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Lettre ouverte au maire de Gênes

Publie le mardi 20 janvier 2004 par Open-Publishing

Lettre ouverte au maire de Gênes

A l’attention de Giuseppe Pericu, maire de Gênes

Objet : Gênes 2004, Capitale Européenne des Droits

Monsieur le Maire,

A partir de ce mois et pendant toute l’année 2004, la ville de Gênes sera la
Capitale Européenne de la Culture, c’est une tâche importante et, certainement,
vous et vos concitoyens aurez déjà prédisposé un vaste programme d’initiatives
culturelles qui célèbrent cet évènement. Je ne suis pas une citoyenne génoise
mais je me permets, Monsieur Pericu, de vous demander à cette occasion un engagement.

Je vous le demande au nom des centaines, des milliers de citoyennes et de citoyens
italiens, européens, du monde qui, pendant les manifestations anti-G8 du mois
de juillet 2001 à Gênes, ont été gravement blessés et en souffrent encore. Comme
vous et vos concitoyens vous en souviendrez certainement, durant ces jours beaucoup
des droits fondamentaux prévus par notre Constitution et par les normes européennes
et internationales, furent foulés au pied.

Le droit à manifester sans être tué ou blessé (et risquer de mourir) par des
forces de l’ordre, comme c’est arrivé à Piazza Alimonda, dans les rues et à l’école
Diaz. Celui d’être soigné si l’on a été blessé, celui qui prévoit en cas de garde à vue
ou d’arrestation que les familles soient informées ainsi que les consulats pour
les étrangers, celui de savoir, pour les personnes arrêtées, où elles sont et
pourquoi et où elles seront conduites. Celui qui garantit à quiconque se trouve
en garde à vue ou en état d’arrestation d’être protégé par les forces de l’ordre
qui le gardent et de n’être pas insulté, frappé, torturé comme c’est arrivé dans
les casernes de Gênes-Bolzanetto et de San Giuliano. Tous ces droits et beaucoup
d’autres furent supprimés en juillet 2001.

Je vous demande, en tant que premier citoyen de Gênes, de vous engager afin que
toutes les responsabilités à tous les niveaux soient tirées au clair et pour
que soit instituée une commission d’enquête parlementaire avec les pleins pouvoirs
qui reconstruise ce qui est arrivé durant ces jours dramatiques.

Je vous le demande parce que tant que ceci n’arrivera pas (et deux ans et demi
se sont déjà écoulés) Gênes continuera à être un mot hostile, elle continuera à rappeler
les jours les plus sombres de notre démocratie à beaucoup trop de personnes.
Et des évènements culturels, même s’ils sont de haut niveau, ne suffiront pas à effacer
la terreur et l’angoisse que ce nom évoque encore en nous.

Et nous ne nous contentons pas des bénédictions de l’évêque à Bolzanetto ou d’improbables
sorties d’école, il faut bien autre chose pour que la fracture qui s’est créée
en ces jours-là entre les citoyens et les forces de l’ordre se recompose, il
faut vérité et justice.

Cela ne concerne pas que nous, témoins et parents, victimes de la furie aveugle
et injustifiée de ces jours-là, cela vous concerne aussi, vous et vos concitoyens,
pour que Gênes redevienne pour nous et pour vous la ville splendide et généreuse
que nous avions dans notre cœur avant le G8 et pour qu’elle puisse l’être pour
tous ceux, Italiens et étrangers qui ne l’ont connue qu’en juillet 2001 et qui
depuis ne peuvent ou ne réussissent pas à retourner à Gênes.

Votre ville, Monsieur le Maire, réagit en ces jours terribles avec une grande
solidarité et une vraie démocratie, nous l’avons connue à travers les avocats,
les médecins, les journalistes, tous ceux qui se dépensèrent pour que les blessures
portées aux manifestants, à la démocratie ne soient encore plus graves que ce
qu’elles ne furent, de cela je vous remercie et je remercie tous les Génois.
Mais je pense que cette année de la culture ne peut pas oublier ces jours-là parce
que c’est aussi de la culture les sentiments qui nous lient à une ville, les
idéaux de citoyenneté qui protègent les droits de ceux qui y vivent mais aussi
de qui y passe, même pendant quelques heures, durant une sortie ou une manifestation
.

C’est pourquoi je vous demande que Gênes se constitue partie civile dans les
prochains procès pour l’école Diaz et la caserne de Bolzanetto. Je vous demande
que Gênes soit en 2004 pas seulement la Capitale Européenne de la Culture mais
aussi la Capitale Européenne des Droits, en organisant des rencontres et d’autres
initiatives sur le thème des doits civils dans le cadre européen, durant 2004, à Gênes.
Le comité Vérité et Justice pour Gênes est prêt à collaborer avec vous.

Merci,
Enrica Bartesaghi
présidente


Comité Vérité et Justice de Gênes

traduit de l’italien par Mc et G.R.

20.01.2004
Collectif Bellaciao