie et de la bande de Gaza, plus précisément, et les autres réfugiés de façon générale. Avant les négociations de Camp David II et Taba, les positions palestiniennes peuvent être résumées ainsi :
– La revendication du retrait israélien total de l’Est de Jérusalem, y compris des quartiers juifs.
– Le retrait israélien aux frontières du 4 juin 1967, et l’application de la résolution 242, dans ses moindres détails.
– Contrôle palestinien sur les voies des frontières avec l’Egypte et la Jordanie.
– Démantèlement de toutes les colonies, sans nier la possibilité de souplesse dans ce domaine.
Malgré les réticences palestiniennes et sionistes concernant le document du président américain Bill Clinton relative au rapprochement des points de vue, et qui propose cinq lieux d’accueil des réfugiés : l’Etat palestinien, des régions de l’Etat sioniste qui seront rattachées à la Palestine dans le cadre d’un échange de terres, la réinsertion dans les pays d’accueil, le transfert dans un Etat tiers, et le retour dans l’Etat sioniste.
Les négociateurs palestiniens et sionistes ont discuté à nouveau à Taba plusieurs propositions relatives à la question des réfugiés palestiniens, celles-ci s’appuyaient sur les points suivants :
1 - Les deux parties admettent qu’une solution juste et globale de la question des réfugiés est nécessaire pour parvenir à une paix juste, globale et durable.
2 - L’Etat sioniste admet sa responsabilité morale et juridique dans l’expulsion violente des Palestiniens au cours de la guerre de 1948, et dans l’interdiction des réfugiés à retourner à leurs maisons en application de la décision 194 de l’assemblée générale des Nations-Unies.
3 - L’Etat sioniste assume la responsabilité de régler la question des réfugiés.
4 - La solution juste au problème des réfugiés, en application de la résolution du conseil de sécurité 242 doit mener à l’application de la résolution 194 de l’assemblée générale des Nations-Unies.
5 - Conformément à la résolution 194 de l’assemblée générale de l’ONU (troisième session), tous les réfugiés souhaitant retourner à leurs terres en Israël et vivre en paix avec leurs voisins ont le droit de le faire, et chaque réfugié pouura exercer son droit au retour selon les normes fixées par l’accord. Parmi ces normes :
A - Le réfugié palestinien est tout Palestinien qui a été interdit de retourner à sa maison après le 29 novembre 1947.
B - Le terme « réfugié » inclut la descendance et l’épouse.
C - Le terme « réfugié » s’applique à toutes les personnes enregistrées auprès de l’UNRWA.
De plus, certains points de l’accord de Taba ont indiqué que les régions de l’autorité palestiniennes (Etat) faisaient partie des régions d’accueil des réfugiés. Tout comme le projet de l’Etat palestinien a mentionné les réfugiés en disant, dans l’article 14 : « le Palestinien qui était sorti de Palestine en 1948 et qui a été interdit de retourner a le droit de retourner dans l’Etat palestinien et de porter sa nationalité, et c’est un droit durable, ne pouvant être remis en cause. L’Etat Palestinien poursuivra son effort pour l’application du droit légal au retour des réfugiés palestiniens à leurs villes et villages et à l’indemnisation, grâce aux négociations et aux moyens politiques et juridiques, en application de la résolution 194 des Nations-Unies de 1948 et des principes du droit international. »
A partir de là, il semble que le sort des réfugiés palestiniens, et parmi eux ceux de la Cisjordanie et de Gaza, se situe entre une demi-citoyenneté et une résidence dans l’Etat palestinien promis dont la création est censée améliorer les différents secteurs de la vie, social, économique et institutionnel, mais l’ampleur des destructions de ces secteurs due aux invasions de l’armée israélienne des régions de cet Etat promis indique que cet Etat est encore lointain, et que les bases de son indépendance et de sa souveraineté sont loin d’être élaborées.