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MAROC:Observations du syndicat l’UMT sur le projet de loi relatif au droit de grève,septembre 2004.

Publie le vendredi 9 décembre 2005 par Open-Publishing
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MAROC : Observations du syndicat marocain l’UMT sur le projet de loi relatif au droit de grève,septembre 2004.

1-Le gouvernement a rédigé unilatéralement,un projet daté de février 2004 dit de << loi organique relatif à la grève>>.Ce projet ne comporte pas d’exposé sur ses motifs ni sur ses objectifs. Les principes sur lesquels ils se fondent ne sont pas explicites. Ses dispositions révèlent de sérieuses confusions sur les fondements juridiques et les fonctions sociales du droit de grève. Il comporte des conditionnalités,des obligations de procédure et un régime de sanctions qui criminalisent la grève. De fait,il introduit la police,les tribunaux,les amendes et la prison au coeur des relations professionnelles en lieu et place des partenaires sociaux et du contrat collectif. Cette approche vise moins la prévention et la résolution des conflits du travail que l’enfermement des travailleurs et même des employeurs ainsi que leurs organisations dans un enchevêtrement de procédures peu réalistes,et dont la complexité rend tout dialogue social improbable .En l’état,ce projet est une menace à la fois pour les droits fondamentaux des travailleurs et pour la stabilité des relations professionnelles .Ceci étant dit,et prenant acte de la volonté gouvernementale d’ouvrir le dialogue sur cet important sujet, l’UMT entend apporter une contribution responsable et positive à la consolidation de relations professionnelles saines et dynamiques dans notre pays. Dans cet esprit, l’UMT préconise la mise en place de procédures efficaces de prévention et de résolution des conflits du travail plutôt que l’échafaudage d’un arsenal répressif déconnecté des vrais problèmes du monde du travail. Cette note énumère les principes fondamentaux universellement admis en la matière puis présente les observations de notre organisation sur le projet gouvernemental et formule des propositions concrètes d’amélioration de ce document.

2- Le droit de grève est un droit de l’homme fondamental affirmé par l’ONU,par le préambule de la constitution qui stipule que le royaume respecte les droits de l’homme tels qu’ils sont universellement définis et par l’article 14 de la constitution qui précise que le droit de grève est garanti. A ce titre,le droit de grève est aussi primordial que toute liberté humaine essentielle. Il ne peut faire l’objet d’une réglementation restrictive q’en proportion d’intérêts particuliers. C’est à ce titre,et à ce titre seulement,que dans certains secteurs (notamment de sécurité) ce droit peut être restreint. Hormis ces cas,et comme le droit de propriété,lui aussi garanti par la constitution,le droit de grève ne peut faire l’objet que de dispositions des relations professionnelles doit porter sur la promotion de la négociation collective et la mise en place d’institutions impartiales et de mécanismes efficaces dédiés à la prévention et la résolution concertée,négociée et,le cas échéant,volontairement arbitrée des conflits du travail plutôt que sur la restriction du droit de grève.

3- Le projet gouvernemental criminalise le droit de grève :
a-La liberté du travail visée à l’article 5 n’est pas définie : cet article consacre les dispositions punitives de l’article 288 du code pénal
b-La notion de faute grave visée à l’article 6 est vague et expose les grévistes au licenciement et aux poursuites judiciaires : que signifie << l’injure manifeste>> ? Qui l’apprécie ? Sur quelles bases ? Que vient faire dans cet article la référence à << l’ivresse publique>> ? Que signifie << l’usage de toute sorte de violence contre un travailleur ou contre l’employeur ou ses représentants >> ? Un slogan ne sera-t-il pas considéré comme une violence ? Ou un piquet de grève dont l’usage est pourtant reconnu et permis par la jurisprudence de l’OIT ?
c-Le régime des peines est très déséquilibré (articles 31 à 37). Un employeur qui discrimine un gréviste,ou qui le licencie, ou qui recourt à des briseurs de grève, ou qui déménage la production ou les marchandises s’expose tout au plus à 100.000 dirhams d’amende, une sanction pécuniaire ridicule qui vaut incitation à la violation du droit de grève. Par contre,un salarié accusé d’avoir scandé un slogan jugé injurieux (par on ne sait qui) peut être licencié et les collectifs de travail ou les syndicats peuvent, pour cette même raison,être condamnés à des amendes sans plafond !

