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MAROC : Les tabassés de larache, lire cet article sur lejournal-hebdo.com

Publie le dimanche 18 septembre 2005 par Open-Publishing
4 commentaires

Les tabassés de larache

Des mères, des jeunes filles et même des grands-mères sont en prison pour avoir défié les autorités locales. Elles se sont opposées à un promoteur immobilier pour défendre des terres qu’elles considèrent être les leurs. Enquête.

« Nous sommes tous des Beggara », scande avec fierté ce chauffeur de taxi de Larache quand on lui évoque l’affaire de ces femmes qui ont osé défier les autorités. Les habitants de Larache se sentent tous solidaires des Beggara qui « n’ont fait que défendre leurs terres ». « Nous avons été déplacés ici, il y a plus d’un siècle pour prendre en charge des troupeaux de vaches et de chevaux des domaines royaux. Maintenant, ce promoteur immobilier, avec l’aide de la préfecture, veut spolier nos terres. Ce n’est pas juste », s’indigne le porte-parole des familles Beggara.

La mafia de l’immobilier

L’affaire des femmes de Beggara a permis de mettre au-devant de la scène les magouilles qui sévissent dans le secteur de l’immobilier à Larache. Le tribunal de la ville est submergé d’affaires impliquant, d’une part, de puissants promoteurs immobiliers et de l’autre, des familles démunies, chaque fois sommées de quitter les lieux. A Jnane Heraq, comme au Menzeh, ou encore à Jnane Ajtout, des centaines de familles ont subi la loi des promoteurs. Celui de Beggara s’appelle Mohamed Dghoughi, un self-made-man qui aurait commencé sa carrière comme un simple « terrah » (employé dans un four traditionnel). « Ces terres ont un historique de litiges entre différentes parties. C’est grâce à ses connections au conseil municipal de la ville, à la préfecture et même dans le corps de la justice que Dghoughi a pu avoir l’autorisation de construire », informe un proche du dossier. Pourtant en novembre 1960, une commission du ministère de l’Intérieur avait déjà procédé à la délimitation de ce territoire.

Il est précisé dans le procès-verbal que ces terres dénommées « Remla des Beggara » appartiennent à la collectivité des Beggara. En dépit de cette décision publiée notamment dans le Bulletin officiel de la même année, le promoteur reçoit le O.K des autorités locales en 2003 et procède à la construction du lotissement Essaada I, dans le cadre du logement social. « C’est une grosse arnaque. Comment expliquer que des logements sociaux soient vendus 400.000 Dhs l’unité ? Il s’est tout simplement servi de cet argument pour s’approprier ces terres », conclut ce militant de gauche. Les documents administratifs sont clairs : Dghoughi a reçu l’aval du Conseil municipal en avril 2003 après celui délivré par la wilaya de Tanger-Tétouan par le biais du Centre régional d’investissement. Le projet y est présenté comme« un complexe résidentiel de 2000 logements sociaux sur un terrain domanial de huit hectares ».
Le projet va de l’avant alors qu’en juin 2003, suite à une réunion entre les familles Beggara et les représentants de l’autorité, il a été convenu de trouver un compromis entre les deux parties avant d’avancer dans les travaux. Encore plus, en mars 2004, le tribunal administratif de Rabat va carrément annuler l’autorisation donnée par le conseil municipal de Larache (datant du 1/4/2003, N° 213) au promoteur Dghoughi à cause du « conflit opposant plusieurs parties quant à l’établissement clair de la propriété des terrains ». Le tribunal ira jusqu’à critiquer l’approche du président du conseil qui aurait dû « attendre que les terres soient définitivement enregistrées pour donner un accord ». Essaada I verra quand même le jour !

