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Lettre ouverte de Thémis

Publie le dimanche 20 avril 2008 par Open-Publishing
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Lettre ouverte au premier ministre

Thémis, née le 23 juillet 2002 a Creutzwald (57)
Tatouage 2BFV256
Raisonnablement vaccinée,
Euthanasiée puis décapitée
le 29 février à Montestruc su Gers

Lettre ouverte A l’attention du Premier Ministre, Monsieur Fillon, de la Ministre de la Santé Madame Roselyne Bachelot, du Préfet du Gers Monsieur Conus

Messieurs, Madame,

Je n’ai toujours pas compris pourquoi on ma retiré mon maître... mon corps, resté dans le Gers, a entendu dire que depuis que je n’étais plus la, mon maître n’était plus le même...
Je n’ai jamais qu’entre-aperçu ce Gamin dont il est tant question, j’étais trop occupée a garder ma gamelle d’eau et de croquettes personnelles, tapie au creux de mon panier d’où je pouvais les surveiller, tout en ne levant jamais les yeux de mon maître puisqu’à tout moment il pouvait se
décider à jouer avec moi.
Je n’avais en effet rien d’une anarchiste, qui croient aux valeurs que sont la Liberté l’Egalité et la Fraternité ; Agée de six ans et taulière de la maison, je détenais vis a vis de mon mâle Bobo et de mes enfants Waloo et Mugen a la fois les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires... si je n’étais pas si naïve je crierai a l’ironie.
Je n’ai compris que sur le trajet de retour à la maison que quelque chose ne tournais pas rond... Enfermée depuis le matin dans la voiture, j’ai entendu soudainement des pleurs et plusieurs fois le nom de Moonschka, une amie, que je n’ai jamais revue... Mon maître et ses amis étaient sereins depuis notre dernière visite chez le vétérinaire, la veille même, ou pour une fois je n’avais pas reçu une de ces maudites piqures.
Ils nous regardaient néanmoins comme si... c’est idiot... comme si nous avions une feuille sur le bout du nez, mais que celle ci portait une chenille.

En arrivant a la maison, c’était certain, il se tramait quelque chose de pas net... au lieu de rentrer ensemble a la maison pour mon repas, il m’a enfermée seule dans notre camion et s’est enfoncé parmi ces gens habillés en bleu. C’est tout juste si il s’est arrêté sur son passage pour « refuser de me livrer de cette manière ». Peu après, j’ai entendu le dernier cri de Biscotte, si craintive que je ne l’avais jamais vue ailleurs que dans les jambes de ses maîtres.
Puis il est ressorti, criant à « l’illégalité de ces actes », que tout le monde « savais » que je « devais être mise sous surveillance ».
Il s’est alors enfermé avec moi, tentant avec cet appareil à qui nos maîtres parlent, de trouver de l’aide. Je regrette et il doit aussi regretter maintenant de n’avoir pas pu consacrer ce dernier moment de solitude avec moi, à se dire adieu les yeux dans les yeux, aussi simplement que nous le faisions le matin en nous réveillant. Dans ce camion nous étions à l’abris de tout ce monde qui nous voulait du mal.

Pendant ce temps, Picot, un ami, a effectué deux allers retour entre chez lui et notre maison, porté par un adolescent a qui mon maître et ses amis a hurlé quelque chose avant qu’il ne fasse demi tour. Puis ce sont des gendarmes qui avaient écouté nos maîtres qui l’ont ramené une seconde fois chez lui. Le dernier voyage n’aura pas eu son retour.
Le Chien arrivé en Décembre pourra dire que la politesse tue, lui qui n’était pas la lorsque Gamin y était, et qui maintenant n’y est plus. Mais il a bien fallu se rendre a l’évidence...
Sans qu’aucun bout de papier légal, qui semblent si important a votre meute humaine, ne soit
prodigué, mon maître avait le choix entre m’accompagner jusqu’au bout de je ne sais ou, ou bien être emprisonné et j’y allais quand même.

Ma dernière promenade s’est limitée à parcourir ce même muret que je parcourais quatre fois par jours, et qui va de notre maison jusqu’au devant de la mairie de Montestruc, accompagnée d’un gendarme... Et dire qu’il a fallu que mon maître se batte pour obtenir ce droit que d’autres n’ont pas eu... puis j’ai salué ses camarades en pleurs, ai franchie le cordon bleu qui barrait le passage et ai rejoint en compagnie de mon maître ce qui devait être le lieu du début de mon exécution publique : devant notre portail avec comme témoins tout ces humains si importants.

D’où je suis, on me dit que mon maître et ses amis ont tout fait et auraient tout fait pour que nous puissions continuer a vivre, et que cela aurait été possible... être enfermée deux mois sans voir d’autres chiens, ce n’est pas la mer a boire, moi qui depuis six ans avait pour seul repère fixe mon maître et qui la moitié de ma vie était restée seule avec lui dans des Collines de Savoie...
J’avais toujours vécu sans laisse et sans collier auprès de lui et des ses machines agricoles, a cueillir les grappes déjà fermentées pendant que lui cueillait les grappes mures, a tirer les bois pendant que lui les taillais, a suivre le tracteur quand lui le remplissais. J’ai connu avec lui la neige, la mer (quel horrible gout d’ailleurs que celui du pétrole salé), les champs lacs et collines du Gers les sables et l’eau fraiche des torrents d’Ardèche et de France, ses amis et sa famille dont j’étais devenue l’amie.
Il sait aussi que partout où il sera, j’ai été et je serai toujours, mais que jamais plus il ne sentira ni mes poils, ni ma truffe humide se glisser sous ses doigts.

Thémis

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