4-Le projet gouvernemental rend impossible l’exercice du droit de grève
a- l’a .g. doit se tenir hors du lieu de travail (article 11,alinéa 2) : cette disposition est contraire aux conventions 87 et 98 de l’OIT qui sont des conventions opposables au MAROC
b-Le droit de grève pour être licite est suspendu à une procédure de conciliation et d’arbitrage (article 12) sous peine d’amende de 150 à 10 000 dirhams par nombre de grévistes : cette disposition est ahurissante ! La conciliation ne peut être que volontaire sauf à violer le droit de grève ;
c-Le préavis de 10 jours (articles 13,14,15,16 et 17) fait porter la responsabilité des événements (grève,sécurité des installations) sur une entité << le comité de grève>> sans personnalité juridique précise ce qui revient à responsabiliser des individus sans attribution syndicale et à criminaliser les salariés et les exposer à toutes sortes de manoeuvres.
d- L’article 19 interdit le recours à la grève pendant un an sur des sujets ayant fait l’objet de négociation avec l’employeur ; quid d’une négociation non validée par l’a. g. des travailleurs ? Cette disposition n’est pas réaliste et ouvre la porte à des poursuites juridiques sans fin.
e- L’occupation des locaux est assimilée à du squat (article 23) alors que dans les faits les travailleurs défendent et protègent leurs productions en tant que contrepartie de leurs salaires non versés par des employeurs délinquants

5- Le projet gouvernemental ignore les raisons qui poussent la plus souvent à la grève
a- Aucune étude sur les causes des conflits du travail n’a précédé ce projet de loi.
- Violation du droit du travail :
1- inapplication du SMIG
2- détournement des cotisations sociales
3- accidents du travail,hygiène et sécurité défaillantes
4- réduction illégales des heures de travail et des salaires
Atteintes au droit syndical
1-licenciement des élus syndicaux
2- refus de négocier
3- etc...
b- Les grèves interviennent le plus souvent en réaction aux abus patronaux ;elles sont
un appel à la négociation collective ;
c- Le projet de loi devrait organiser la prévention et la résolution des conflits du travail

6- Propositions pour un texte de loi organique
a- Un exposé des motifs et des objectifs
-Le droit de grève est un droit fondamental garanti par la loi constitution aussi
bien pour le secteur privé que public
- Ne peut être restreint que pour les catégories ou les situations liées à la
sécurité nationale
- Ne peut être interdit ni limité que par la décision de justice
- Le droit de grève est un exercice de la liberté du travail et une protection
contre le travail forcé
b- Interdiction du recours à des travailleurs externes durant la grève
c- Pas de rupture du contrat de travail
d- Aucune sanction ni discrimination pour participation à une grève
e- Conciliation et arbitrage possibles si volontaires et librement choisis par
les travailleurs
f- Mise en place de structures régionales de conciliation et d’arbitrage volontaires avec délai rapide de réunion et d’examen des recours
g- La conciliation et l’arbitrage ne suspendent pas le droit de grève
h- Le gouvernement peut, par décret, et après consultation des partenaires sociaux, fixer des délais sectoriels de préavis.

Repères :

Un bref aperçu sur l’UMT :

L’Union Marocaine du Travail s’est constituée le 20 mars 1955, c’est-à-dire avant l’indépendance du Maroc. C’est un syndicat indépendant du patronat, des partis politiques et du gouvernement. Il est ouvert à tous les salariés sans égard pour leurs croyances ou appartenances politiques. L’UMT milite pour une vraie démocratie fondée sur la reconnaissance des droits des masses populaires et du rôle de la classe ouvrière dans tout changement de la société. L’UMT est l’un des quatre syndicats représentatifs à l’échelle nationale.
Depuis son 9 ème congrès en 1995, l’UMT a opté pour l’ouverture sur les organisations démocratiques de la société civile (mouvements des droits humains, jeunes, femmes, chômeurs,...) qu’elle considère comme des alliés de la classe ouvrière.

l’UMT est affiliée à la CISL-ICFTU.

www.icftu.org

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