Des femmes contre le makhzen

Porté par ce succès, le promoteur, muni par la même décision du conseil, décide alors de lancer Essaada II. Les « Beggara » vont alors réagir. Leur territoire est situé à quelques quatre kilomètres de Larache. Bordées par l’autoroute et le fleuve Loukos, les terres des Beggara qui font partie du périmètre urbain n’en présentent aucune des caractéristiques. Absence d’infrastructures sanitaires, d’une véritable école et même d’eau potable, les Beggara vivent dans la préhistoire. Les enfants ne vont pas à l’école. Les hommes n’ont pas de travail et survivent grâce à leurs troupeaux. Ils vivent dans des baraques de fortune et s’indignent de l’attitude du makhzen qui, au lieu de les aider à sortir de leur misère, veut maintenant spolier leurs terres. « Nous sommes des victimes. Les criminels sont ceux qui sont venus prendre nos terres », crie Saâdiya, la trentaine, témoin oculaire des événements du lundi 15 août. Avant d’ajouter : « Ils nous ont déjà pris nos terres : la météorologie nationale, les autoroutes du Maroc ainsi que Dghoughi, sans contrepartie. Cette fois, nous ne les laisserons pas faire ». Chose curieuse, dans cette affaire, ce sont des femmes qui se sont trouvées en ligne de mire. « Nous avons intentionnellement opté pour cette tactique. Par le passé, ils tabassaient nos hommes et les mettaient dans les prisons. En plus, c’est à cause de l’indulgence de nos hommes que nous avons perdu autant de terres. Les femmes ont décidé de prendre les choses en main », tonne Saâdiya.

Elles ont décidé alors d’assurer quotidiennement la garde des terres objet de la convoitise du promoteur immobilier. A tour de rôle. Et ce, depuis début juillet. « Nous les empêchions de commencer les travaux. Chaque jour, les ouvriers s’amenaient sur les lieux sans pouvoir réaliser leur travail. Nous avons décidé de ne pas nous laisser dépouiller comme par le passé », ajoute Malika. Devant la résistance des femmes de Beggara, Dghoughi passe à l’offensive. Il dépose une plainte contre les Beggara le 21 juillet et obtient gain de cause. Le tribunal de première instance de Larache prend une décision en référé sommant les habitants de ne pas s’opposer aux travaux au risque de payer une amende 300 DH/jour. « Nous avons eu vent de cette décision. Nous avons formé une délégation de 50 personnes et nous sommes allées le 11 août à Rabat au siège du ministère de l’Intérieur pour porter plainte. Ils nous ont reçues et ont montré de la compréhension pour nos doléances. Ils nous ont conseillées d’aller parler au gouverneur M. Maâ El Aynaïne », raconte Saâdiya.

Ce qu’elles firent le lendemain au siège de la préfecture avec comme interlocuteurs, les membres de la direction des relations générales. Sans succès. « Elles insistaient sur le fait de laisser Dghoughi construire ses maisons sur les quatre hectares de nos terres avec la vague promesse de nous construire aussi des habitations. Nous avons demandé un délai pour en discuter entre nous », narre Mohamed Aziya.

Le jour J

Le lundi 15, à neuf heures du matin, la commission provinciale formée de techniciens, d’ingénieurs et de géomètres ainsi que d’une vingtaine d’agents de police et des forces auxiliaires, fait irruption sur les terres de la future Essaada II. Objectif : préparer le démarrage des travaux de construction. « Nous leur avons expliqué qu’une décision n’avait pas encore été prise au sein de la jamaâ des Beggara et qu’en attendant, ils ne pouvaient pas procéder aux travaux. C’est là que les forces de l’ordre se sont ruées sur nous et ont commencé à nous tabasser. Les agents de l’autorité frappaient avec leur gourdin des femmes qui ont l’âge de leur mère », soupire Halima. Les femmes (une cinquantaine) opposeront une grande résistance aux forces de l’ordre. « On tentait surtout de soustraire les femmes des mains des policiers qui nous frappaient sauvagement », soutient Saâdiya. Dans un communiqué du 31 août dernier, la préfecture clame que les femmes et les enfants ont lancé des pierres en direction de la commission. En réaction, les agents de l’autorité auraient alors procédé à l’arrestation de sept femmes sur place.

Les choses ne s’arrêtent pas là. « Nous nous sommes lancés à leur poursuite. Des femmes mais aussi leurs enfants. Nous voulions seulement qu’ils libèrent les femmes », lance Karima, encore sous le choc. A l’entrée de Larache, elles vont être arrêtées net par les policiers. Même scénario. « En plus des coups, les policiers nous insultaient. Une de nos femmes a été rouée de coups jusqu’à l’évanouissement. Une autre a eu une fracture à la jambe à cause des coups de brodequin. Et bien sûr, celles qui tombent sont jetées dans les fourgonnettes », raconte avec tristesse Rabiaâ qui porte encore les séquelles de la confrontation de lundi. Bilan : une dizaine de femmes a été arrêtée.
Les autres décident de poursuivre leur marche vers la préfecture. Avec la même doléance : la libération de leurs camarades. Elles seront encore une fois bloquées à proximité de la maison du gouverneur. Pendant deux heures, les femmes de Beggara vont empêcher la circulation sur l’artère principale de la ville. « Les policiers nous ont humiliées, frappées et ont enlevé nos sœurs et nos mères. Autant mourir que d’accepter ce sort », crie Saâdiya.

Devant cette situation, en ultime recours, les autorités locales ont fait appel aux forces anti-émeutes de Ksar El Kébir qui ont poussé les femmes à détaler. Celles restées sur place, blessées, seront interpellées. « Ce qu’ils nous ont fait est comparable à ce qu’endurent les Palestiniens en Israël », fustige M. Aziya. Au total, ce sont 20 personnes dont 18 femmes qui sont poursuivies pour violence à l’encontre des forces de l’ordre, attroupement non autorisé sur la voie publique et détérioration des biens publics. Cinq ont bénéficié de la liberté provisoire après avoir payé une caution de 500 DH (deux femmes de plus de 70 ans, deux femmes enceintes et une autre interpellée avec son bébé dans les bras) !

Les associations féminines, le bureau local de l’AMDH ainsi que des militants de la société civile ne comptent pas baisser les bras. « Nous allons organiser une caravane de solidarité au profit des femmes de Beggara le 17 septembre prochain. Nous demandons d’ouvrir une enquête sur le secteur de l’immobilier dans notre ville », conclut Mme Asmaâ El Baghdadi du Collectif les Mains Solidaires.

Hicham Houdaïfa

Source :

www.lejournal-hebdo.com

Messages

  • et que se passe-t-il concernant le projet essaada à Assillah ? merci de me faire parvenir les renseignements en votre possession. adresse : catmood @neuf .fr

  • nous sommes fin octobre 2008 et aucun signataire d’un compromis de vente pour l’acquisition d’une maison dans le cadre de essaada Asilah, tranche N°2, n’a d’information officielle concernant le futur (qui me semble de plus en plus improbable) de ce projet ;Notre argent est bloqué, les prix de l’immobilier ont flambé et M.Deghoughi refuse de donner des informations fiables et précise ;Il ne va même pas chercher les lettres recommandées qui lui sont adressées par ses clients inquiets !!les propriétaires de la première tranche n’ont que l’eau du puit et l’electricité via un chantier voisin et ce depuis des années ;MAIS QUI EST CE M. Mohamed DGHOUGHI ??n’y a-t-il pas un journaliste qui enquête sur ce promoteur qui de par sa façon d’agir me semble pour le moins douteux ?

  • Il est grand temps que le Maroc réagisse face à de tel promoteur qui se foute complétement de l’image de leur pays et escroque de pauvre gens qui investisse la sueur de leur front dans des projets totalement foireux,.
    Nous sommes au 20e siècle et pas au moyen-age, il y a des droits et des devoirs, Mr Deghoughi enfreint toutes les lois, celle de son pays et celle qu’il a vis à vis de ses clients.
    Il est grand temps que les responsables qui sont derrière cette immense escroquerie prenne leurs responsabilités et qu’il fasse le nécessaire pour faire cesser cet abus.
    Aller jeter un coup d’œil sur ce forum et vous comprendrez :

    http://www.topix.com/forum/ma/asilah/T3V7I28GAGHU6BDHO

    Ce type de promoteur nuit gravement à l’image du Maroc et à son sérieux , beaucoup de MRE ( marocain résident à l’étranger ) ont investis dans ces projets le fruit de leur travail, et rien ne justifie qu’il soit traités comme des dindes.
    Tout le monde doit connaitre les agissement de ce BANDIT.